28/05/2021

Voilà, c'est ça la Trinité (Trinité)

La manière de parler de Jésus, si simple à bien des égards, met le bazar dans le discours sur Dieu. Dieu est un Père, son père et notre père. Jésus, que l’évangile déclare Fils et qui se nomme lui-même fils de l’homme, est uni au Père d’une manière, semble-t-il, incomparable. « Le Père et moi, nous sommes uns. »

On pourra dire que cette formule johannique est tardive. De fait, de la toute fin du premier siècle, une soixantaine d’années après la mort de Jésus. Mais enfin, ce n’est pas récent non plus !

Les plus anciens écrits chrétiens, les lettres de Paul, connaissent cette proximité de Jésus et son Père, de Jésus et du souffle de l’Esprit, moins de vingt ans après la mort de Jésus ! A moins de croire aux fadaises ‑ révélation comme un cours de théologie en instantané ‑, Paul a appris cela des chrétiens qu’il a pourchassés. Paul a appris de ceux qu’il persécutait, la proximité du Père et du Fils, et cela mit le bazar non seulement dans son discours de pharisien, mais dans sa tête. Le voilà renversé, retourné, converti.

Si le mot de Trinité est plus tardif, si nous n’avons aucun texte de Jésus, impossible de douter que cette proximité d’un homme avec son Dieu et Père, ce chambardement dans la conception de Dieu, soit l’affaire de Jésus lui-même.

Alors les ratiocinations pour essayer d’en rendre compte, pour pertinentes qu’elles soient, ne sont pas décisives. Dieu est retourné, ce que l’on pense de Dieu est retourné, conversion de Dieu. L’Unique est vie, l’Unique est communion, l’Unique est ouverture à ce qu’il n’est pas, l’Unique est vie de la créature, l’Unique se donne pour que la créature ait vie, en abondance, et c’est Jésus, et c’est l’Esprit qui après Jésus poursuit la divinisation.

Qu’y a-t-il de plus simple que de parler d’un Père ? Qui ne rêve pas de parler d’amour d’expérience. Pas si simple, mais tellement espéré, comme devant faire partie de l’ordre des choses quoi qu’il en soit de la réalité. Et Jésus le fait, et l’Esprit poursuit son œuvre aujourd’hui, nous donnant de le vivre.

Il n’y a rien de plus évident que la Trinité. Il n’y a rien de plus obvie que le Dieu en trois personnes, non à travers les élaborations métaphysiques des premiers siècles, mais à suivre Jésus, chemin vers le Père. Sans Jésus, qui de nous connaîtrait un chemin pour aller à Dieu ? Il y a sans doute beaucoup de chemins pour aller à Dieu. Avec Jésus, c’est Dieu qui vient à l’homme, aux hommes et aux femmes, aux enfants. Renversement, retournement, conversion,

Il faut faire le deuil de Dieu, d’une idée de Dieu, pour ouvrir l’oreille à ce que Jésus dit de Dieu ; l’amour inconditionnel des enfants des hommes, à commencer par ceux qui sont foutus, et ceux dont l’humanité ou plutôt l’inhumanité fait honte. La science de Dieu s’apprend dans ce que Dieu fait pour nous. Jésus partage la table des pécheurs. La sainteté de Dieu qui hait le péché et la mort se lie aux pécheurs et à tous ceux que la mort esquinte. Qui reconnaîtra Dieu dans ces parias et ces assassins ?

Qui parlera correctement de Dieu, sinon ces parias et assassins qui mangent avec Jésus et le connaissent de si près ? La conversion, c’est se reconnaître l’un d’entre eux. Chambardement, retournement. Non par misérabilisme, mais pour la joie de ses repas partagés, sa science de l’amour, sa science de Dieu. Il est ainsi le Dieu de Jésus, communion, unité jusqu’au bout, quitte à passer pour un salaud.

Brebis perdue, plus petite des graines, fils prodigue, ouvriers de la dernière heure, voilà ceux qui parlent de Dieu. Il y a aussi des Samaritains, des prostituées, des aveugles et des boiteux, une pauvre veuve. Ils savent qu’ils ne sont rien ; ils peuvent se permettre de tutoyer le tout.

Voilà, c’est ça la Trinité. Pardon, voilà, c’est lui, la Trinité…

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