21/10/2024

Servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup Mc 10, 45 (29ème dimanche suite)

La théologie du rachat de l’offense faite à Dieu par Anselme de Cantorbéry incurve notre lecture sans même que nous le sachions. Puisque par le péché, même le plus insignifiant, l’offensé, Dieu, est immense, la compensation doit être à la dimension de son immensité. Il faut donc la mort du fils, la mort de Dieu. Théologie de la satisfaction, dit-on.

Evidemment, ce n’est pas acceptable. Joseph Ratzinger a en son temps, et à plusieurs reprise, exprimé l’invalidité d’Anselme sur ce point. Dieu ne peut ni réclamer ni accepter la mort du fils pour payer la dette d’une humanité coupable, amende et peine capitale tout autant. Le latin de la vulgate semble mieux passer même s’il dit la même chose, donner sa vie en pour racheter beaucoup, en rachat de beaucoup. Mais la rançon et le rachat, c’est la même chose.

J’essayais de traduire servir et mettre le prix en donnant sa vie pour beaucoup. Mais cela ne marchait pas vraiment, ne serait-ce que grammaticalement. Il a mis le prix permet comme le grec de ne pas avoir de complément au verbe donner. A qui donne-t-il la rançon ? Le texte ne le dit pas.

Et ce dimanche, j’entends une référence à Martin Pochon. Quelle drôle d’idée de penser que c’est à Dieu qu’il faudrait payer le prix. C’est là qu’Anselme fausse la précompréhension. De qui beaucoup sont-ils les esclaves ou otages à racheter, à libérer ? Certainement pas de Dieu. De qui alors, si ce n’est de ceux qui reçoivent la mort de Jésus comme la satisfaction de leur attente, être débarrassé de lui et de ce qu’il dit.

C’est aux prêtres (et aux politiques, dans l’Antiquité on ne peut jamais séparer le religieux et le politique, mais aussi le social comme règles de vie qui dictent les comportements) que la note est payée. Beaucoup sont libérés de la conception que les prêtres se font de Dieu pour mieux entraver, enchaîner et les autres, et Dieu. Jésus paie la libération des hommes parce qu’il paie celle de Dieu. Ce que l’on fait aux frères, c’est au Père qu’on le fait.

Il y a bien une rançon, une affaire de rachat, de rédemption, Beaucoup sont libérés des prêtres, des impératifs sociaux, des politiques qui oppriment et tombent à bras raccourcis sur les pauvres. Jésus libère de la religion. C’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés dit Ga 5, et là, on comprend bien que ce n’est pas de Dieu que nous sommes libérés, mais du péché, et de tout ce qui conduit au péché, notamment les structures sociales, politiques et religieuses iniques.

Les prêtres, la religion, ont leur argent. La dette est payée. Qu’ils nous fichent la paix.

1 commentaire:

  1. Je trouve le renversement de la théologie de la satisfaction que tu opérès, non seulement très originale mais très adroite. Ton approche permet de relever le fait que la mort du Christ ne laisse pas indifférent l’homme ; qu'il y a un enjeux dans l'annonce du kérygme de ne pas le rendre vain, infructueux. Et c'est justement cette idée que Jésus a payé un prix non pas pour apaiser ou satisfaire Dieu, mais pour libérer l'homme de ses schémas transactionnels vis-à-vis de la divinité. Et ce faisant, Dieu est aussi "libéré " comme tu dis, du monopole de la religion instituée, des prêtres, des théologiens même ... des saints! Libéré de l'idolâtrie de des sacrifices offerts (y compris le "j'ai tout donné) au nom d'une logique finalement commerciale et non relationnelle à son égard.

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