Après la mort de Jésus, dans la passion selon saint Matthieu de Bach, il y a un air de basse : « Purifie-toi, mon cœur, je veux enterrer Jésus moi-même. Car à partir de maintenant il aura en moi, pour toujours son repos. Monde, dehors ! Laisse entrer Jésus »
Le croyant non seulement veux enterrer Jésus, mais l’enterrer en lui, être son tombeau, sa dernière demeure. Bien sûr, cela demande quelques aménagements intérieurs, à commencer par virer le monde. Le monde, c’est ce que nous aimons tant, qui prend toute la place, celle des autres, c’est-à-dire celle de Jésus.
Le style piétiste, est sans doute trop affecté pour nous, et encore, je l’ai musclé ! Mais nous pourrions, nous aussi, enterrer le Seigneur en nous, faire de nos vies son lieu de repos. C’est de notre vie que nous construisons le monument qui le signale à notre souvenir et à celui de tous, anamnèse. D’accueillir son cadavre, notre vie est renaissance.
Avant que de l’ensevelir, il faut l’embaumer. Marie s’y est pris en avance. Elle avait compris qu’on n’aurait pas le temps, que tout serait bâclé parce qu’il fallait faire place nette pour que les religieux célèbrent la Pâques. Je vous invite à n’être par religieux. Si déjà nous étions attachés à Jésus, ce serait bien. Si comme Marie, nous pouvions avoir pour les frères le geste de prévenance.
Je laisse Thérèse de l’enfant Jésus et de la sainte face achever cette courte méditation :
« [Marie pensait] à faire plaisir à Celui qu’elle aimait, aussi prit-elle un vase rempli d’un parfum de grand prix et le répandit sur la tête de Jésus en cassant le vase, alors toute la maison fut embaumée de la liqueur, mais les APÔTRES murmurèrent contre Madeleine... C’est bien comme pour nous, les chrétiens les plus fervents, les prêtres trouvent que nous sommes exagérées, que nous devrions servir avec Marthe au lieu de consacrer à Jésus les vases de nos vies avec les parfums qui y sont renfermés... Et cependant, qu’importe que nos vases soient brisés puisque Jésus est consolé et que malgré lui le monde est obligé de sentir les parfums qui s’en exhalent et qui servent à purifier l’air empoisonné qu’il ne cesse de respirer. » (Lettre 169, 19 08 1894)
L’oral ne permet pas de voir les mots qui en italiques. Parmi eux, Thérèse a mis le mot tête. C’est la tête qui est ointe et tout le corps, même les membres rebelles, sont parfumés. On perçoit une sorte de féminisme anticlérical dans le propos. Nulle part on ne dit que ce sont les apôtres qui rouspètent, mais les disciples chez Matthieu, quelques uns chez Marc, et Judas chez Jean. Prendre soin du corps de Jésus, dont Jésus est la tête, que cela plaise ou non, c’est prendre soin de tous, y compris ceux qui s’y opposent ; le parfum emplit la maison commune.
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