Alep vient de tomber. Le régime Syrien préfère se battre
contre l’opposition qu’expulser l’Etat Islamique. Cynisme d’un homme qui a
détruit une des plus anciennes villes du monde avec le secours de la Russie,
qui prétend se montrer plus chrétienne que jamais.
Berlin vient d’être frappée à son tour par les attentats.
Plus de cinq mille migrants noyés cette année dans la Méditerranée, un record,
triste record.
Le Congo, la Gambie, et tant d’autres pays sombrent dans la
dictature ou s’y maintiennent. On me reprochera de ne pas en sortir de la
noirceur alors que c’est jour de fête. On me dira que l’on a besoin d’autre
chose que de la lecture des journaux.
Mais que signifie fêter Noël en cette nuit des violences ?
Que signifie fêter Noël à Alep, Mossoul, Berlin, en Méditerranée et à Kinshasa ?
Pourrions-nous nous consoler tranquillement, quand nos frères humains crèvent,
la nuit de Noël ?
La première lecture de la messe de la nuit semble être
exactement pour nous. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se
lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une
lumière a resplendi. »
Encore faudrait-il voir cette grande lumière. Force est de
reconnaître que si elle existe, elle n’a rien d’éblouissant. Bien sûr, nous
pourrions être spirituellement schizophrènes, nous réjouir romantiquement de la
crèche, faire la fête entre amis, et laisser à lundi, le moment de repenser aux
victimes de la violence.
Mais ne serait-ce pas contraire à ce que nous sommes censés
célébrer aujourd’hui, un Dieu qui se fait homme, une humanité divinisée, bref,
l’impossibilité de séparer ce que Dieu a uni, la chair et sa divinité. C’est
dans ce monde qu’il est né. On disait que c’était pour racheter du péché
originel. Disons au moins que s’il ne vient pas là où l’on désespère d’être
homme, cela n’a aucun sens. Si, nous venons sacrifier au peu de
religion qui reste en nous ou dans notre société, dépêchons-nous ! Bientôt
il n’y en aura plus. Et heureusement, car la religion est chose terrible, mais l’évangile
n’est pas religion.
L’homme de Nazareth ne s’est guère préoccupé des prêtres et
des sacrifices, du temple et des règles de pureté. On a même l’impression qu’il
prenait un malin plaisir à guérir le sabbat, le jour sacré du repos. L’homme de
Nazareth a parlé avec tous, Juifs, pharisiens, scribes, zélotes, samaritains, docteurs
de la loi, publicains, collabos, prostituées, femmes, enfants, veuves,
pécheurs, païens, envahisseurs comme ce centurion romain qui demande la
guérison de son serviteur, peut-être son concubin…
L’homme de Nazareth s’est attablé avec tous. Il est plus
souvent à table, d’après l’évangile, qu’à la synagogue ou au temple ! Il y
a urgence pour lui à manifester l’universalité de la fraternité, parce qu’elle
est le sacrement de l’amour infini de son Père, de notre Père.
L’homme de Nazareth s’est attablé jusqu’à se donner lui-même
en nourriture, prenez, mangez, prenez, buvez. Si nous le mangeons, si nous
buvons son sang, n’est-ce pas parce qu’il veut être nous ? N’est-ce pas
parce qu’il veut être notre nourriture, ce qui nous fait vivre ? Nous le
disions tout juste. Impossible de séparer ce que Dieu a uni, chair et divinité.
Qu’en ressort-il ? Une grande lumière ? Oui et
non. Non, c’est toujours la nuit et la violence. Oui, mais cette lumière, même
grande, ne se voit pas forcément. La voyons-nous ? Sans doute, si nous
sommes ici, du moins si nous ne venons pas faire de la religion, mais écouter
la parole et la mettre en pratique.
Depuis cette fameuse nuit la plus longue de l’année, celle
où l’on fait symboliquement mémoire de la naissance de Jésus, la lumière
brille, parce que rien de l’humanité n’est étranger à Dieu. Le mal, il s’y
livre pour le renverser, depuis le massacre des innocents que nous fêterons
dans trois jours (la liturgie elle non plus ne nous berce pas d’illusions)
jusqu’à son agonie en croix. L’humanité, il l’épouse, pour la rendre à la
beauté de sa propre divinité. Cela ne fait pas de bruit, cela n’éblouit pas. C’est
aussi inoffensif qu’un enfant nouveau-né.
Qui croira que la force est dans la faiblesse ? Qui
croira que la victoire est dans la faiblesse ? Jésus, Dieu, n’est pas
superman ou magicien. Il aime, à la folie. « Ce
qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de
confusion ce qui est fort. » Voilà pourquoi nous sommes ici. Voilà ce que
nous sommes engagés à annoncer, plus encore en acte qu’en parole. Voilà la
bonne nouvelle, déconcertante, de Noël.
« Les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux
couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés. Oui, un
enfant nous est né, un fils nous a été donné ! »
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RépondreSupprimercommentaire on ne peut plus sibyllin,non?
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