28/06/2014

Libres et responsables dans l'Eglise (Saints Pierre et Paul)



Un dimanche qui s’efface devant la fête d’un saint, c’est assez rare. De quoi s’agit-il ? De la fête patronale du diocèse de Rome. Et l’Eglise, y compris en Orient, fête aujourd’hui Pierre et Paul, patron de l’Eglise de Rome.
Cette fête est attestée depuis 258 ! Est-ce que cela suffit à ce qu’elle soit célébrée dans l’Eglise entière ? C’est plutôt une manière d’exprimer la communion de chaque Eglise locale avec l’Eglise de Rome. Curieux aussi que soient associés en une même fête deux apôtres qui ne sont pas morts en même temps. C’est que l’Eglise de Rome, depuis les origines, a la vive conscience de ce qu’elle est plantée dans le champ que le sang des deux figures apostoliques les plus éminentes a irrigué par leur martyre.
Entre Pierre et Paul, tout n’a pas toujours été facile. Entre celui dont Jésus fait le représentant des Douze et celui qui n’a jamais rencontré Jésus, les raisons d’appréhender différemment l’avenir de l’évangile sont nombreuses et parfois conflictuelles. Si, certes de façon passablement anachronique, on fait de Pierre le tenant de la tradition et de Paul celui de la liberté de l’Esprit, fêter ensemble les deux apôtres donne à l’Eglise de Rome, et à toutes nos Eglises, le devoir de rechercher comment être disciples de Jésus, avec et pour les autres, dans des institutions ecclésiales justes.
On entend sans cesse répéter que l’Eglise n’est pas une démocratie. Et en effet, la vérité de l’évangile ne se met pas aux voix. Mais la démocratie n’est pas d’abord affaire de vote ; elle est le droit et le devoir de chacun à faire entendre son avis. Il ne faudrait pas que l’on refuse la démocratie pour l’Eglise pour se retrouver avec une théocratie ou un pape autocrate si ce n’est tyran ! On ne voudrait pas que le Pape profite de son ministère pour ses intérêts propres, qu’ils soient de puissance, de richesse, de luxure, d’idéologie. L’histoire nous enseigne que ce n’est malheureusement pas impossible. Ceux qui rejettent la démocratie pour l’Eglise reprennent, souvent sans le savoir et par manque de culture historique, les arguments des plus réactionnaires, opposés à l’émancipation des peuples dans la foulée des Lumières, de la Révolution Française et de la démocratie en Amérique.
Je n’idéalise nullement la démocratie. Les scandales politico-financiers ne sont malheureusement pas le propre de la démocratie quand bien même ils pourraient la tuer. L’abstention elle aussi pourrait avoir sa peau. Nous constatons que la démocratie, qui nous paraît aujourd’hui une évidence, est fragile ; elle rend nécessaire notre responsabilité et notre formation. En démocratie, il n’est pas possible de dire que la géopolitique, l’économie et la vie de ce monde ne nous intéressent pas. Voter sans apprendre, c’est porter au pouvoir le populisme et la dictature. Le XXème siècle en témoigne !
Dans notre Eglise aussi, la responsabilité de chacun est ce qui garantit le bon fonctionnement des institutions dans le respect des personnes pour la recherche de la vie en abondance. Il ne suffit pas de se dire disciples de Jésus pour que nos institutions soient au service de la liberté et de l’épanouissement de chacun, soient au service de la Bonne Nouvelle, libération des servitudes et joie parfaite. L’idéalisme de la sainteté est un mépris des institutions, et partant des personnes autant que de l’évangile lui-même. L’angélisme évangélique nous transforme en bêtes infernales.
Bien sûr, on pourra accuser le Pape et le critiquer. En ce jour de fête à Rome, ce n’est pas opportun. C’est nous aussi qui sommes en jeu. La vie de l’Eglise est de notre responsabilité. En fin d’année, on peut bien faire quelques remerciements… Eh bien, nous pouvons remercier tous ceux qui ont fait connaître leur avis pour la vie de la paroisse. Ils se sont exprimés en réunion, ou bien auprès d’un des membres du conseil paroissial. Ils ont dit ce qui leur paraissait bon, et aussi ce qu’ils avaient sur le cœur. Ils ont fait reculer les ragots et les rumeurs, assumant publiquement leur opinion, la faisant connaître dans le respect de chacun. Oui, merci. Notre communauté sort grandie de notre souci commun de la vérité.
La recherche de la vérité, de la pureté de l’évangile, passe trop souvent pas des jugements qui nous font tomber sous le coup de paroles sévères de Jésus, qui dénonce l’hypocrisie et l’œil avec la poutre qui prétend enlever la paille dans l’œil du frère. On se sépare, on monte son groupe parallèle, parce qu’on est pur, nous, parce qu’on n’accepte pas ceci ou cela. La défense de l’Eglise et de sa vérité devient division. C’est incroyable mais vrai. Merci à tous ceux qui ont eu l’Esprit d'intelligence et de sagesse, pour affronter la contestation, certes, et construire ensemble, avec des gens qu’ils n’avaient pas choisi, une communauté vivante capable d’annoncer l’évangile et de servir les frères.


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