Le verbe utilisé pour dire la suite de Jésus dans l’évangile de ce jour (Lc 9, 51-62) signifie au moins aussi précisément accompagner. C’est presque pareil, encore en français. « Qui m’accompagne ? » « Je te suis ! » Suivre Jésus, c’est l’accompagner parce que Jésus ne trace par la route devant, sans égard pour qui chemine avec lui, mais il marche à nos côtés, comme le raconte Les pèlerins d’Emmaüs. Il écoute et interroge, il explique et redonne force.
Suivre Jésus, ce n’est pas une occupation à temps partiel, qui laisserait la possibilité de vaquer à ses affaires, enterrer nos morts ou que sais-je ? Non que Jésus refuse que nous pleurions ceux que nous avons aimés ! Il s’agit d’être avec lui aussi lorsque nous sommes en deuil, et non de le rejoindre, un peu plus tard, quand cela ira mieux.
Il n’y a pas de moments où nous pourrions ne pas être avec lui, parce que même lorsque nous nous écartons du chemin, lorsque le péché nous domine, il fait le détour avec nous pour ne pas nous lâcher. Plus qu’à tout autre moment, nous avons besoin de lui, dans la misère de notre mal autant que dans la tourmente du deuil et de la souffrance.
Suivre Jésus n’est donc pas d’abord prendre une route spécifique, devenir prêtre ou se marier, travailler comme vigneron ou physicien. Suivre Jésus, c’est faire de toutes nos activités, de toute notre vie un chemin sur lequel Jésus marche et nous donne de l’accompagner.
Un texte que l’on attribue faussement à François, avec des références qui ne me plaisent guère ‑ on ne va tout de même pas faire de la pub aux Américains et à leur colonisation des cultures ! – dit bien les choses : « Nous avons besoin de saints avec des jeans et des baskets. Nous avons besoin de saints qui vont au cinéma, qui écoutent de la musique, qui traînent avec leurs amis. Nous avons besoin de saints qui placent Dieu en premier lieu avant de réussir dans n'importe quelle carrière. Nous avons besoin de saints qui cherchent le temps de prier tous les jours et qui savent être amoureux de la pureté, de la chasteté et de toutes les bonnes choses. Nous avons besoin de saints – des saints pour le 21e siècle avec une spiritualité adaptée à notre nouvelle époque ».
Suivre Jésus c’est vivre la sainteté de l’Esprit dans la vie qui est la nôtre, et non changer de vie, au sens où ce serait une autre vie, saint-sulpicienne ou fantasmée que nous devrions adopter. Suivre Jésus c’est changer de manière de marcher, parce que désormais nous passons derrière Jésus qui nous ouvre le chemin, nous passons derrière les frères qui nous ouvrent le chemin vers Jésus, quand bien même c’est nous qui les tirons par devant pour qu’ils se relèvent. Accompagner Jésus c’est faire de la vie telle qu’elle nous échoie un chemin de sainteté parce que nous suivons Jésus.
Qui vient ? Qui répondra : « Je te suis ? »
Peut-être, commencez-vous à trouver que je suis hors sujet. Notre célébration accueille la première communion de plusieurs enfants, et je n’en ai encore rien dit. Ne devrais-je pas, pensez-vous peut-être, être attentif à ce qu’ils vivent et les aider à comprendre ce qu’ils font ?
Mais figurez-vous que c’est exactement ce que j’ai fait jusqu’à présent. Car qu’est-ce que communier sinon accompagner Jésus dans sa mort et sa vie, le suivre au soir de sa passion pour recevoir la force de résurrection du matin de Pâques ? Notamment chez les catholiques, on a tellement fait de l’eucharistie le plus grand sacrement ‑ c'est pourtant le baptême le sacrement primordial ‑ que l’on pense que si l’on ne parle pas du pain et du vin consacrés, on ne parle pas de l’eucharistie, on ne lui confère pas l’honneur qui lui est dû.
Mais enfin, cette fois c’est bien François que je cite, c’est de la foutaise, l’eucharistie en dehors de nos vies, dans le lieu de nos rêves, avec cierges et encens, folklore de la première communion qui sera la dernière avant bien longtemps, ou habitude dominicale qui ne change rien à notre vie. Si l’eucharistie n’est pas le lieu de notre sainteté, source et sommet, nous sommes en pleine idolâtrie. « Parfois, on court le risque de confiner l'eucharistie dans une dimension vague, distante, peut-être lumineuse et parfumée d'encens, mais loin des situations difficiles de la vie quotidienne. […] C’est ce que nous trouvons dans le pain eucharistique, l’attention du Christ à nos besoins, et l’invitation à faire de même envers ceux qui sont à nos côtés. Il est nécessaire de manger et de donner à manger. » (Angélus 19 06 2022)
Comment ne pas se souvenir qu'en hébreu, pain et combat sont le même mot...
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