30/04/2011

Itinéraire de la foi (2ème dimanche de Pâques)

Nous voilà, avec l’apparition à Thomas, à la fin du chapitre de la résurrection de Jean, et, selon des manuscrits très sûrs, à la fin de l’évangile aussi. Dimanche dernier, nous entendions le début de ce chapitre, la découverte du tombeau vide. Entre les deux épisodes, deux apparitions, celle à Marie qui prend Jésus pour le jardinier, celle aux onze, ou plutôt aux dix puisque Thomas n’est pas là.
On peut bien sûr lire ces quatre moments comme quatre événements, différenciés principalement par les personnages principaux, Marie, Pierre et le disciple que Jésus aimait, Marie seule, les Onze, Thomas. On peut aussi penser que les destinataires de la rédaction évangélique ne sont pas les destinataires des apparitions, que c’est aux croyants que s’adresse l’évangile, et que le chapitre dessine non pas quatre événements, mais un seul, celui du passage à la foi pascale.
Ce passage se fait en quatre moments, pour tout croyant. Il y a le vide du tombeau. Il ne reste rien de Jésus, aucune relique. Le tombeau est vide. Il n’y a rien à quoi se raccrocher, rien pour prouver la résurrection, seulement un vide, qui certes peut indiquer la résurrection, mais dit surtout l’absence du Seigneur, mort ou ressuscité, mort comme ressuscité. L’absence est douloureuse pour ceux qui avaient aimé cheminer avec lui, de son vivant. Elle est douloureuse pour tout croyant. Nous crions comme Marthe et Marie : si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! Si tu étais là, le mal reculerait sur la terre, la justice triompherait. Nous crions en reprenant l’appel du prophète : ah, si tu déchirais les cieux !
Il y a ensuite la défense de retenir. Mort, Jésus est pourtant vivant. Mais le vivant ne peut être retenu. Le vivant, Marie ne peut le saisir et nous non plus. Nous n’en restons pas à l’absence cruelle de la mort et pourtant, rien ne nous est donné pour remplacer sa disparition. Nous avons en même temps l’absence et la présence, ou plutôt l’absence non synonyme de mort, comme après chaque décès, mais l’absence signe de vie. Aujourd’hui comme pour Marie, il nous manque, son absence nous taraude. Cette absence qui nous laisse les mains vide demeurera jusqu'à la fin.
Mais ce que Marie annonce, personne ne peut le croire, cela ne suffit pas à nous convertir. Et pour cause. Nous n’avons pas encore accueilli la paix de l’Esprit. Et pour cause, Marie n’est pas encore une communauté. On ne peut croire seul, il faut que la communauté s’y mette. Mieux encore, le corps du ressuscité, ce n’est pas Jésus en chair et en os, revenu à la vie comme avant, comme si de rien était, c’est la communauté. Le passage par la mort de Jésus, c’est l’abandon d’un corps, non pour en libérer l’âme, mais pour renaître en un corps nouveau, le corps du ressuscité, ses frères auxquels il s’est lié jusqu’à en faire lui-même, jusqu’à en faire son corps. Il faut du temps pour que le corps des disciples, refroidi par sa mort, reprenne chaleur et vie, reprenne souffle, respire de nouveau.
Alors, quatrième moment, la rencontre avec Thomas. Les croyants qui ne font pas parti du groupe des onze, les croyants qui n’étaient pas là au jour où le corps a repris vie, les croyants comme nous, dont Thomas est le jumeau, les croyants qui sont précédés dans leur foi par une communauté déjà rassemblée, ces croyants, chacun d’eux, sont invités à refaire l’expérience de la foi, le chemin qui mène du crucifié, avec les stigmates de la passion, jusqu’au ressuscité.
A travers les quatre moments de ce chapitre, est proposé l’itinéraire pour accéder à la foi en la résurrection de Jésus, corps et âme, résurrection de Jésus qui est, de façon concomitante, pour ne pas dire quasi synonyme, notre propre résurrection. Impossible de reconnaître le ressuscité sans passer soi-même de la mort à la vie dans la confession de Thomas : Mon Seigneur et mon Dieu.
Et tout cela a été écrit, ainsi que se conclut le texte, pour que nous croyions. Pour que nous ayons la vie par la foi. Le chemin est balisé ; l’absence ne signifie pas la fin mais le manque de vie, c’est-à-dire le manque du Vivant, dont nous ne pouvons nous satisfaire ; jusqu'à la fin, ce manque est la forme de la présence du ressuscité à notre monde et à son Eglise; la forme du corps ressuscité est dessinée par les onze ainsi que le lieu de sa rencontre, la communauté ; la reconnaissance de la résurrection ne relève pas de l’observation factuelle, mais de l’acte de s’en remettre à ce Jésus, confessé comme notre Seigneur et notre Dieu.

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