Malheur à moi si je n’annonce pas l’évangile.
C’est une drôle d’exclamation. N’est-elle pas à ce point
exagérée qu’elle en perd toute signification ? Franchement, qui d’entre
nous pourrait reprendre de telles paroles ? Que faut-il pour tenir de tels
propos ?
Faut-il être un fanatique ? Reconnaissons que la
biographie de Paul pourrait le laisser penser ! Mais alors ce fanatisme
nous serait-il proposé comme idéal ? A lire quelques sites internet, la
réponse ne semble faire aucun doute. Oui, ils sont nombreux les fous de Dieu,
plus ou moins dangereux.
Ceux qui sont en froid avec les religions nous rappellent
assez que la violence née du radicalisme idéologique est un venin. On entend
cela dans les cours de lycée, à la radio, de partout. C’est une évidence qui
malheureusement ne balaie pas toujours devant sa porte. La violence n’est pas
réservée aux extrémistes religieux. Le fanatisme n’est pas le propre des
religions.
Et il n’y a contre l’extrémisme qu’une saine réaction, celle
qui consiste à prendre ses distances. Mais alors, l’exclamation paulinienne est
discréditée. Elle est intenable, insoutenable, et l’on se demande bien pourquoi
nous la lisons !
Comment, à quelles conditions pourrions-nous dire ce Malheur
à moi si je n’annonce pas l’évangile ?
On peut comme Marie garder toutes ces paroles en son cœur.
On peut comme les disciples dont Marie, écouter ces paroles et les mettre en
pratique. Comment mieux dire que l’évangile est notre trésor ? Ecouter,
repasser dans le cœur, repasser par cœur ces paroles. Les aimer comme les
paroles de l’aimé. Les écouter au point qu’elles deviennent loi de vie.
Non pas une loi venue de l’extérieur. Non, une loi écrite
dans la chair, dans le cœur, par la douceur du souffle de l’Esprit divin.
L’évangile de la loi nouvelle n’est pas un enseignement, il devient le cœur
même de celui qui garde ses paroles et les médite.
Mais aussi importante que soit cette cordiale conservation
de la parole, elle n’est pas encore suffisante pour rendre compte de
l’exclamation paulinienne : Malheur à moi si je n’annonce pas
l’évangile.
L’amour de cette parole ne peut pas être compatible avec
l’extrémisme fanatique puisque c’est une parole d’amour. Mais d’ordinaire, une
parole d’amour ne se crie pas sur les toits. Ce n’est pas tout à fait vrai. La
bien-aimée du Cantique des cantiques ne cesse pas d’aller comme défier les
gardes de la ville, sur les remparts et sur les places. N’avez-vous pas vu mon
bien-aimé ?
Elle serait malheureuse la bien-aimée à ne pouvoir ainsi
annoncer à tous qu’elle est malade d’amour, qu’elle est heureuse de quêter sans
cesse celui que son cœur aime. Elle se fait peur à l’imaginer au loin pour
mieux jouir de sa présence.
L’annonce de l’évangile, la mission, n’est pas un devoir, un
objectif d’entreprise. Nous n’avons pas la charge du développement d’une
multinationale. Ne nous importe pas d’étendre aux quatre coins du monde la
vérité d’un catéchisme, ne nous est pas demandé de quadriller le terrain, installant
ou maintenant en chaque village, une chapelle.
L’annonce de l’évangile est une nécessité qui s’impose à
moi, dit Paul. Cela s’impose comme la force de l’amour ; amour de
la bien-aimée, amour de qui part à la recherche de celui que son cœur aime. Amour
unique et double. Double fidélité à un unique amour. Comment ne dirions-nous
pas à ceux que nous aimons, que la libération de notre monde est acquise ?
Pourrions-nous ne pas crier et dénoncer l’injustice par
amour de ceux que nous aimons ? Pourrions-nous laisser ceux que nous
aimons souffrir la misère et nous taire ? Il y a urgence à dénoncer ce qui
avilit l’homme. Voilà pourquoi, malheur à nous si nous n’annonçons pas
l’évangile. Il y a urgence à annoncer la bonne nouvelle de la
libération.
Et l’on constate, surpris, que l’annonce de l’évangile est
l’unique possibilité d’entendre cet évangile. On ne l’écoute et ne le garde en
son cœur qu’à condition de l’annoncer. Il n’y a pas d’abord l’écoute, et
ensuite la mission. C’est la mission d’abord ; c’est elle qui rend
possible l’écoute. Voilà encore pourquoi, malheur à nous si nous
n’annonçons pas l’évangile. Ne pas l’annoncer nous prive de l’évangile,
nous empêche d’entendre la voix de celui que notre cœur aime.
Textes du 5ème dimanche : Jb 7, 1-7 ; 1 Co 9, 16-23 ; Mc 1, 29-39
Je me demande si Paul s'enguirlande lui-même, (et donc enguirlande les autres en utilisant un "élément de langage" comme on dit maintenant). Ou s'il ne dit pas simplement une sorte d'évidence ressentie. Un constat. Genre : "Je ne serai pas heureux, si je n'annonce pas l'évangile".
RépondreSupprimerA minima, l'évangile comporte un chemin libérateur de l'homme pour l'homme. Si on y a gouté pour soi, et surtout si cela nous a transformé nous-mêmes, alors le désir de partager (annoncer) ce possible se fait comme naturellement. Jésus, l'homme, demeure pour moi un maitre en humanité. Je le cite volontiers, puisqu'il a influencé ma culture et ma personne, potitivement.
Au delà du minima, il y a toute la problématique "fils de dieu" (pour faire simple…), sauveur de l'humanité, etc… et la religion finit par faire d'une proposition de rencontre, un obligation de croire…
Alors forcément ça ne marche pas… ou bien peu…
D'un partage du coeur à coeur, sous couvert d'efficacité de convertir, on ouvre la boite des fanatismes, tel Pandore.
Paul m'apparait ainsi.