Il y a dans notre communauté des gens malades ou âgés. Ils
ploient sous la fatigue, parfois la souffrance. Ils tiennent bon. Parfois, ils
n’en peuvent plus et craquent ou baissent les bras. Alors, nous nous rappelons
ta parole, Seigneur : « Venez à moi, vous qui peinez et ployez sous
le poids du fardeau. Prenez sur moi mon joug, et moi, je vous procurerai le
repos. Car mon joug est facile, et mon fardeau léger. »
Nous nous rappelons le Seigneur pris aux tripes devant les foules
comme des brebis sans berger. Nous nous rappelons le Seigneur qui passe son
temps, particulièrement au début de l’évangile, à soigner, à guérir. Nous nous
rappelons la promesse du prophète : il fortifie les mains défaillantes et affermit
les genoux qui fléchissent. « Dites aux gens qui s’affolent : "Soyez
forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la
revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver". » (Is 35) Nous
nous rappelons le Seigneur rattrapé lui-même par l’angoisse devant la mort et
la souffrance ; ses larmes de sang, son agonie, son combat au jardin de
Gethsémani, son cri de désespoir sur la croix.
Vous qui demandez le sacrement de l’onction, par ce souvenir du
Seigneur, cette anamnèse, nous voulons vous entourer. Puissions-nous être pour
vous l’icône de la main du Seigneur qui par notre présence, nos paroles, nos
gestes, vient à votre secours et vous soulage.
Si le joug du Seigneur est facile, c’est qu’avec lui, on n’en
rajoute pas à ce que la vie nous fait traverser de périls. Au contraire, même
dans la souffrance ou la faiblesse, même avec l’approche de la mort et les
interrogations et les peurs qu’elle suscite, nous trouvons avec vous dans le
Seigneur de quoi nous abandonner. Advienne que pourra. Vous avez parcouru la
route, vous avez tenu bon ; vous avez menez le bon combat ; du moins,
chaque fois que vous êtes tombés ou que vous vous êtes trompés, vous avez
accepté d’être relevés, vous avez su vous remettre debout, sur le chemin, dans
la vie et la vérité.
Maintenant, il s’agit de faire comme toujours, de regarder devant.
Il est sans doute plus difficile de regarder l’avenir en face lorsque la vie
touche à son terme. Et pourtant, il s’agit de rester vivant jusqu’au bout. Il
ne peut être bon de voir les forces nous abandonner. Votre réponse à la
faiblesse et à la souffrance, c’est comme au premier jour de votre vie, la
force de vivre, choisir toujours et encore la vie (Cf Dt 30, 19).
Un peu d’huile sur votre front et dans le creux de vos mains est
une médecine bien peu efficace. Mais nous n’en sommes plus à l’efficacité. Nous
sommes avec vous conduits à la gratuité, à la grâce. Vivre ne vaut pas par ce
que l’on réalise ou réussit. Vivre vaut en soi et jusqu’au dernier souffle.
Par ce peu d’huile, vous confessez, et nous avec vous, que tout ce
souffle, si difficile à retrouver, si facile à perdre, est imprégné du souffle
divin. Lorsque votre souffle s’affaiblit, c’est un autre souffle qui prend le
relai : l’Esprit saint. Ou plutôt, lorsque notre souffle s’efface, se
devine plus évidemment le souffle du Vivant en nous. La vie se révèle « pour
l’éternité ». La vie, c’est maintenant et éternellement. « Rien ne
pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre
Seigneur. » (Rm 8, 38)
Ce peu d’huile est votre profession de foi, et la nôtre avec vous.
Dieu vous veut vivants jusqu’au bout, non pas jusqu’à la mort, mais par-delà la
mort même. Il se donne à vous, comme au jour de votre baptême, pour que vous
alliez sur ses traces. Par ses blessures, nous sommes guéris. (Cf. 1 P 2,
18-25)
Ce peu d’huile permet d’entendre, comme au jour de votre baptême ce
que Dieu a déjà fait de vous, ses frères et sœurs. Passant au bord du lac de la
vie, il s’est retourné vers vous et chacun est devenu frère ‑ il n’y a
plus que des frères ‑ et vous l’avez suivi, et vous le suivez encore. (Mt
4, 12-23)
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