Une manière de parler du temps liturgique laisse entendre qu’aujourd’hui nous recevons l’Esprit saint. Mais ne l’avons-nous pas reçu au baptême ? L’Esprit ne plane-t-il pas sur les eaux de la création primordiale, déjà répandu à la surface de la terre, avant même qu’il y ait l’homme pour le recevoir ? Non, aujourd’hui, nous ne recevons pas l’Esprit saint, du moins, pas plus qu’hier ou demain. Pas moins non plus, il est vrai.
La vie des disciples est vie spirituelle. Entendons-nous. Non pas prière et méditation. La vie spirituelle, c’est la vie, la vie tout entière, dans l’Esprit. L’Esprit prend nos vies dans leur totalité, de la naissance à la mort et la résurrection, du plus banal ‑ manger, se laver, se déplacer ‑ au plus spécifique, notre travail, nos relations, nos amours, nos rêves et maladies, nos combats, nos espoirs et engagements pour le service de tous.
« Quand je me tiens sous l’abri du Très-Haut et repose à l’ombre du Puissant, je dis au Seigneur : "Mon refuge, mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr !" » (Ps 90) Le Seigneur nous prend sous son ombre, tous sans exception, pas l’un ou Marie plus que les autres : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. » (Lc 1)
Nous demeurons tous sous l’ombre du Puissant. « Obombrer » : couvrir, protéger de son ombre. La météo de ce mois ne nous laisse guère deviner ni désirer combien est féconde l’ombre de l’Esprit du Seigneur. Mais enfin, nous ne sommes pas nés de la dernière pluie.
C’est toute notre vie que nous voulons livrée à l’Esprit. Nous voulons que Dieu par son Esprit de sainteté habite notre terre pour la renouveler et nous offrons nos corps aux langues de feu pour dévaster la haine, extirper le mal ; et nous livrons notre être aux germes d’Esprit pour que lèvent la paix et la fraternité comme le blé de notre pain.
Vivre en chrétiens, c’est jour après jour recueillir le don de l’Esprit depuis le premier matin du monde pour qu’il tourne par nos vies le monde à Dieu. Nous n’en pouvons plus de la violence, en nous et autour de nous. Que brûle enfin le cœur de la terre !
L’Esprit, c’est Dieu qui nous donne de nous tourner vers Dieu, et avec nous toute l’humanité. Pourrait-on réduire le don de l’Esprit à un jour par an, la Pentecôte ? Pourrait-on réduire la vie spirituelle à quelques minutes par semaine, la messe du dimanche et nos dévotions ?
C’est tous les jours que le Christ est ressuscité, qu’il est engendré dans le temps par le Père de toutes bontés ; c’est tous les jours que l’Esprit est répandu sur toute chair (Cf. Jo 3). Nous n’allons pas recevoir l’Esprit qu’un jour par an et vivre le reste du temps sans l’Esprit ! ce serait de la folie. Dominum et vivificantem ; Il est notre vie, il donne la vie. C’est notre profession de foi. C’est la Bonne nouvelle de Pâques que nous ne cessons de célébrer depuis cinquante jours. La vie divine est notre vie depuis l’aube des temps nouveaux ; le Seigneur a été réveillé d’entre les morts, premier-né d’une multitude de frères et sœurs.
Que la fête de ce jour nous donne de vivre dès demain de l’Esprit de nos baptêmes. Que la face de la terre par la sainteté de Dieu, son Esprit qui habite en nous (Rm 5, 5 et 8, 9), enfin soit l’Eden que tous espèrent, depuis le premier jour. Pentecôte, comme Pâques, c’est l’assurance que les fruits de l’arbre de vie, Dieu n’a d’autres plaisirs que de nous les partager.
Le premier matin du monde est le dernier, apocalypse, révélation. Ainsi se referment les Ecritures pour ouvrir le monde à la sainteté de L’Esprit : « Au milieu de la place de part et d’autre du fleuve, il y a des arbres de Vie qui fructifient douze fois, une fois chaque mois ; et leurs feuilles peuvent guérir les païens. De malédiction, il n’y en aura plus ; le trône de Dieu et de l'Agneau sera dressé dans la ville, et les serviteurs de Dieu l'adoreront ; ils verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts. De nuit, il n’y en aura plus ; […] Heureux ceux qui lavent leurs robes ; ils pourront disposer de l'arbre de Vie. » (Ap 22)
Ouvrez vos cœurs au souffle de Dieu,
Sa vie se greffe aux âmes qu’il touche ;
Qu’un peuple nouveau
Renaisse des eaux
Où plane l’Esprit de vos baptêmes !
– Ouvrons nos cœurs au souffle de Dieu,
Car il respire en notre bouche
Plus que nous-mêmes !
Offrez vos corps aux langues du Feu :
Que brûle enfin le cœur de la terre !
Vos fronts sont marqués
Des signes sacrés :
Les mots de Jésus et de Victoire !
– Offrons nos corps aux langues du Feu
Pour qu’ils annoncent le mystère
De notre Gloire.
Livrez votre être aux germes d’Esprit
Venus se joindre à toute souffrance :
Le Corps du Seigneur
Est fait des douleurs
De l’homme écrasé par l’injustice.
– Livrons notre être aux germes d’Esprit
Pour qu’il nous donne sa violence
À son service.
Tournez les yeux vers l’hôte intérieur,
Sans rien vouloir que cette présence ;
Vivez de l’Esprit
Pour être celui
Qui donne son Nom à votre Père.
– Tournons les yeux vers l’hôte intérieur,
Car il habite nos silences
Et nos prières !
(Didier Rimaud)
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