29/01/2020

Claude Langlois, On savait, mais quoi ? La pédophilie dans l'Eglise de la Révolution à nos jours, Seuil, Paris 2020


Le livre de Claude Langlois qui vient de paraître sera précieux, au moins à trois titres.
   1. Le livre en deux-cents pages fait état de nombre de travaux sur la sexualité dans le discours et la pratique des catholiques, prêtres comme laïcs. Même si la pédocrilinalité du clergé durant les deux derniers siècles et demi est son thème, la synthèse qu’il propose est plus large et précieuse.
   2. Il apporte la démonstration de ce qu’il n’est pas possible d’affirmer que la pédocriminalité des clercs est liée à une soi-disant libération sexuelle des années 68, ainsi que l’écrivait encore récemment l’évêque émérite de Rome. L’histoire retracée sur deux siècles et demi des prêtres en difficulté, selon l’euphémisme qui met dans le même sac, alcoolisme, problèmes de foi, insoumission aux évêques, entorses au célibat, homosexualité, pédocriminalité, etc., montre l’ancienneté du problème. 
      Ainsi, entre 1900 et 1960, on peut estimer à une centaine le nombre de prêtres condamnés en France pour pédocriminalité. Compte-tenu de l’omerta, de la non-dénonciation de ces prêtres, cette centaine n’est que la partie émergée de l’iceberg.
  3. Les administrations diocésaines (évêques, vicaires généraux, etc.) sont au courant des déviances. Elles prennent même des moyens pour tâcher d’y remédier. La pertinence des dits moyens est une autre affaire. Jusqu’à récemment et sur toute la période étudiée, elles traitent par la discrétion jusqu’à la dissimulation les prêtres en difficulté. (Ce qui a changé, c’est la perception de la pédocriminalité de 1790 à 2020. Mais des procès (de clercs ou non) ont lieu au XIXe siècle. Jamais, durant cette période, il n’a été considéré comme non-fautif par la quasi-totalité de la population que des adultes aient des pratiques sexuelles avec des enfants, quoi qu’il en soit de la non-dénonciation, de la sanction souvent légère, du développement du droit et de la considération des victimes.)

Trop rapidement est posée la question du rapport entre célibat et pouvoir dans l’Eglise. N’est pas évoquée la manière pour les prêtres de respecter le célibat, compte-tenu de l’obligation qui en est faite. Il aurait été nécessaire d’ouvrir ces dossiers, même si ce n’est pas vraiment l’objet du travail, à l’instar des deux derniers chapitres (perception de l’homosexualité par l’Eglise et prise en compte de la victime dans le discours ecclésial) qui apportent des éclairages indépendants et complémentaires avec la question principale de l’ouvrage.

(Sans doute quelques petites erreurs. Anatrella est dit docteur. Je ne crois pas que ce soit le cas, pas plus en médecine qu’en théologie. Peut-on juger la décision du Cardinal Decourtray en 1991 quant à Preynat dans la logique de la non-dénonciation par P. Barbarin ? N'est-ce pas valider l'argument de ce dernier qui cherche à alléger sa faute en la faisant porter par ses prédécesseurs ?)

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