Le 2 février, c’est la chandeleur. Au début de notre
célébration, nous avons tenu une lumière. Jésus est la « lumière pour
éclairer les nations », ainsi que le chante Syméon. Parole du Père, il est
la lumière de nos pas, la lampe de nos routes (Ps 118, 105).
Si les chandelles donnent le nom populaire de la fête, elles n’en
explicitent qu’un sens. Nous fêtons aussi la rencontre du vieillard Syméon avec
Jésus ; et encore, la présentation de Jésus au temple comme l’on dit
depuis la réforme de Paul VI.
Il est une chose curieuse dans ce dernier nom. Comment le Seigneur
entrerait-il dans le temple ? Le temple n’est-il pas sa demeure ?
Faut-il que Dieu n’habite pas le temple pour qu’en Jésus il y pénètre ? La
fausse ingénuité de mes questions pose la
question de la présence de Dieu dans le monde, question au cœur de la foi, question
au cœur de la laïcité.
Depuis que nos institutions sont laïques, depuis l’absence de Dieu
dans l’espace public, que deviennent nos temples, les églises ? Il se
pourrait que Nietzche ait été perspicace, comme si souvent. Elles sont les
tombeaux de Dieu où l’on chante, et l’esthétisme tient lieu de rituel, un requiem aeternam Deo. Si personne ou
presque ne souhaite la démolition des édifices religieux, si de nombreux non-croyants
s’engagent pour la sauvegarde du patrimoine religieux, combien cherchent Dieu
dans les églises ?
Les chrétiens savent bien que Dieu n’est pas dans les églises. Ou,
plutôt, comme le disait un détenu dernièrement, tout lieu est un lieu du
Seigneur, la prison même est un lieu sacré, parce que Dieu y habite.
Dieu habite où les hommes et les femmes vivent. Si les églises sont
un lieu de Dieu, elles ne le sont pas davantage que tout autre endroit de la
terre. Si « sa maison est un lieu pour la paix », c’est pour que
toutes nos maisons, nos familles, notre terre soient en paix. C’en est fini de
la religion qui distingue sacré et profane. C’est pour cela que les disciples
de Jésus sont invités à ce que leur vie tout entière soit en forme d’évangile.
Non pas seulement une heure le dimanche, ou pour quelques événements, baptême,
communion, mariage, et on a tout fait !
Faire habiter Dieu dans un temple, c’est l’y cantonner. Et si les
dieux ne nous sont pas propices, mieux vaut qu’ils soient assignés à résidence.
Mais avec Jésus, comme dit Paul, « le temple de Dieu est sacré, et ce
temple, c’est vous ! » (1 Co 3, 17) Nous sommes le temple de Dieu
comme communauté chargée de manifester sa présence, son habitation dans le
monde. « Jésus envoie ses apôtres non au temple, mais chez les gens. »
(Rouet) Cette manifestation n’a rien à voir avec des shows médiatiques ou des
revendications identitaires. Elle est l’humble compagnonnage avec l’humanité, à
l’image de ce que Jésus a vécu.
Ne revenons pas à l’esclavage du polythéisme ou des religions. Le
Christ nous veut libres, le Christ nous a libérés. La contrepartie, c’est qu’être
chrétien, ce n’est pas une affaire de trucs à faire, de choses à croire, de
rites à pratiquer. Etre chrétien, c’est vivre comme Jésus, homme pour les
autres parce qu’homme pour Dieu. Etre disciple, cela nous réquisitionne tout
entier, ça prend toute la vie. On n’est jamais quitte avec Dieu. Non qu’il
faudrait en faire toujours plus. Mais, comme en amour, en amitié, on trouve sa
joie de vivre en dette.
La foi n’est pas une théorie explicative, pourquoi il y a quelque
chose plutôt que rien, ou une garantie de justice. Non, la foi n’est pas un
système du monde. Elle pose plus de questions qu’elle n’en résout, elle est
appel et non réponse. Indiquer que Dieu fait de l’humanité son temple, que Dieu
habite l’humanité ne se fait pas par des discours. L’Eglise et notre communauté
sont dialogue et conversation. Il n’y a pas de théorie catholique mais des vies
qui essayent de laisser transparaître « le vivant qui se lève » et pénètre
en son temple.
Les chandelles que nous portions ne rappellent pas seulement un
épisode légendaire de la vie de Jésus. Elles sont la parabole de notre vie de
disciple missionnaire. La fragilité d’une flamme qu’un moindre souffle peut
éteindre ; la chaleur débile d’un peu de fraternité ; la faible clarté
d’une lumière sur les routes des hommes et des femmes de notre temps, pour les
tourner les uns vers les autres, pour suggérer qu’ils sont habités par Dieu,
tournés vers Dieu.
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