Je reçois une demande de signature de pétition adressée au ministre de l’intérieur suite à l’exposition en Avignon de Piss Christ. Je vous avoue que je suis fort perplexe. Je constate des violences, des gens qui s’estiment agressés, des interprétations divergentes au nom de principes aussi sacrés les uns que les autres, liberté d’expression, droit au respect de ses convictions et croyances. Je ne suis pas certain de goûter le côté artistique de la fameuse photo dont je n’ai, il est vrai, connaissance que par reproduction.
Je me permets de renvoyer à l’article suivant : http://berulle.over-blog.com/article-blaspheme-71930620.html
Je ne peux qu’espérer que les nombreux signataires, et les plus nombreux encore qui ne signeront pas sauront se retrouver, loin des projecteurs médiatiques, durant ces jours saints. Il se pourrait qu’à déserter ou à négliger la commémoration de la Cène ce soir, celle de la Passion demain et la célébration dans la nuit sainte ou le jour de Pâques, nous fassions pire que de jeter un crucifix dans un verre d’urine.
Il se pourrait qu’en nous indignant si peu quand nos frères humains sont méprisés, pire que de la merde (vous me passerez l’expression que le champ sémantique exige) dans tant de pays du monde et dans nos propres cités parce que nous continuons à nous occuper en priorité de nos avantages, nous fassions pire que de jeter un crucifix dans un verre d’urine.
Peut-être même nous autres chrétiens, sommes de ceux qui jetons au rebut ce qu’il y a de plus sacré, les frères, et que la photographie nous dénonce, nous et les autres, nous tend un miroir. N’est pas forcément sacrilège celui qu’on pense. Peut-être que le sacrilège n’est pas dans la photo mais dans ce qu’elle montre, ce que nous ne cessons de faire. Evidemment, la photographie est ambiguë et qui pourra dire si elle est blasphème ou dénonciation du blasphème.
Certes, ce n’est pas une raison pour accepter n’importe quoi. Et je suis aussi blessé quand ce que j’ai de plus cher est moqué, tourné en dérision, détourné, caricaturé, falsifié, parfois par des coreligionnaires. Mais celui en qui j’ai mis ma foi a consenti à n’avoir plus figure humaine, à être immonde, au point que les foules qui le voyaient détournaient leur visage comme dit le prophète. Le psaume 22 dit aussi :
13 Des taureaux nombreux me cernent, de fortes bêtes de Bashân m'encerclent ; 14 contre moi bâille leur gueule, lions lacérant et rugissant. 15 Comme l'eau je m'écoule et tous mes os se disloquent; mon cœur est pareil à la cire, il fond au milieu de mes viscères ; 16 mon palais est sec comme un tesson, et ma langue collée à ma mâchoire. Tu me couches dans la poussière de la mort. 17 Des chiens nombreux me cernent, une bande de vauriens m'entoure ; comme pour déchiqueter mes mains et mes pieds. 18 Je peux compter tous mes os, les gens me voient, ils me regardent ;19 ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement. 20 Mais toi, Yahvé, ne sois pas loin, ô ma force, vite à mon aide ; 21 délivre de l'épée mon âme, de la patte du chien, mon unique ; 22 sauve-moi de la gueule du lion, de la corne du taureau, ma pauvre âme.
Et si le Christ est allé jusque là, ce n’est certes pas pour se battre contre le détournement d’objet religieux (et encore pas ce qu’il y a de plus sacré, un vulgaire crucifix de plastique !), mais contre le traitement inhumain que l’homme ne cesse de réserver à son frère.
Je rêve d’une pétition signée par une quarantaine de millions de français, autant dire une élection, où l’on choisirait majoritairement pour un changement de société radical, quitte à perdre de notre aisance, pour un réel partage. Mais j’ai bien peur que la photo continue à dénoncer notre hypocrisie, scandalisés quand cela nous arrange.
Je nous souhaite d’être toujours plus saisis par l’amour extrême de notre Dieu, amour même des ennemis, amour même des imbéciles, amours même des sacrilèges… (et heureusement pour nous, car ils sont rares ceux qui n’ont jamais été ennemis de personne, jamais stupides, jamais sacrilèges, jamais mauvais). Il se fait le serviteur comme nous le dirons ce soir, lavant les pieds de ses disciples, tous des traites.
Jeudi saint 2011
J'approuve à 100% votre analyse lucide sur ce genre de croisade! Merci à vous.
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