Nous ne
savons que très peu de l’Esprit, nous n’en parlons guère. Il est un souffle,
comme le vent, que l’on sent sans pouvoir le saisir. Il gonfle les voiles mais
aucun contenant ne peut le retenir. Manifeste pour la liberté, que rien n’arrête,
seul l’ouvert peut l’accueillir. L’air est vicié dans les tombes ; là où
souffle l’Esprit, c’est la vie, c’est la résurrection. Qui s’étonnerait qu’il
soit l’absolu discret, celui qui trouve sa gloire à s’effacer, tout comme le
Fils, et même le Père, afin que nous soyons introduits dans la ronde divine ?
Pour parler de
l’Esprit, il faut parler de nous. Non qu’il s’agisse de se mettre au centre, de
se regarder le nombril, mais que, à en croire Irénée de Lyon, la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant.
Nous, réceptacles de l’Esprit, mieux, nous comme autant d’instruments à vent,
qui laissons passer l’Esprit en notre gorge pour qu’il chante par nos corps la
louange du Fils au Père, nous en notre chair vivante, pouvons laisser percevoir
l’Esprit qui donne la vie.
La vie dans
l’Esprit est la seule manière de parler de l’Esprit, l’expérience spirituelle
le lieu où l’on témoigne de l’insaisissable vent de Pentecôte. Encore faut-il
s’entendre sur les mots. La vie spirituelle, c’est la vie dans l’Esprit et non
la réduction que l’on en fait habituellement, la prière. La vie de prière n’est
spirituelle qu’à être une vie dans l’Esprit. Certains prient en esprit et
vérité. Est-ce à dire que l’on peut prier autrement ? C’est ce que l’on
peut entendre dans le dialogue avec la samaritaine.
« L'heure
vient - et c'est maintenant - où les véritables adorateurs adoreront
le Père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le
Père. Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c'est en esprit et en vérité qu'ils
doivent adorer. » (Jn 4, 23-24)
Ainsi, si
l’on veut parler sérieusement de vie spirituelle, il ne faut pas commencer par
parler de prière, puisque l’on peut adorer autrement qu’en esprit et vérité. Il
faut parler de la vie, la vie de chaque minute, de chaque seconde, de jour ou
de nuit, que l’on dorme ou travaille, que l’on soit seul ou avec les amis,
voire avec des ennemis. Ne cherchons pas l’Esprit dans les choses éthérées,
sans matière. Le spirituel, avec les chrétiens, à la différence des grecs, des
idéalistes de tout âge, c’est le plus charnel. Peut être pas tout charnel, mais
toujours charnel.
C’est
qu’avec Jésus, il n’y a pas d’activités réservées qui seraient évidemment
spirituelles, alors que d’autres ne le seraient pas. Avec Jésus, avec le Dieu
fait homme, c’est la chair qui est spirituelle. Paul parle de corps spirituel
(1 Co 15, 44). Les chrétiens n’ont pas d’activité qui les distingue des autres
hommes. Ils font ce que tous sont censés faire, humainement. Ils prêtent
seulement, si l’on peut dire, leur chair pour qu’y passe l’Esprit, pour que
Dieu habite le monde et puisse y être reconnu. Quand l’Esprit passe dans la
chair de l’humanité, une musique en sort qui indique Dieu.
Et la
résurrection n’est pas autre chose, vivre cette vie, habités par l’Esprit
divin. Vivre dans la chair la force de la résurrection de Jésus. Tourner la vie
en réponse au Père. Vivre en répondant à l’amour du Père et en répondant des
frères dans l’amour. La vie spirituelle, c’est la résurrection, la vie dans l’Esprit.
Ainsi parlait Saint Vincent de Paul : « Au lieu d’aller à la messe,
demeurez auprès de ce malade. Voilà l’heure de l’oraison ; si vous entendez
les pauvres qui vous appellent, mortifiez-vous et quittez Dieu pour Dieu,
encore qu’il faille faire tout ce que vous pourrez pour ne point omettre votre
oraison, car c’est ce qui vous tiendra unies à Dieu ; et tant que cette
union durera, vous n’aurez rien à craindre. » (Entretien 23 07 1654)
C’est que le
Christ a encore un corps, même ressuscité. En effet, nous ne croyons pas en l’immortalité
de l’âme, fût-ce celle du Christ, mais en la résurrection de la chair. Et la
chair du Christ, ce sont les pauvres, les malades, même les pécheurs, nous. L’Esprit
du trois fois saint habite chez les pécheurs et leur rend la vie. Il est Seigneur et donne la vie.
L’Esprit du
Christ se trouve où se trouve son corps, sa chair, puisque nous disons le
Christ vivant. Si le Christ est ressuscité, si son corps n’est pas un cadavre,
alors, c’est en son corps que souffle son Esprit.
Si l’on veut
parler de prière, nous n’avons qu’une chose à ajouter. Si l’on veut parler de
vie spirituelle au sens obvie, il faut juste dire que prier consiste à prêter sa
gorge au souffle divin. C’est le Christ qui est le seul à prier, toujours
tourné vers son Père. Nous, son corps, tâchons d’accueillir l’Esprit qui donne
la vie. Ainsi résonnent nos cordes vocales quand passe le souffle en notre gorge.
Prier, c’est charnel, une affaire de souffle ; c’est prêter sa gorge à l’Esprit.
merci
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