06/06/2010

Je vous ai transmis ce que j'ai moi-même reçu (Fête du corps et du sang du Christ)

Par deux fois, à quatre chapitres d’intervalle Paul, dans sa lettre aux Corinthiens, utilise cette formule : je vous ai transmis ce que j’ai moi-même reçu. Ce qu’il transmet ne vient pas de lui, n’est pas à lui. C’est un bien précieux, reçu pour être transmis.

Et que transmet-il, qu’a-t-il reçu ? D’abord, et nous venons de l’entendre, la fraction du pain : la nuit même où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. » Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu'il vienne.

Manger le pain qui est corps, boire le vin qui est sang. Ce n’est pas seulement un rite commémoratif d’un événement dont pourtant il convient de faire mémoire selon le commandement réitéré du Seigneur : faites cela en mémoire de moi. Manger le pain et boire le sang, c’est aussi proclamer la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne. C’est proclamer sa mort et attendre son retour, en attendant son retour, pour attendre son retour.

Lorsque nous venons ici rendre grâce et rompre le pain, partager et boire à la même coupe, nous sommes engagés dans une attente. Nous attendons que le Seigneur revienne. Est-ce effectivement ce que nous vivons ? Notre rassemblement, notre communion est-elle attente de Dieu ? Et comment sera-t-elle attente de Dieu sinon à être proclamation de la mort du Seigneur ? En effet, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

A qui, pour qui proclamons-nous sa mort ? Cela n’est pas dit et ne semble pas importer. La proclamation de la mort n’est pas un savoir qu’il faudrait que tous connaissent. Elle semble plutôt être l’occupation pour attendre le retour du Seigneur, comme un réveil qui nous empêche de nous endormir, comme morts, en attendant le retour du Seigneur, qui tient dans l’attente du jour de Dieu, qui transforme par l’attente chaque jour en jour de Dieu.

Voilà pourquoi nous venons communier chaque dimanche, pour ne pas nous endormir, pour ne pas mourir, pour maintenir notre veille, notre vie, pour ne pas rater le jour du Seigneur.

Il est une seconde occurrence de notre formule de transmission : Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, qu’il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois ‑ la plupart d'entre eux demeurent jusqu’à présent et quelques-uns se sont endormis ‑ ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres.

Le contenu de la foi, la profession de foi, semble cette fois, plus explicite. Cela ne ressemble plus à un acte, comme boire et manger. Il ne s’agit pas cependant seulement d’un savoir. En fait, c’est bien un acte, un acte interprétatif. Il s’agit de lire ‑ vous avez noté la récurrence, par deux fois l’expression selon les Ecritures ‑ de telle sorte que les Ecritures parlent de la mort et de la résurrection de Jésus. Rien dans les Ecritures, dans ce que nous appelons ancien testament, ne parlent explicitement de la résurrection de Jésus. Il faut faire quelque chose, pour que mort et résurrection s’y trouvent écrites. Et ce qu’il faut faire, c’est dans le même temps repérer la communauté vivante de ceux à qui Jésus est apparu vivant.

Ceux qui font profession de foi ne récitent donc pas un credo, si le credo n’était qu’un texte appris par cœur, un contenu de savoir, une leçon d'orthodoxie. Ils mangent et boivent pour que ce jour soit jour de Dieu. Ils lisent les Ecritures pour qu’elles parlent de la mort et de la résurrection de son fils. Ils appartiennent à la communauté de ceux à qui ce Jésus apparaît vivant. Ceux qui font profession de foi sont engagés dans une action, dans une vie, manger et lire.

Ce n’est pas chacun qui croit, mais la communauté des frères qui transmettent comme Paul ce qu’ils ont reçu. Passage de témoin qui fait de chacun un témoin. Aucun témoin de Jésus ne peut exister sans les plus de cinq cents frères à la fois auxquels le Seigneur apparaît vivant. De même qu’ils ne peuvent partager le pain s’ils sont seuls ‑ avec qui partageraient-ils ? ‑ de même, ils ne peuvent comprendre les Ecritures comme évangile de vie s’ils n’ont pas reçu pour frères ceux auxquels le Seigneur a donné son Père.

Ceux qui font aujourd’hui profession de foi, ceux qui partagent aujourd’hui le pain ne sont pas seuls. Ils ne s’engagent pas, eux, devant les autres. Ils affirment qu’ils acceptent d’avoir place dans la foule immense de ceux qui cherchent Dieu, de ceux qui font de chaque jour un jour de Dieu en partageant le pain et en buvant à la même coupe, de ceux qui lisent les Ecritures comme parole de vie.


Textes de la fête du corps et du sang du Christ (Année C) : Gn 14, 18-20 ; 1 Co 11,23-26 ; Lc 9 11-17


Seigneur Jésus, tu reçois de l’humanité comme d’une mère un corps que tu livres en une passion d’amour. Viens au secours de cette humanité qui méprise sa propre chair, que ce soit par l’oppression et le mépris de trop nombreux hommes, femmes et enfants, que ce soit dans le culte du corps et le confort.

Seigneur Jésus, tu as fais de ceux à qui tu apparais vivant ton corps, chargé de rompre le pain pour que tous aient la vie, chargé de découvrir dans les Ecritures un évangile de vie. Viens au secours de l’Eglise pour qu’elle prenne la tenue de service et fasse passer la multitude à la table de ton banquet.

Seigneur Jésus, tu nous as commandé de rompre le pain pour qu’il soit ton corps, en mémoire de toi jusqu’au jour de ton jour. Viens au secours de ceux qui font aujourd’hui profession de foi. Qu’ils te connaissent présence réelle au cœur de leur vie.

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