La première lettre au Corinthiens est l’un des plus anciens
textes chrétiens, écrit vers 55, une vingtaine d’années après la mort de Jésus.
Sans doute composé de plusieurs missives, tous les spécialistes en reconnaissent
à Paul la paternité.
La communauté de Corinthe est divisée. Que notre Eglise est
compliquée ! A peine quelques dizaines de personnes ‑ allez, disons,
deux ou trois cents ‑ et déjà des divisions : ceux qui se
revendiquent de tel fondateur contre tel autre, de telle spiritualité contre
telle autre. Paul, sans doute depuis Ephèse, écrit donc pour inviter à l’unité.
Cela donne lieu à un développement sur l’amour et sur l’Eglise ; nous
connaissons tous, par exemple, le fameux hymne à la charité, j’aurais beau parler toutes les langues du
ciel et de la terre, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. L’amour ne
passera jamais. Nous connaissons la comparaison avec le corps, composé de
plusieurs membres, tous utiles, de sorte qu’aucun ne peut penser devoir se
séparer de l’un quelconque des autres membres.
Nos divisions, hier comme aujourd’hui, sont grotesques.
Certes, on a le droit de n’être pas toujours d’accord, certes, certaines
différences sont difficilement conciliables. Est-ce une raison pour que se mettre
sur la figure, se traiter de tous les noms, excommunier comme hérétiques ?
N’avons-nous pas l’amour du Christ en partage et comme mission ?
Cette semaine, la conférence des évêques allemands publie
son interprétation de l’exhortation apostolique post-synodale sur La joie de l’amour et reconnaît la
légitimité d’une démarche d’accueil à la table eucharistique des divorcés
remariés. Déjà les évêques brésiliens s’étaient engagés en ce sens et le Pape
leur avait écrit pour dire que leur interprétation de son texte était
nécessaire. Le même jour, selon un autre allemand, préfet de la congrégation
pour la doctrine de la foi, on ne peut dire que la dite exhortation apostolique
rend possible la communion pour les divorcés remariés puisque c’est
formellement contraire à la foi, telle qu’exprimée par exemple par Jean-Paul
II.
Cette semaine encore, on apprend que Rome et les intégristes
de Mgr Lefebvre sont sur le point de signer un accord d’unité. Il va de soi que
la Fraternité Saint Pie X est en réel opposition avec des points décisifs de l’enseignement
de Vatican II et des papes successifs. Plusieurs fois, elle a mis en doute l’orthodoxie
de François ; l’accusation est grave.
Mais le Christ n’est-il pas notre paix, notre unité, notre
communion ? Oui, c’est compliqué de manger à la même table que celui qui
représente tout ce que nous ne voulons pas être. Mais non seulement, c’est un
frère, plus encore, il prie le même Seigneur que nous…
Plutôt que de se mettre autour d’une table et de discuter à
perte de vue pour tenter de se mettre d’accord sur le fond, plutôt que de
tailler dans le vif et d’exclure certains, plutôt que de chercher à convaincre
l’autre à ses propres thèses, une seule solution selon Paul (1 Co 2, 1-5) dénoncer la vanité
de ces querelles, aussi importantes qu’elles nous paraissent, et sans doute à
juste titre. « Mon langage, ma proclamation de l’Évangile, n’avaient rien
d’un langage de sagesse qui veut convaincre. »
Dans les conflits, comment Jésus a-t-il fait ? « Parmi
vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie
crucifié. » Il n’y a pas d’autres solutions pour l’unité dans la charité
que le chemin du serviteur, du renoncement, non que l’on renonce à ce que l’on
pense juste, mais que c’est en le considérant moins important que l’unité que l’on
témoigne de la vérité de ce que l’on pense. Il est des manières d’avoir raison
qui donnent tord, il est des manières de ravaler ce qui nous est le plus cher
qui donnent raison. Nous le savons en famille, dans le couple, ou entre amis.
Non, on ne peut être d’accord avec les intégristes ;
leur conception de la foi et de la société est inacceptable, contraire à l’évangile
sur certains points, c’est sûr. Mais n’avons-nous pas le même Seigneur qui fait
de l’amour du prochain un commandement semblable à celui de l’amour de Dieu ?
L’unité ne se fait pas dans l’uniformité (pas une oreille qui dépasse) mais
dans la communion, c’est-à-dire dans l’amour jusqu’à celui des ennemis. Alors si
ce sont des frères… Mais si la communion est possible avec les intégristes,
alors, elle le sera aussi avec les Protestants et les Orthodoxes qui, avec nous,
y consentirons.
Non, on ne peut être d’accord avec la théologie de la sexualité
et du mariage non seulement du Cardinal Müller mais de Jean-Paul II lorsqu’elle
est contraire au commandement du Seigneur de prendre soin des membres les plus faibles
et de leur conférer plus d’honneur qu’à ceux qui n’en ont pas besoin, à
supposer que justement, on pense les divorcés remariés, les transsexuels et
homosexuels comme des membres qui manqueraient à la dignité de la vie sexuée et
familiale.
Notre foi ne repose pas sur notre sagesse, mais sur la
puissance de Dieu. Elle ne peut qu’être signe
de contradiction, ainsi que Siméon le dit de Jésus. Le signe de contradiction
n’est pas pour ceux qui sont hors de la maison, hors de la communion, mais pour
nous, dans la communion ecclésiale même.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire