Il y a les questions « soi-disant pédagogiques »,
les questions posées par celui qui connaît la bonne réponse, les questions
comme celle du bac ou du permis de conduire. Ce ne sont pas de vraies questions
puisqu’elles ont déjà une réponse ! Absolument rien n’y est engagé de ce
qui motive toute véritable question : la quête de la vérité. Celui qui
pose la question d’examen a déjà la bonne réponse, n’ouvre aucune quête du vrai
et ne fait que vérifier que celui qu’il examine répond justement, c’est-à-dire
comme lui aurait répondu.
La question de l’identité de quelqu’un ne peut jamais être
une de ces questions soi-disant pédagogiques, ou alors pour un enfant de moins
de deux ans, ou pour une personne atteinte de démence. Il faudrait apprendre à
dire Papa, ou Maman, ou tenter de retenir dans l’espace de la conscience celui
que la maladie retire aux siens alors qu’il ne les reconnaît plus.
On ne pose jamais une question du genre : Cher monsieur, pouvez-vous me dire qui je suis ?
C’est une question inutilisée, insensée, quoi que grammaticalement correcte. Jésus
ne pose pas cette question : Pierre,
et vous autres, pouvez-vous me dire qui je suis ? La réponse serait
évidente – Tu es Jésus, qui veux-tu
que tu sois ? ‑ et aurait de quoi inquiéter les Douze : Cela ne va pas Jésus ? T’es fatigué ?
D’ailleurs Jésus ne pose pas la question Qui suis-je ? mais « pour
vous, qui suis-je ? » (Lc 9,18-24). La question a un tout autre sens.
Si je demande à mon fils : Qui
suis-je ? La réponse est tellement évidente qu’il me prendra pour un
fou à poser une question insensée. Mais si je pose la question : « pour
toi, qui suis-je ? », alors, il n’y a pas la bonne réponse. Ne faisons pas de Jésus un fou à poser des
questions stupides ; que nos réponses ne transforment pas la question de
Jésus en question d’examen, fût-il de caté. Le « pour vous » change
le sens de la question « qui suis-je ? ».
Si Jésus pose une vraie question, il est, comme ses
interlocuteurs, en procès de vérité. Il cherche à savoir qui il est, quelle est
sa mission, sa vocation, et interroger les autres, ses proches, ceux qu’il
aime, est le chemin qui l’amène à la propre conscience de son identité. Pour
Jésus aussi, le plus court chemin de soi à soi passe par autrui.
Le chemin de la réponse est étroit, voire contradictoire.
Entre exaltation et humiliation, entre transfiguration et annonce de la
passion, entre mort violente, humiliante, infamante et résurrection, que
comprendre ? Le plus grand est le
serviteur, qui veut sauver sa vie la
perdra. Cela est tellement contraire à la logique mondaine que Jésus, homme
de notre monde, a du mal de voir que c’est par là que cela passe. Il est le
plus grand parce qu’il est parmi nous
comme celui qui sert, allez comprendre !
Loin d’un Jésus omniscient, nous avons un Jésus qui comme
nous tâche de saisir sa vocation. Elie, Moïse, l’un des prophètes, autant de
personnages à qui s’identifier pour se comprendre, autant de personnages qu’il sait
bien ne pas être. Imaginons la situation. Comment ce fils d’homme peut-il
parvenir à la conviction d’être l’envoyé du Père sans prendre la grosse tête,
sans blasphémer, comme le font justement remarquer les pharisiens ? Il vit
sans doute avec le Père quelque chose d’extraordinaire, nul ne le conteste, mais
il l’annonce comme vocation de tout homme. Il interprète sans doute les
Ecritures de manière originale, mais c’est pour que tous s’engouffrent dans la
compréhension d’un Dieu qui libère et fait vivre, gratuitement, par amour.
Alors, la question se pose, sans la bonne réponse, mais comme interrogation ouverte qui nous engage.
Qui donc est-il ? Et moi, qu’est-ce que je dis qu’il est ? Mieux, il
m’avise : et-toi, qui dis-tu que je
suis ? Le catéchisme n’est pas une affaire de question réponse si
suivre Jésus est une question de vie ou de mort. Qui veut garder sa vie la perdra, qui perdra sa vie la sauvera.
Nous ne sommes pas les disciples de Jésus parce que c’est un type bien, encore que. Nous ne le sommes pas non plus parce que nous aurions appris, par le caté, qu’il est le fils de Dieu. Nous le sommes parce qu’à tâcher de le désigner nous sommes libérés de notre mort, à le saluer, nous sommes sauvés. C’est ainsi qu’on sauve sa vie, à lâcher les assurances, les certitudes, les bonnes réponses, à se perdre. Il n’y a pas la réponse apprise par cœur, mais l’abandon à celui seul qui sauve. Il y a le passage où l’on s’engage corps et âme, à perdre la vie, pour l’aventure de la liberté.
Nous ne sommes pas les disciples de Jésus parce que c’est un type bien, encore que. Nous ne le sommes pas non plus parce que nous aurions appris, par le caté, qu’il est le fils de Dieu. Nous le sommes parce qu’à tâcher de le désigner nous sommes libérés de notre mort, à le saluer, nous sommes sauvés. C’est ainsi qu’on sauve sa vie, à lâcher les assurances, les certitudes, les bonnes réponses, à se perdre. Il n’y a pas la réponse apprise par cœur, mais l’abandon à celui seul qui sauve. Il y a le passage où l’on s’engage corps et âme, à perdre la vie, pour l’aventure de la liberté.
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