Lors des dernières élections, les européennes de juin dernier, les listes écologiques sont assez souvent arrivées en seconde position, avec un résultat national où l’on voyait le PS quasiment rattrapé. Indépendamment des résultats électoraux, l’écologie est un thème de réflexion et d’action presque universellement partagé : nombreuses émissions radio ou télé, sommets mondiaux sur le réchauffement climatique, développement durable, engagement et film d’Al Gore, etc. Est-il possible de comprendre cet engouement écologique en France comme en bien d’autres pays, notamment occidentaux ?
Evidemment, la première cause de la place que prend l’écologie, c’est la conviction qu’il y a danger à continuer à user de la nature ainsi qu’on le fait depuis les débuts de l’ère industrielle. Ceci dit, les conséquences du réchauffement climatique deviennent telles qu’elles vont finir par coûter très cher, de sorte que même sans aucun intérêt écologique, mais seulement à partir d’un raisonnement économique, il est urgent de changer les comportements. Si l’écologie prend de l’importance, ce ne serait donc pas d’abord parce qu’une grande partie de l’humanité deviendrait sensible à la destruction massive de la bio-diversité, mais parce que ne pas prendre soin de la planète coûte trop cher.
Faut-il regretter ce cynisme ? Pas forcément si le pragmatisme permet de réussir là où le partage des convictions paraît impossible. Ce faisant, nous assistons à la remise en cause de notre conception des rapports de l’homme et de la nature. Elle n’a pas à être soumise et exploitée (comme l’ère industrielle croyait le lire dans la Bible Gn 128) mais gardée et cultivée comme un jardin, (expression que l’on trouve aussi en Gn 215).
Il s’agit d’une véritable conversion, d’un retournement dont les répercutions concernent non seulement l’environnement mais plus encore la paix entre les peuples et les inégalités Nord-Sud. Une attitude écologique n’est crédible que si elle remet radicalement en cause la règle majeure de l’économie capitaliste libérale : le toujours plus de profit pour quelques uns qui confisquent les richesses et tiennent la majorité de la population mondiale dans une situation de précarité que la distance et le confort de son petit pré carré permet d’oublier. A cet égard, des processus comme le Grenelle de l’environnement engagent-ils un vrai changement des pratiques ou ne constituent-ils qu’une manière habile de continuer comme avant ? La voiture verte, par exemple, c’est l’industrie automobile qui s’enrichit, c’est la poursuite de la logique actuelle des transports, c’est l’exploitation intensive des sols surtout dans les pays pauvres pour les agro-carburants ; les mêmes font du profit, les plus pauvres continuent à être exploités, et rien n’a changé dans nos mode de transport.
Il y a au moins une autre grande cause à la place grandissante de l’écologie dans les sociétés occidentales. Alors que les idéologies se sont éteintes, les sociétés opulentes constatent que le marché et l’argent ne suffisent pas à donner du sens à la vie. Or l’écologie joue le rôle d’une nouvelle idéologie, d’une proposition de sens pour l’être humain. Elle propose une manière pour l’homme de se situer dans le monde, elle oblige à une conversion des pratiques et habitudes. Elle a la forme et la force d’une religion sans en avoir les inconvénients. Il s’agit d’une sorte de religion naturelle, accessible par la raison et la science. Elle offre une boussole, un sens pour la vie. On pourra même rire ou s’inquiéter de l’impossibilité des débats d’experts, comme on se moque des arguties théologiques ou du désaccord indépassable des philosophes entre eux.
On nous affirme en effet avec autant de sérieux et de preuves scientifiques que les variations climatiques ont toujours existé sur Terre (il fut un temps où l’Europe était recouverte par des glaciers ou des déserts) et, au contraire, que c’est la production de gaz à effet de serre qu’il faut tenir pour responsable de ce réchauffement. L’écologie aussi a ses croyants et ses sceptiques, voire ses athées. Il pourrait s’agir d’un retour du paganisme, d’une religion qui divinise la nature, la respectant comme un dieu qu’il ne faut pas froisser, auxquels il faut consentir des sacrifices. En retour ce dieu n’est point trop pénible, tant que du moins, il n’exige pas de nouvel impôt. Il a moins de dévots depuis que l’on parle de la taxe carbone !
La Nature n’est pas philanthrope ! Comme, il est vrai, nombre de chrétiens, y compris autorisés ou doctes, ont fait de la foi une idéologie bien peu chrétienne, on ne peut reprocher à nos sociétés de revenir à un paganisme dont personne n’est jamais définitivement débarrassé.
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