Esprit et Vie 216 (Octobre 2009), pp. 26-33
La présente réflexion voudrait proposer une reprise d’une question aussi vieille que l’homme : qu’est-ce que l’homme ? Je partirai de l’anthropologie communément partagée, celle qui naît à l’époque moderne, il y a quatre siècles. La description sera aussi démarche généalogique. L’histoire des idées et la périodisation, surtout en quelques lignes, encourent le risque de la simplification voire du simplisme. On pourra toujours trouver un contre exemple aux grandes lignes que l’on s’évertue de dessiner. Même si les contre-exemples venaient, par leur nombre, à mettre à bas cette tentative de relecture, cette dernière ne serait pas forcément rendue vaine. Ne faut-il pas essayer de se repérer, même si une fois situés, nous pouvons abandonner ce quadrillage grossier ? Cela me conduira à développer une anthropologie de l’homme faillible, est étrangement synonyme d’une anthropologie de l’homme capable, comme nous le verrons. La vulnérabilité ouvre des possibles que la perfection ignore : c’est quand je suis faible que je suis fort (2 Co 1210).
Cette réflexion est une appropriation de la pensée de P. Ricœur. Je me suis efforcé de ne pas présenter pourtant pour elle-même cette pensée. Que nous ferait de connaître ce qu’un tel a pensé ? Je me suis pareillement efforcé de ne pas discuter des thèses de tels ou tels philosophes, mais de faire dialoguer ces thèses comme étant nos propres réflexions et objections.
Ces lignes sont situées et ne peuvent donc se prétendre les seules ni se croire exhaustives. Et pourtant, elles ne renoncent pas à proposer une conception de tout l’homme et tous les hommes ; elles ne renoncent pas à une certaine universalité. J’attire en outre l’attention sur un point : malgré ce qui pourra apparaître comme des réminiscences de théologie chrétienne ‑ non comme restes mais comme ce à quoi le discours pourrait faire penser ‑ le discours ne se présente pas comme une confession de foi chrétienne.
L'éditeur n'a pas publié ce petit texte de M. Rondet dont l'article pourrait être une sorte d'écho :
Si l’on voulait décrire en une formule la croissance spirituelle, on pourrait dire qu’elle va toujours de la sainteté désirée à la pauvreté offerte. […] Il a bien fallu nous rendre compte que nous avions cédé, nous aussi, à la fatigue, que nous nous étions laissé prendre à l’illusion, qu’il y avait en nous des faiblesses et des fragilités que nous n’arrivions pas à surmonter. Notre démarche nous est apparue sous son vrai jour, lente, hésitante, interrompue. Ce que nous avions rêvé, ce visage de baptisé aux couleurs de légende dorée, ce n’était pas le nôtre. […] La miséricorde de Dieu nous attend là. Si nous savons accueillir humblement la révélation de notre infidélité, la tendresse de Dieu nous ouvre d’autres horizons plus beaux que nos rêves. […] Dieu ne nous a pas abandonnés. Il est plus présent que jamais à notre épreuve, espérant enfin pouvoir se révéler à nous comme celui qui est la béatitude des pauvres. Il ne dépend que de nous de l’accueillir en recevant notre pauvreté comme une grâce. Le voile enfin se déchire qui nous cachait Dieu, et sa sainteté peut emplir nos mains vides. […] La prière à l’école de Jésus est toujours le lieu d’une expérience de pauvreté de plus en plus radicale. […] La prière de Jésus à Gethsémani, son cri de détresse au Golgotha ne sont pas des exceptions. Toute prière connaît un jour où l’autre cette nuit, cette impuissance. Dieu n’est rencontré en vérité qu’à travers son absence. Si le Fils bien-aimé, ayant pris notre condition d’homme, en a fait l’expérience douloureuse, comment pourrions-nous l’éviter ? […] Il est des domaines où nous pouvons avoir l’impression de rester maîtres du jeu ; dans la prière, c’est impossible. Nous sommes obligés de reconnaître que tout vient de Dieu, que seul l’Esprit peut en nous prier le Père avec des gémissements ineffables et confesser que Jésus est Seigneur.
M. Rondet, Ecouter les mots de Dieu, Bayard, Paris 2001, p. 189
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