19/04/2024

Vous avez dit fidèle ? (4ème dimanche de Pâques / Journée de prière pour les vocations )

Jonathan et David, v. 1300 British Librairy

La société ne se réfère majoritairement plus à l’évangile ; le nombre de disciples en Occident est au plus bas, dans les monastères, les instituts religieux et les séminaires, dans la vie ordinaire.

On parle de pays qui furent chrétiens, de fille aînée de l’Eglise. Mais il ne suffit pas que le roi soit chrétien pour que le pays le soit. Pourquoi faudrait-il que chaque sujet reçoive et choisisse la foi du monarque, dès lors du moins que l’on reconnaît et revendique, à juste titre, la liberté de conscience, la liberté religieuse. Un pays ne peut être ni baptisé ni disciple.

La mondialisation et le brassage des cultures et populations mettent fin à l’unanimité ; plus aucune société n’est homogène. Ceux qui crient contre le grand remplacement oublient le boxon qui résulte des migrations économiques appelées colonisation ou découverte du Nouveau Monde, pillage par la force, destruction de cultures ancestrales.

L’évangile est une rencontre ‑ certes communautaire au sens où elle n’existe pas sans les frères et sœurs mais non communautariste ‑ que chacun est invité à faire avec l’homme de Nazareth reconnu dans sa relation tout à fait unique avec Dieu. Il a les mains sales de la promiscuité avec les pécheurs ; il ne nie pas le mal ; il le dénonce plutôt, ou devrait le dénoncer, hurler les injustices pour renverser puissants et bourreaux et relever les humbles, combler de bien les affamés. Chrétien n’est pas le nom d’un état de vie mais d’un engagement ou d’un assentiment à la conversion, au changement continuel de vie, histoire de porte étroite, de chemin resserré, celui du renoncement à la volonté de puissance. Qui s’étonnera que cela ne rassemble pas la majorité de l’humanité ou d’une société ?

Il y a quoi se réjouir de ce que nous vivons. Enfin, on se met à entendre l’évangile. Enfin la compréhension religieuse de l’évangile s’efface au profit de ce qu’il est, la révolution de la bonté. Il faut être nostalgique du régime de chrétienté pour pleurer sur un nombre. Le champ de la mission est immense. Nous, disciples, devenons les prophètes de la gratuité, de la grâce, seul chemin, rude, pour la vie heureuse avec et pour les autres.

Il y a aussi de quoi interroger notre manière de comprendre la discipline du Christ. Et cela vaut tout spécialement pour les vocations particulières, celles notamment qui sont au service de l’organisation du corps ecclésial, c’est-à-dire de la compréhension politique mais aussi dogmatique de la Fraternité. S’il n’y a plus grand monde dans les séminaires, c’est que le peuple de Dieu ne veut plus de ce type de « pasteurs » avec nombre desquels les conflits ou les désertions se multiplient

Dans la vie religieuse, il est quasi impensable qu’un engagement ne soit pas à vie, quoiqu’il en soit effectivement des parcours de chacun, chacune. Dans la vie de couple, nous continuons à penser le divorce comme un échec. Et cela se comprend. Mais nous ne pouvons que constater comment une nouvelle union peut être porteuse d’humanité et d’évangile. Un engagement dans la vie religieuse, dans un ministère ordonné n’aurait-il pas de sens à n’être possible que pour un temps ? Ne s’empêche-t-on pas de le proposer et d’en vivre à cause de conceptions certes sensées, mais pensées en un autre contexte, une moindre espérance de vie ?

La fidélité exige de changer de style de vie parce qu’elle est, comme la tradition, créatrice. On ne doit pas confondre fidélité et immobilisme. Il faut de la nouveauté pour que le oui prononcé hier le soit aujourd’hui. Lorsque le contexte et le sens changent, demeure-t-on fidèle dans la stabilité ou l’invention voire la rupture, dans l’entêtement ou l’excentricité ?

Il est des manières d’être fidèle à un état de vie qui n’en sont pas. Il est des ruptures qui sont continuité et fidélité. Cinquante ans de mariage, de vie religieuse, de presbytérat et pas un iota de conversion, c’est cela la fidélité ? L’obstination dans un choix autrefois posé ne peut être l’aune à laquelle se mesure un engagement, un compromiso comme on dit en espagnol. Rendre la vie insupportable aux frères et sœurs est une infidélité à la vie évangélique, au point de la rendre détestable, au cloître, en famille ou au service de la fraternité ecclésiale.

La journée de prière pour les vocations, comme toute prière, n’est pas l’occasion de vœux pieux, qu’il y ait des prêtres, des carmélites, des jeunes, de nouveaux baptisés. Elle est engagement à notre conversion, tant dans la manière de penser ‑ la diaspora est la forme naturelle de l’Eglise et non la chrétienté ; le dogme doit être recadré et réinterprété selon la liberté et la charité, etc. ‑ que dans la manière de vivre : tout ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. Est-ce bien ce à quoi nous sommes disposés en ce jour ?

1 commentaire:

  1. Patrick merci de cette homélie sur les vocations. Le ton est vif mais je partage ta réflexion sur ce qu'est le christianisme et les conversions auxquelles l'Eglise est appelée en fidélité à l'évangile et en dialogue à notre temps. Merci tu nous stiumles!!! Patrick

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