L’histoire de l’eucharistie est aussi vieille que celle de
l’Eglise. La veille de sa passion, Jésus rassembla ses disciples autour d’un
dernier repas au cours duquel il leur commanda de refaire ses gestes, rompre
ensemble le pain et boire la coupe.
Aujourd’hui encore, nos rassemblements chrétiens sont très
souvent eucharistiques ; la catéchèse des enfants de primaire tourne autour de la première communion. Pourtant, la pratique
dominicale s’effrite, s’effondre. L’eucharistie, n’aurait-elle pas tant d’importance
que cela dans notre vie, contrairement à nos grandes déclarations ? Plutôt
que de dénoncer la tiédeur des chrétiens, je préfère interroger : pourquoi
nombre d’entre-nous ne sont-ils que si peu pratiquants du repas du
Seigneur ? L’eucharistie fait-elle encore sens pour nous, ou reste-t-elle
comme un rite, toujours plus extérieur, certes important en principe, mais en
fait insignifiant ?
Comment ce pain est-il corps du Seigneur ? Comment ce
petit morceau de pain peut-il être nourriture ? Ces questions ont été
posées, sous une forme ou sous une autre, depuis les origines, et se posent
encore. Le Moyen-âge, dans une culture qui ne nous est pas spontanément
accessible, a déployé des trésors d’intelligence. La querelle, quand ce n’est
pas la guerre, entre catholiques et protestants a conduit à une théologie
d’opposition, très déséquilibrée. Alors que tant d’enfants communient
pour la première fois, cette année encore, dans les paroisses, que souhaiterions-nous
leur dire ?
Certes, on peut dire que Jésus vient demeurer dans notre
cœur. Mais y est-il davantage présent une fois que l’on a reçu le pain ?
Ce serait bien hasardeux de répondre. Certes on peut dire que par la présence
réelle, Jésus habite son Eglise. Mais est-il plus présent dans le tabernacle qu’ailleurs ?
Peut-on opposer, comme on le fait trop souvent, Jésus qui s’offre dans sa
parole et dans l’eucharistie ? Jésus n’est jamais plus ou moins présent
selon que l’on vénère le sacrement, deux ou trois se rassemblent en son nom,
que l’on se retire dans le secret de la chambre pour prier, que l’on sert son
frère ?
Le but de la messe (si vous acceptez ce vocabulaire peu
conventionnel) depuis toujours, dans des expressions sans doutes diverses et
parfois contestées par la piété ou les querelles, c’est la communion. Nous
mangeons ce pain pour construire la communion entre les hommes (dont l’Eglise
est l’anticipation et le ferment). La communion fait de l’humanité une
fraternité, un seul corps. Ce n’est pas pour rien que la « communion »
désigne l’eucharistie ! L’eucharistie n’est pas une affaire personnelle,
sans incidence sociale. Elle est politique, elle construit la polis, les sociétés. Aller à la messe
est un acte politique ; nous voulons que la cité des hommes, selon le
dessein d’amour du Père, soit la cité de Dieu.
Jésus qui s’est fait serviteur n’est pas venu pour qu’on
l’adore. Il serait bien surpris de voir nos adorations du saint
sacrement ! Il est venu pour que nous ayons la vie en abondance (Jn 3, 16 ;
10, 10), pour que notre joie soit parfaite (Jn 15, 11). Je crois comprendre que
la vie éternelle, la vie en abondance, la joie parfaite, c’est la communion
d’une humanité réconciliée, débarrassée de la haine, des guerres, des injustices,
de la violence. Je crois comprendre que la connaissance du Père, c’est l’amour
des frères ; comment celui qui hait son frère pourrait-il aimer le Père de
ce frère ! (1 Jn 4, 20)
« Humblement nous te demandons, qu’en ayant part au
corps et au sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un
seul corps. » (Prière eucharistique n°2)
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