En vérité, je le comprends : Dieu ne fait pas de différence entre les hommes ; mais, quelle que soit
leur race, il accueille les hommes qui l'adorent et font ce qui est juste.
C’est par ces mots que Pierre se justifie d’avoir fait entrer un païen,
c’est-à-dire une non-juif, dans la communauté des disciples.
Pendant les premiers siècles de l’Eglise, cette fraternité
qui détruit les frontières et différences sera dénoncée comme force de
décadence pour l’Empire Romain. C’en est fini des esclaves s’ils sont nos
frères, c’en est fini de l’aristocratie, si tous sont frères.
Dans son épître aux Galates Paul théorise l’affaire : Il
n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni
homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus Christ. Son billet à Philémon invite concrètement ce
dernier à recevoir l’esclave Onésime comme un frère.
Dieu ne fait pas de différence entre les
hommes, mais il les accueille quelle que soit leur race. L’irruption de Jésus dans le monde
bouleverse jusqu’aux habitudes sociales et aux théories politiques. C’est ce
que nous fêtons durant ce temps de Noël et que l’évangile d’aujourd’hui vient
encore proclamer : « Tu es mon fils, moi aujourd’hui, je t’ai
engendré ». La filiation de Jésus appelle la transformation de tout
rapport humain en fraternité. Désormais toute guerre est fratricide, toute
réconciliation, tout amour, reconnaissance de la fratrie dont Dieu est le Père.
Il n’y a pas ici de distinction possible entre
le politique et la foi, entre l’humanisme et la pratique religieuse. La
politique est le lieu de la fraternité. La fraternité est trop à l’étroit dans
le cadre familial et privé. La pratique évangélique, celle de Pierre qui
baptise Corneille, celle de Paul avec Philémon et Onésime, est force de
transformation politique ou mensonge.
Vous me direz, une
fois l’Eglise sortie des persécutions, on a un peu oublié que tous étaient
frères. Dans l’Eglise elle-même, dans les pays qui se disaient chrétiens, on n’a
rien changé aux différences entre l’homme et la femme, le païen et le juif,
l’esclave et l’homme libre. On a même vu l’Eglise se définir comme
inégalitaire, certes pour exprimer sa structure hiérarchique, mais tout autant
pour ériger une digue contre les courants démocratiques qui paraissaient
hostiles. Et nos républiques ne font pas mieux. L’égalité de la devise
française n’est-elle pas piétinée plus souvent qu’à son tour ?
Avec le baptême, la
foi bouleverse les conceptions des relations humaines. Cet évangile est-il
parvenu jusqu’à nous ? Certainement pas encore aux oreilles de nos
sociétés.
Est-ce à dire qu’il
faudrait, comme Dieu, se rire des différences et ne parler que d’unité ?
Précisément non. Parce que Corneille baptisé demeure Corneille le non-juif. Philémon
devra vivre avec Onésine, un frère qui n’est pas de son monde, un esclave aux
yeux de la société. L’enjeu de la vie fraternelle que la naissance de Jésus
manifeste, de la vie baptismale, consiste non en ce que tous soient clonés,
mais que, tous différents, nous soyons également accueillis. Se rassembler sans
se ressembler.
Gommer les
différences sous prétexte d’égalité, nous le savons, c’est l’égalitarisme qui
ne respecte personne. Notre République en a soupé de ces discours égalitaristes
qui ne font que creuser les inégalités. L’égalité n’a à voir avec
l’égalitarisme que la proximité lexicale !
Sous prétexte que
nous sommes tous frères, nous nous étonnons voire scandalisons que l’autre ne
pense pas comme nous. Sous prétexte que nous sommes tous frères, nous ne
voulons pas mettre en avant les différences, alors que la beauté du bouquet c’est
la composition des différences. Sans la reconnaissance des différences, la
fraternité est violence car elle oblige l’autre à penser comme moi, ou moi
comme l’autre. Nous le savons dans les dictatures. Nous le savons dans nos
familles, laisser à chacun sa place veut dire trouver pour chacun une place
spécifique. Et les enfants ont bien du mal à comprendre que l’égalité n’est pas
l’uniformité.
Je ne peux exiger
que la nourriture spirituelle dont je suis friand soit celle que tous devraient
désirer. Je ne peux exiger une nourriture spirituelle comme s’il s’agissait d’un
plat unique, unique à mes yeux. Sans reconnaître que l’autre est différent, justement
parce qu’il est frère, je ne pourrais qu’être agressé de ce qu’il ne réagisse
pas comme moi, n’attende pas la même chose que moi.
Voilà où nous engage notre baptême, à une politique, au sens d’une vie en société, en communauté, et sans doute aussi au sens d’une institutionnalisation de cette vie commune. C’est un défi pour nos Eglises comme pour nos sociétés. Nous n’en sommes qu’à l’apprentissage de la vie fraternelle. Il n’y a pas trop d’une vie pour recevoir, pour vivre le sacrement du baptême.
Voilà où nous engage notre baptême, à une politique, au sens d’une vie en société, en communauté, et sans doute aussi au sens d’une institutionnalisation de cette vie commune. C’est un défi pour nos Eglises comme pour nos sociétés. Nous n’en sommes qu’à l’apprentissage de la vie fraternelle. Il n’y a pas trop d’une vie pour recevoir, pour vivre le sacrement du baptême.
Défi de taille, sans cesse à remettre sur le métier...
RépondreSupprimerOui,incontestablement!
SupprimerEt, de même qu'entre Paul et Pierre au "premier concile", ce "défi" doit aller jusqu'à comprendre et vivre la communion comme au-delà de l'uniformité, et, dans l'église par exemple, accepter ces "homosexuels" que certains manifestants naguère osaient penser si "différents" (même si leurs paroles, contredisant leur acte, disaient les "respecter"), ou ces "tendances" qui soutenaient les avancées charitables de Benoit XVI vers les intégristes tout en craignant et injuriant les "révolutionnaires" qui osaient questionner autorités et formules... "La foi bouleverse les relations humaines", vous avez raison ! mais bien lentement souvent... Le défi, il est là, "incontestablement" !
RépondreSupprimerMonsieur de Veruche avez-vous donc réellement interrogé les"pharisiens" (vous n'employez pas le terme mais c'est tout comme) qui manifestaient contre le mariage pour tous ?
SupprimerPareillement claquer la porte au nez des Lefebvristes lesquels sont insupportables c'est absolument certain,est-ce l'attitude la plus chrétienne,et n'est-ce pas oublier qu'en dehors des dirigeants de cette tendance il y a des gens qui les ont suivis parce que rejetés par certains curés innovateurs des années 70.
Enfin, ma paroisse accueillant une communauté traditionaliste j'ai bien pu constater que la moyenne d'âge de leurs pratiquants était bien inférieure à celle des pratiquants de la Messe ordinaire,autrement dit que la majorité des présents n'avaient pas connu du tout la Messe d'avant le Concile et adhéraient cependant à ce rite.Benoît XVI a fait le maximum de ce qu'il pouvait faire ,et il a eu parfaitement raison puisque c'était dans le but d'éviter cette guerre fratricide;c'est en tout cas mon point de vue.