Quand
Jésus s’est-il rendu compte que sa manière de comprendre la vie humaine le
mettait en danger, lui et ses disciples, par rapport aux pouvoirs politique et
religieux ? Sa compréhension de la foi, de la vie en société, du rôle de
chacun vis-à-vis du prochain semblent assez vite l’avoir posé en porte-à-faux,
non de façon circonstancielle mais structurellement, puisque ceux qui seraient
ses disciples étaient menacés de la même violence.
La
figure du prophète assassiné ou pour le moins persécuté se rencontre plusieurs
fois dans les Ecritures avec Elie qui fuit Jézabel et Achaz, avec Jérémie que l’on
jette dans une citerne pour s’en débarrasser, avec la mort de Zacharie,
personnage assez inconnu, entre le temple et l’autel comme le dit Jésus.
Jésus
semble avoir conscience assez rapidement que ce qu’il pense et vit le met en
danger. Le conflit ne pourra pas se régler par un peu d’eau dans son vin, parce
que l’amour du frère, le service du frère, ne tolère aucune limitation, aucun
compromis. Pour Jésus, comme pour ses disciples, l’autre est un absolu avec
lequel on ne saurait transiger, parce que le visage de l’autre est le Sinaï où
se révèle son Dieu et père.
La
vie des frères concerne Dieu lui-même, puisque tout homme a été créé à son
image et ressemblance, de sorte qu’autrui ne peut qu’être toujours aussi une
fin, et jamais seulement un moyen. S’il y a des choses avec lesquelles il faut s’arranger,
parce que la vie, dans les circonstances de l’histoire, n’a pas la simplicité
naïve et coupable d’un « y’a qu’à » « faut qu’on », ce sera
tout le reste mais pas cela. Autrui est reconnu comme une fin, autrui est
inaliénable parce qu’il est à l’image du créateur, la vie d’autrui est sacrée c’est-à-dire
qu’elle concerne Dieu au premier chef.
Il
faut que la prééminence du frère soit totale ou alors elle n’est pas. Jésus ne
répond pas à la question « qui est mon prochain ? » A déterminer
le prochain, on le choisit, et partant, on a déjà exclu certains, ce qui ne se
peut. Jésus retourne la formulation. « De qui le samaritain s’est-il
montré le prochain ? » Autrement dit, tu n’as pas à choisir ton
prochain, mais débrouille-toi à faire en sorte que tout homme puisse trouver en
toi un prochain.
Oui,
il y a une radicalité de la religion, et même du christianisme. Il ne peut y
avoir de foi et d’évangile sans radicalité. Mais la radicalité de Jésus n’est
pas une doctrine qu’un pouvoir permettrait de défendre, fût-ce par la violence.
La radicalité de Jésus est celle du service, jusqu’à la mort, le cas échéant.
La radicalité évangélique est contraire à la puissance, et l’on sait combien l’inquisition,
les croisades, les guerres de religions et autres abus de pouvoirs
contemporains sont contre-témoignage. La radicalité évangélique, si elle
conduit à la mort, c’est à celle du disciple. Mais veille encore le Père :
« même les cheveux de votre tête sont tous comptés ».
Certes,
il ne suffit pas d’avoir des ennemis pour avoir raison, il ne suffit pas d’être
persécuté pour être dans le vrai. Mais que serait une vérité pour laquelle on ne
s’engagerait pas totalement ? Ce qui ne justifie pas que l’on donne sa vie
a peu de chance d’être vrai.
La
vérité dont il s’agit avec Jésus, celle pour laquelle il est mort, cœur de son
enseignement, réside en ceci : il n’y a qu’un commandement, l’amour de
Dieu de tout son cœur, de toute sa force et l’amour du prochain. Parce que c’est
l’autre au service duquel Jésus se met, le Père et les frères, la radicalité
évangélique ne peut être source de la violence, seulement, parfois, cible de la
violence.
Nous
n’allons évidemment pas chercher le martyre. Mais si jamais notre vie n’est en
porte à faux à cause du prochain que le Père a adopté comme son enfant
bien-aimé, pouvons-nous nous dire disciples de Jésus ?
Jésus
se prépare à être le prophète assassiné, non par masochisme ou parce qu’il
serait suicidaire. Seulement par fidélité. Défendre l’autre le mettait parfois en
danger, protéger la vie de l’autre, c’était pour Jésus donner sa vie. Et pour nous ?
Il me semble,et je dis bien :il me semble,que vous réduisez le Christ à un héros humain absolument admirable certes, mais pas du tout le Fils de Dieu. Par ailleurs dans la citerne n'est-ce pas plutôt Joseph que Jérémie qui a subi cet enviable sort?
RépondreSupprimerC'est facile, vous tapez sur internet Jérémie et citerne, et vous trouvez. Encore faut-il imaginer que l'on puisse ne pas tout savoir...
RépondreSupprimerMais voilà, vous savez.