L’équipement missionnaire ordonné par Jésus (Mc 6, 7-13)
a-t-il un sens, aujourd’hui, dans un tout autre monde, deux mille ans plus tard ?
Le missionnaire ne doit-il pas avoir son portable, ses listings à jour, et je
ne sais quel instrument pédagogique à portée de main ? Pour répondre à ces
questions, on pourrait penser qu’il faudrait d’abord savoir qui sont les
missionnaires pour aujourd’hui. Au contraire, la panoplie n’est pas ici
accessoire ou costume. Elle est portrait et dessine le profil des
missionnaires. Pour savoir ce que l’on attend des missionnaires, ce qu’ils
sont, ce qu’ils font, il faut comprendre le sens de l’équipement ordonné par
Jésus.
Le premier équipement, c’est l’équipage. On n’est pas
missionnaire tout seul, au singulier. Jésus envoie les Douze deux par deux. Il
en envoie Douze, et deux par deux. Impossible d’être à son compte, de monter
son affaire, de se faire maître à penser quand on travaille pour le royaume,
parce que justement, c’est pour le
royaume que l’on œuvre, pas pour soi.
Ensuite, chargés de l’autorité de Jésus, emplis de l’amour
que Dieu a pour eux, les missionnaires risquent de ne plus se sentir. Ils ont
la vérité, le pouvoir de la vérité. Quand on a un peu touché la force de la
parole qui guérit, relève, libère, on voit quel pouvoir on a ! Ainsi les
missionnaires savent. Ils ne sont pas comme les autres qui n’ont pas approfondi
leur foi, qui ne sont pas convertis et vivent dans des situations objectivement
contraires à l’exigence évangélique qui n’est rien d’autre que ce qu’impose la
loi naturelle, la conscience humaine, éclairée par la raison. Les missionnaires,
choisis par Jésus, qu’ils aient fait un bon séminaire (car il en est aussi de
mauvais !) ou appartiennent à la bonne communauté, sont le corps d’élite
de l’Eglise.
Mais avec autant de certitudes, ainsi accrédités, pas sûr
que l’on réponde à l’exigence de Jésus. L’équipement léger est la stratégie
pour déjouer la sécurité que confère l’élection. A se savoir choisis pour être
envoyés, les missionnaires risquent de se prendre pour les sauvés, les parfaits.
(Même l’habit du mendiant peut en rajouter à la certitude. La pauvreté choisie
serait la preuve de la vérité. Or il ne suffit pas d’être pauvre pour être
intelligent et humble.)
La pauvreté évangélique ne fait pas de bruit, ne s’exhibe
pas. Elle est, par la faim qui tenaille le ventre certains jours, ce qui
empêche les missionnaires de se prendre pour le messie qu’ils annoncent. Pas
besoin des palais épiscopaux, des presbytères luxueux, des appartements
vaticans pour détourner les disciples de la mission. L’arrogante certitude de
leur élection suffit à les faire donneurs de leçons intolérants, plus attachés
aux règles qu’eux ou leurs prédécesseurs ont édictées qu’à la légèreté de la
pénurie évangélique. La miséricorde ne fait plus partie de leur panoplie parce
que lorsque l’on est un juste qui mange bien et a chaud l’hiver, on n’a que
faire de la miséricorde.
L’habit du mendiant est la tenue des missionnaires qui dans
leur indigence ne peuvent se prendre pour des parfaits et doivent recourir à la
ruse. Ils annoncent une parole qu’eux-mêmes n’écoutent guère. Il faut ruser.
Ils annoncent une parole puissante, et il faut ruser pour ne pas se croire
puissant.
Enfin, l’habit du mendiant oblige aussi à recevoir. Ainsi, les
missionnaires ouvrent-ils le cœur de qui les accueille. Celui qui s’arrête sur
le sort du mendiant est déjà ouvert à l’écoute. Une parole de Dieu pourra être
accueillie. Il est des gens, les plus pauvres aussi, qui sont disposés à tendre
la main à celui qui n’a rien. Cette main tendue est main saisie.
Saisi par celui qui n’a rien et tend la main, l’homme soucieux
de son frère peut entendre une bonne nouvelle. Tu tends la main à ton frère,
Dieu saisit la tienne. Quand ton frère saisit ta main qui lui donne ce que sa main tendue attendait, c’est Dieu qui te rattrape et te saisit. Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de
ces petits qui sont les miens, c’est à moi que vous l’avez fait.
Les missionnaires doivent n’avoir d’autre habit que celui du
mendiant, pour que la main de celui auquel ils s’adressent saisisse les leurs.
C’est ainsi que Dieu saisit, c’est cela la mission au nom du royaume. La main
tendue au pauvre est main saisie par Dieu. Si les missionnaires sont riches ou
riches d’eux-mêmes, ils n’invitent pas à ce qu’on les secoure, à ce qu’on leur
tende la main. Si les missionnaires ont les mains pleines, même de ce que Dieu
donne au monde, ils ne pourront jamais saisir la main qu’on leur tend. Les
missionnaires ne peuvent que porter l’habit du mendiant, l’habit de leur maître.
Evidemment vous parlez des "missionnaires" formés et labellisés par l'Eglise ! Je comprends c'est et ce fut votre job de les labelliser, si je ne me trompe pas...
RépondreSupprimerPour ma part, j'en connais d'autres, qui ne s'attribuent pas ce vocable.
Ils n'ont pas d'habit du tout, ni mendiants, ni maitres, juste des hommes et de femmes ordinaires, dans la vie ordinaire du monde ordinaire.
Choisis par Jésus ? tout est là ! Ils se reconnaissent à leur "liberté d'être" alliée à leur fidélité à eux-mêmes et à leur conscience.
Ligotés dans une religion ? Mieux vaudrait que non.
Libres dan une religion ? Je n'y crois guère.... Tant d'exemple de rejetés et de marginalisés montrent dans une religion l'impossibilité de la liberté intérieure (qui va à l'encontre de la vertu d l'obéissance) et de l'audace des fils...(qui va à l'encontre de la vertu de la "Tradition").
Jésus choisit qui il veut (ses choix sont typiques de ses "erreurs de casting apparents") et le plus souvent ceux qu'on pense qu'il n'a surement pas choisis ! : trop originaux ! trop hors normes pas assez "catéchisés".... pas "dans la ligne"...
Ceux là m'intéressent, ils m'enseignent par leur vie, leur ressemblance profonde à Lui. Question de regard, de simplicité, de lumière intérieure.
En balayant ma toute petite existence, je me dis qu'il furent nombreux à croiser mon chemin, je compte même 2 ou 3 curés... certes en délicatesse avec leurs chefs enrobés, mais fidèle cependant... à leur conscience (éclairée comme vous dites).
Ceux-là sont mes maitres que je côtoie silencieusement.
Merci pour leur fidélité.
Vous ?
Je ne sais toujours pas où vous situer .....
Tant mieux sans doute !
:-)
Fraternellement cependant....
Vous ne pouvez pas vous empêcher de pencher du côté où vous allez tomber !
RépondreSupprimerS'il suffisait de n'être pas dans l'institution pour être vrai et honnête...
La prolifération des sectes évangéliques, avec ces pasteurs autoproclamés, qui peuvent être de bons bougres, mais qui créent le business qui les fait vivre, comme le plombier du coin, oblige à un peu plus de réserve, ce me semble.
La secte c'est toujours l'autre c'est bien connu !
SupprimerEt chacun de nous est meilleur que tout les autres !
Cela dit ce n'était pas mon propos. Comme souvent vous bottez en touche...