Cela se passe quatre ans avant l’an zéro, dans un coin perdu
de l’actuelle Palestine. La tradition dit que c’est à Bethléem, mais les
motivations théologiques de la localisation sont si importantes, que rien ne la
garantit historiquement. Jamais, on ne l’a appelé autrement que le Nazaréen, et
s’il est né dans la cité de David, aucun de ceux qui le rencontrent lors de son
ministère public ne semble le savoir. De
Nazareth, peut-il sortir quelque chose, s’écrit Nathanaël, un rien
méprisant, n’imaginant pas cinq secondes que Jésus puisse venir d’ailleurs.
Bethléem indique la filiation davidique et insère Jésus dans
l’histoire de la promesse. La descendance du roi pasteur n’est pas hiérosolomytaine,
comme si le siège du pouvoir ne convenait pour la venue au monde de Jésus. Elle
fera plutôt le cadre idéal de son arrestation, de son procès et de son
exécution. Il y a du Platon là dedans, à voir une sorte d’opposition congénitale
entre la vérité et le pouvoir. Les pâturages de Judée, sans prétention, où le
dernier fils de Jessé prenait soin de quelques bêtes, conviennent mieux à celui
qui bat la campagne à la recherche de la brebis perdu, n’ayant pas où poser la tête.
Né avant sa naissance, dans une ville où il n’a peut-être
jamais mis les pieds, en voilà assez pour que la pertinence historique de la
visite des mages (Mt 2, 1-12) et des évangiles de l’enfance en général soit
remise en cause. Tout dans ces lignes parle d’autre chose que ce qui y est
raconté.
Pas de crèche à Bethléem, pas de mages venus d’Orient, et
encore moins de rois, pas d’or, ni d’encens ni de myrrhe, pas d’entretien
diplomatique entre le roi Hérode et ces notables exotiques. En revanche, le
cœur de la foi, le sens de la vie, l’universalité de l’expérience humaine
concentrées en quelques lignes comme lorsque la terre habitée, même au-delà des
frontières connues, à travers des rois de toutes les couleurs, se retrouve dans
un tout petit espace, juste à l’aplomb d’une étoile.
Depuis le matin du monde, depuis les limites où le soleil pointe,
à l’Orient, les hommes se lèvent, se mettent en route et cherchent, courant derrière
tout ce qui les intrigue, une étoile qui s’allume. Cela ne se voit pas tant que
cela une nouvelle étoile. Il faut être de la partie ou vraiment attentif. Et si
c’était ainsi, notre humanité, dans sa diversité, dans sa fraternité, à trois,
dans sa dignité, royale : être attentif, chercher à comprendre, être mu
par sa quête, par la soif de connaître.
La connaissance, c’est impossible seul. Il faut aller
chercher la science des autres. Il faut aller à l’étranger pour connaître. Peut-être
même faut-il rencontrer les Juifs, le peuple de l’alliance, signe de la
bénédiction de Dieu pour les nations. Il faut sortir de soi, de chez soi, comme
Abraham d’Ur en Chaldée, comme ces mages, venus de si loin, venus de partout.
Et la science des astres n’est pas ce qui importe, aussi intéressante
soit-elle. La science, aussi passionnante soit-elle, aussi consistante
soit-elle, mène à autre chose. Encore faut-il le voir, savoir le voir.
Ils sont venus derrière une étoile, adorer un roi ; un enfant les attend qui ouvre ses bras au
monde entier. Où nous mène notre science, comment ouvrir nos yeux à ce que
nous cherchons sans même savoir que nous cherchons toujours autre chose ?
La joie de comprendre, le plaisir de se mesurer aux possibilités de la raison,
la force de faire avancer les techniques, de soulager les misères, tout
cela, aussi parfait que ce soit, mène pourtant à autre chose. Adorer le roi
peut-être la course après la gloire. Mais un
enfant les attend. Il ouvre ses bras au monde entier.
Il recueille l’or, puisqu’il est roi, l’encens, puisqu’il
est Dieu, la myrrhe, pour l’embaumement de son corps, puisqu’il est homme et
mourra. Profession de foi de ces mages, ou plutôt de l’évangéliste, ou plutôt,
cryptée, identité de celui qui habite sous une étoile. C’est après tout aussi
curieux d’habiter sous une étoile que d’être roi, homme et Dieu. Il vaudrait
mieux dire qu’il est lui-même l’étoile, la lumière levée en Orient, l’astre d’en-haut
venu nous visiter.
Et quand vous l’avez croisé, quand vous vous êtes laissé
accueillir par ces bras tendus, vous ne pouvez plus revenir en arrière. Vous
empruntez un autre chemin. Celui d’entre nous qui rentrera chez lui comme avant
n’aura rien vu, c’est sûr.
La multiplicité des nations et des cultures tisse la
tunique multicolore de l’Eglise. Que le sang des guerres ne vienne pas la
maculer. Que les mites des vieux placards ne viennent pas la dévorer. Que le pluralisme
dans la rencontre soit sa fierté.
La multiplicité des nations et des cultures sont la
chair de notre monde, de notre humanité. Que la mondialisation ne soit pas
l’occasion d’opprimer encore un peu plus les plus pauvres.
Notre communauté est aussi composée de nationalités et
de cultures différentes. Que nous choisissions l’opportunité d’un voyage
sédentaire, d’une simple rencontre ici, á Madrid, á la découverte d’autres
cieux dont nous ne soupçonnons souvent pas même la beauté.
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