26/06/2010

C'est pour la liberté que le Christ vous a libérés (13ème dimanche)

Si le Christ nous a libérés, c’est pour que nous soyons vraiment libres. Traduction qui gomme le pléonasme afin de rendre la phrase plus compréhensible. Traduction coupable qui rend lisse un texte qui accroche à dessein. Il faut lire : Pour la liberté, le Christ nous a libérés.

Pour quoi pourrions-nous être libérés : pour être heureux ? pour rendre gloire à Dieu ? pour être responsables de nos actes ? Rien de tout cela. Nous sommes libérés pour la liberté, nous sommes libérés sans autre but que la liberté. C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés.

La liberté gagnée pour nous par le Christ est une fin en soi, elle est un bien, et quel bien, pour que le Christ s’engage dans l’aventure humaine jusqu’à la mort, et la mort de la croix.

Cela dit, qu’est-ce que la liberté ? Si elle ne sert à rien, puisqu’elle est une fin en soi et non un moyen en vue d’une autre fin, comment en jouir ?

La liberté n’est pas un état, du moins dans notre texte. Nous ne sommes pas libres, nous sommes libérés, passés d’un esclavage à la liberté. De quoi avons-nous été libérés ? de tout ce qui est susceptible de nous entraver, de nous enchaîner, de nous enfermer. Qu’est-ce qui peut bien nous asservir au point que nous ne trouvions de liberté que par l’action libérante du Christ ? De quoi sommes-nous esclaves pour ne pas pouvoir nous libérer nous-mêmes et recevoir du Christ la libération ?

Une seule réponse possible, aussi radicale que la libération qui met un terme à son règne : la mort. Nous sommes libérés de la mort. Comme les Hébreux, coincés entre la mer et les Egyptiens. La traversée de la mer, de la mort, les rend à la liberté. Leur liberté est une libération, non un état, une action du Dieu sauveur. Comme eux, nous ne sommes pas libres mais libérés ; c’est dire que vivre libéré, c’est vivre avec Dieu, dont le dernier ennemi est précisément la mort.

Mais enfin, ceux qui sont sans Dieu ne seraient pas libres ? Et nous qui prétendons être avec Dieu, sommes nous libres ? Cela ne saute pas aux yeux. Nous n’en avons pas fini avec la mort, c’est plutôt elle qui nous finira. Nous n’en avons pas fini avec nos esclavages, ceux de l’enfance qui nous reteint prisonniers, de la psychologie source de nombres de nos péchés au point que nous nous considérons plus malades, blessés que coupables, sans parler de l’oppression politique ou économique.

Se pourrait-il que tout cela, que parfois nous honorons quand bien même nous savons que c’est notre perte, ce que l’on appelait, peut-être pas si naïvement, faux-dieux, nous en soyons libérés ? Voilà, une fois encore non pas un état, mais une bonne nouvelle. Nous est annoncé que tout cela, c’est fini. En avant ! Heureux êtes vous !

Pouvons-nous, voulons-nous le croire ? Etre libéré n’est pas affaire de constat, comme un état des lieux ou un état de fait. Etre libéré est une aventure, celle de la réponse à une bonne nouvelle : C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés.

Une aventure où laxisme et rigorisme sont renvoyés dos-à-dos comme semblablement insignifiants. La liberté est plus douloureuse que les esclavages, et c’est bien pourquoi nous préférons nous en remettre à nos péchés, mignons ou pas, à un homme ou à une institution providentiels, à des pensées toutes faites, voire à des dieux ou à un Dieu tout puissant, à des sécurités ou assurance. L’évangile de ce jour les dénonce. Il n’y a pas de pierre où se reposer pour que rien ne nous attache ni ne nous alourdisse. Vivre libre, c’est n’être assuré de rien ; terrible euphémisme ‑ assurance vie – qui repose sur la mort de celui que l’on chérit !

Si nous sommes libérés, y compris de Dieu au point de pouvoir ne rien avoir à faire avec lui, c’est parce que Dieu se fait le serviteur de notre liberté. Nous ne sommes pas libres pour honorer Dieu, à moins que l’homme libre soit l’honneur de Dieu. Réminiscence irénéenne : la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. Oui, Dieu se lie à l’homme pour servir sa liberté : c’est pour la liberté que le Christ nous a libérés. Un Dieu au service de l’homme, jusqu’à en mourir ; prêt à tout, y compris à être ignoré de l’homme pour que l’homme soit vivant, libre. Et quel gâchis si c’est pour que l’homme retourne à ses esclavages d’hier ou d’aujourd’hui, quelle abomination si être disciple de ce Dieu ne nous libère pas, si son Eglise ferme ses portes au vent de liberté.

Le prix de la liberté, un jour ou l’autre, est exorbitant. Il l’est pour Dieu, il l’est pour nous. Il faudra consentir à l’isolement. Un résistant de la deuxième guerre mondiale disait récemment : La liberté, c’est la solitude. Pour être totale, la liberté ne peut être qu’offerte par quelqu’un qui s’en fait le serviteur. Dieu se sacrifie pour la liberté de l’homme ! C’est pour la liberté que Christ vous a libérés


Textes du 13ème dimanche C : 1 R 19, 16-21 ; Ga 5, 1. 13-18 ; Lc 9, 51-62

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