« L’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la
perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que
soit leur état ou leur forme de vie ; dans la société terrestre elle-même,
cette sainteté contribue à promouvoir plus d’humanité dans les conditions
d’existence. »
C’est ainsi que s’exprime le second concile du Vatican à
propos de ce que l’on appelle la vocation universelle à la sainteté. Les saints
ne sont pas ceux qui sont béatifiés ou canonisés, les héros dont la vie est si
parfaite qu’elle ne risque pas d’être la nôtre. Les saints, ce sont, ainsi que
le dit Paul, ceux qui ont été sanctifiés, rendus saints, par l’amour de Jésus
qui fait de tout homme son frère, l’appelant à accueillir sa propre sainteté.
La sainteté, c’est un appel adressé par le Christ à tout
homme, une vocation, à commencer bien sûr pour ceux qui se reconnaissent comme
ses disciples. Voilà pourquoi on peut célébrer la Toussaint, la fête de tous
les saints. « Vous donc, les élus de Dieu, ses saints et ses
bien-aimés, revêtez des sentiments de tendre compassion, de bienveillance,
d'humilité, de douceur, de patience ; supportez-vous les uns les autres et
pardonnez-vous mutuellement, […]. Et puis, par-dessus tout, la charité, en
laquelle se noue la perfection. » (Col 3,12-14)
Les saints du calendrier n’ont qu’une différence avec nous.
L’Eglise estime que leur vie présente un chemin d’accueil de la sainteté de
Dieu qui peut servir à d’autres. Si l’intercession des saints a un sens, ce n’est
pas à espérer une intervention miraculeuse, mais à inciter ceux qui s’adressent
à eux à se laisser transformer par l’Esprit qui sanctifie selon qu’ils ont été
eux-mêmes sanctifiés par cet Esprit. Le Christ s’est uni à tout homme et voilà
pourquoi désormais chacun est sauvé, sanctifié, saint. Le chemin de quelques
saints indique à tous comment se laisser aimer par Dieu.
J’accorde que le nombre de papes, évêques, religieuses
canonisés laisse penser que certains états de vie mènent plus évidemment à la
sainteté que d’autres. J’accorde que la superstition peut n’être pas loin à
invoquer saint Antoine pour retrouver ses clefs, et saint Jude ou sainte Rita patrons
des causes désespérées. Voulez-vous, laissons-là ce folklore. Ne l’appelons pas
trop vite religion populaire pour mieux continuer à l’entretenir. Convertissons
notre dévotion selon l’évangile et entendons une fois encore l’appel universel
à la sainteté lancé par Jésus : « vous donc, soyez parfaits comme
votre Père céleste est parfait » en écho à l’appel de Dieu dans la Loi :
« Soyez saints car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. »
Il n’y a alors qu’une chose à chercher, l’amour entre
frères, l’amour de tous comme des frères. C’est à cet amour que l’on connaîtra
la vérité, l’authenticité de notre amour pour Dieu, loin de l’illusion, c’est à
cet amour que le monde connaîtra que nous sommes les disciples de Jésus et
connaîtra Jésus.
L’amour fraternel est le chemin du véritable disciple autant
qu’il est évangélisation. Avec lui, on a tout dit. « Aime et fais ce que
tu veux » avait écrit saint Augustin. Certains n’aiment pas que l’on
répète cet avis, sous prétexte qu’il pourrait inciter au laxisme. Mais si l’on
aime le frère, les frères, tous les frères, où peut se rencontrer le laxisme ?
On rencontrera plutôt les adversités, les critiques, parce
qu’à l’image de Jésus, on essaie d’être le frère de tous, que l’on rompt le
codes moraux qui séparent les purs des pécheurs, comme disaient les pharisiens
du temps de Jésus, parce qu’on veut accueillir tout le monde dans la maison
Eglise, les mendiants et les sans-papier qui remettent en cause notre confort
économique, les homosexuels qui remettent en cause notre modèle familial, les
divorcés remariés qui remettent en cause, au moins dans les faits, l’indissolubilité
du mariage. Bref entre l’amour et le dogme, l’amour et la discipline, quand il
y a conflit, la sainteté appelle à choisir l’amour. Et le Pape lui-même se fait
rentrer dedans sous prétexte de laxisme ou de complaisance envers les courants
anti-capitalistes quand il défend les pauvres.
Pas besoin pour être saints de chercher les sacrifices, les
efforts. Les difficultés qui se présentent, à commencer par nos propres
résistances, suffisent à paver nos chemins de croix. Nous résistons à l’amour
parce qu’il exige de nous ‑ où est le laxisme ? ‑ que nous nous
effacions. Les frères d’abord. Il s’agit d’être près à renoncer à ses propres désirs,
souhaits, y compris légitimes et bons, si l’amour du frère le commande. C’est
heureusement si souvent ce que font les parents pour leurs enfants. Les saints sont
souvent communs et proches.
Quand il s’agit d’aimer Dieu et le frère, alors nous
reconnaissons que nous sommes souvent à côté de la plaque. Non que nous soyons
pires que les autres, plus grands pécheurs. Mais, plus l’on progresse dans l’amour
de Dieu et des frères, plus nous saute à la figure l’évidence de ce qui manque.
L’amour de et pour Dieu révèle notre manque non comme une accusation, mais
comme un appel à se laisser sanctifier. Les frères et Dieu changent notre cœur.
Nous ne pouvons qu’espérer de Dieu et des frères. Dieu seul est saint ; de
lui seul se reçoit ce qu’il nous appelle à être, saints comme lui, saints à
cause de lui pour les frères.
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