Un dimanche qui s’efface devant la fête d’un saint, c’est
assez rare. De quoi s’agit-il ? De la fête patronale du diocèse de Rome.
Et l’Eglise, y compris en Orient, fête aujourd’hui Pierre et Paul, patron
de l’Eglise de Rome.
Cette fête est attestée depuis 258 ! Est-ce que cela
suffit à ce qu’elle soit célébrée dans l’Eglise entière ? C’est plutôt une
manière d’exprimer la communion de chaque Eglise locale avec l’Eglise de Rome. Curieux
aussi que soient associés en une même fête deux apôtres qui ne sont pas morts
en même temps. C’est que l’Eglise de Rome, depuis les origines, a la vive
conscience de ce qu’elle est plantée dans le champ que le sang des deux figures
apostoliques les plus éminentes a irrigué par leur martyre.
Entre Pierre et Paul, tout n’a pas toujours été facile.
Entre celui dont Jésus fait le représentant des Douze et celui qui n’a jamais
rencontré Jésus, les raisons d’appréhender différemment l’avenir de l’évangile
sont nombreuses et parfois conflictuelles. Si, certes de façon passablement
anachronique, on fait de Pierre le tenant de la tradition et de Paul celui de
la liberté de l’Esprit, fêter ensemble les deux apôtres donne à l’Eglise de
Rome, et à toutes nos Eglises, le devoir de rechercher comment être disciples
de Jésus, avec et pour les autres, dans des institutions ecclésiales justes.
On entend sans cesse répéter que l’Eglise n’est pas une
démocratie. Et en effet, la vérité de l’évangile ne se met pas aux voix. Mais
la démocratie n’est pas d’abord affaire de vote ; elle est le droit et le
devoir de chacun à faire entendre son avis. Il ne faudrait pas que l’on refuse
la démocratie pour l’Eglise pour se retrouver avec une théocratie ou un pape
autocrate si ce n’est tyran ! On ne voudrait pas que le Pape profite de son
ministère pour ses intérêts propres, qu’ils soient de puissance, de richesse,
de luxure, d’idéologie. L’histoire nous enseigne que ce n’est malheureusement
pas impossible. Ceux qui rejettent la démocratie pour l’Eglise reprennent, souvent
sans le savoir et par manque de culture historique, les arguments des plus
réactionnaires, opposés à l’émancipation des peuples dans la foulée des
Lumières, de la Révolution Française et de la démocratie en Amérique.
Je n’idéalise nullement la démocratie. Les scandales
politico-financiers ne sont malheureusement pas le propre de la démocratie
quand bien même ils pourraient la tuer. L’abstention elle aussi pourrait avoir
sa peau. Nous constatons que la démocratie, qui nous paraît aujourd’hui une
évidence, est fragile ; elle rend nécessaire notre responsabilité et notre
formation. En démocratie, il n’est pas possible de dire que la géopolitique, l’économie
et la vie de ce monde ne nous intéressent pas. Voter sans apprendre, c’est
porter au pouvoir le populisme et la dictature. Le XXème siècle en témoigne !
Dans notre Eglise aussi, la responsabilité de chacun est ce
qui garantit le bon fonctionnement des institutions dans le respect des personnes pour la recherche de la vie en abondance. Il ne suffit pas de se dire disciples de Jésus pour que nos
institutions soient au service de la liberté et de l’épanouissement de chacun,
soient au service de la Bonne Nouvelle, libération des servitudes et joie parfaite. L’idéalisme de la sainteté est un mépris des institutions, et
partant des personnes autant que de l’évangile lui-même. L’angélisme
évangélique nous transforme en bêtes infernales.
Bien sûr, on pourra accuser le Pape et le critiquer. En ce
jour de fête à Rome, ce n’est pas opportun. C’est nous aussi qui sommes en jeu.
La vie de l’Eglise est de notre responsabilité. En fin d’année, on peut bien
faire quelques remerciements… Eh bien, nous pouvons remercier tous ceux qui ont
fait connaître leur avis pour la vie de la paroisse. Ils se sont exprimés en
réunion, ou bien auprès d’un des membres du conseil paroissial. Ils ont dit ce
qui leur paraissait bon, et aussi ce qu’ils avaient sur le cœur. Ils ont fait
reculer les ragots et les rumeurs, assumant publiquement leur opinion, la
faisant connaître dans le respect de chacun. Oui, merci. Notre communauté sort
grandie de notre souci commun de la vérité.
La recherche de la vérité, de la pureté de l’évangile, passe trop souvent pas des jugements
qui nous font tomber sous le coup de paroles sévères de Jésus, qui dénonce l’hypocrisie et
l’œil avec la poutre qui prétend enlever la paille dans l’œil du frère. On se
sépare, on monte son groupe parallèle, parce qu’on est pur, nous, parce qu’on n’accepte
pas ceci ou cela. La défense de l’Eglise et de sa vérité devient division. C’est
incroyable mais vrai. Merci à tous ceux qui ont eu l’Esprit d'intelligence et de sagesse, pour
affronter la contestation, certes, et construire ensemble, avec des gens qu’ils
n’avaient pas choisi, une communauté vivante capable d’annoncer l’évangile et
de servir les frères.
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