14/08/2020

L'Eglise n'est pas à elle seule le peuple de Dieu (20ème dimanche du temps)

La lecture continue de la lettre aux Romains, dans les chapitres que nous parcourons, livre la réflexion de Paul sur les Juifs, ses frères selon la chair. Je ne sais qui d’entre nous est préoccupé par l’existence des Juifs, qui dans sa foi est provoqué par leur présence ? En quoi l’existence du peuple de la première alliance est-elle importante pour l’Eglise ? Alors que l’on peut penser que l’antisémitisme et l’antijudaïsme ont été abandonné par l’Eglise, en quoi le peuple de la première alliance est-il d’actualité pour les chrétiens, en quoi concerne-t-il notre foi, en quoi serait-il indispensable pour la vie chrétienne ?

Je ferai trois remarques. La première, directement reprise à l’épitre de Paul. « Les dons gratuits de Dieu sont sans appel et sans repentance. » La mission confiée à Israël demeure à jamais, témoignage en faveur de l’unique Dieu qui se fait connaître dans une loi de sainteté, signe de la bénédiction pour tous de ce Dieu.

Jésus n’a jamais envisagé de créer une nouvelle religion. Jésus n’a jamais envisagé une autre manière de vivre que celle de son peuple. Les premiers chrétiens étaient quasiment tous Juifs. Le judaïsme tel que nous le connaissons n’est pas plus ancien que le christianisme. Ils sont nés ensemble, dans le traumatisme de la destruction du temple de Jérusalem, une quarantaine d’années après la mort de Jésus.

Ce que l’on appelle aujourd’hui judaïsme et christianisme sont deux chemins en réponse à un appel irrévocable, sans repentance, être pour tous les peuples bénédiction et témoin de la bonté de Dieu. La mission des Juifs ne s’est pas arrêtée avec Jésus. Sans rien demander à personne, même non-croyant, les membres du peuple Juif sont témoins de ce que l’homme, dans son autonomie même, appelle une altérité, celle de Dieu qui divinise celle du frère. De même qu’on aimera le Seigneur de tout son cœur et son intelligence, on aimera son prochain comme soit même.

Deuxième remarque, la création de l’Etat d’Israël en 1948 conduit à l’occupation depuis plus de soixante-dix ans de la Palestine. Loin de se régler, le conflit ne cesse de susciter violence et injustice. Le gouvernement actuel d’Israël avec sa politique quant aux Palestiniens n’est pas acceptable. Certes, l’on ne confondra pas le peuple Juif comme concept théologique et l’Etat d’Israël comme entité politique. Mais ce n’est pas aussi évident que cela tant que le don de la terre est considéré non comme un mythe, ou un thème théologique, mais comme une justification divine d’une idéologie politique inadmissible.

Le mythe de la terre est critiqué dès la Genèse. Abraham ne reçoit pas la terre qui lui est promise. Moïse n’y entre pas et n’en prend pas possession. L’école deutéronomiste s’oppose à ceux qui tentent de faire entrer le livre de Josué, le livre de la conquête, dans la Torah. La Torah s’achève sans la terre.

Nos Ecritures, celles que nous avons en partage, sont porteuses de vie. Etre bénédiction pour tous les peuples, être témoin de ce que personne n’est le tout et que tous ont besoin de l’autre, non comme moyen, mais comme ab-solu, détaché, autre inaliénable, quelle que soit la mythologie du don de la loi, demeure une exigence. L’oppression des frères, et même des ennemis, et même de l’étranger qui réside chez nous ‑ à admettre que ce soit d’ailleurs le cas en Israël ‑ est contraire à la loi de sainteté. « Si un étranger réside avec vous dans votre pays, vous ne le molesterez pas. L’étranger qui réside avec vous sera pour vous comme un compatriote et tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers au pays d'Égypte. Je suis le Seigneur votre Dieu. »

Troisième remarque qui explique, parmi d’autres causes, la haine coupable et séculaire des chrétiens envers les Juifs. L’Eglise n’est pas le nouveau peuple de Dieu ; elle n’est pas à elle seule le peuple de Dieu. L’Eglise n’a pas remplacé Israël. L’Eglise n’a pas reçu une alliance qui rend caduque la précédente, car les dons de Dieu sont sans repentance.

Puisque le peuple de la première alliance demeure, la mission de l’Eglise, sa prétention à faire de toutes les nations des disciples, est impossible dès le début. Les Juifs marquent pour l’Eglise la figure de l’autre, inassimilable. Tant que l’Eglise vivra l’autre comme une blessure narcissique, non seulement elle n’en aura pas fini avec la violence contre les Juifs, mais elle sera incapable de vivre la loi de sainteté. Dans le contexte de globalisation qui est aussi fragmentation, le peuple de la première alliance est pour l’Eglise le chiffre de sa relation avec les autres, avec ce qu’elle n’est pas. L’Eglise ne peut être à elle seule, quoi qu’il en soit du salut universel en Jésus, le peuple de Dieu.

1 commentaire:

  1. Nous récitons chaque jour notre credo: "je crois en l'Eglise, Une, Sainte, Catholique. Je reconnais un seul baptême" qui fait de nous les enfants de Dieu et nous greffe à la seule Eglise du Christ dont elle est le Corps mystique. St Paul nous enseigne que Notre Seigneur ne conserve pas mais aboli les divisions et les anciens préceptes juifs par son sacrifice sur la Croix. Il n'y a plus qu'un seul peuple: "Des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine, en supprimant les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Il voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul Homme nouveau. Les uns comme les autres, réunis en un seul corps.[...] Vous êtes citoyens du peuple saint, membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes; et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même" (Éphésiens 2). Cette "construction qui a pour fondation les apôtres" et qui abrite les "citoyens du peuple saint" est donc bien la seule Eglise du Christ dont il est "la pierre angulaire" et à qui l'Esprit-Saint a été envoyé le jour de la Pentecôte avec la mission: "de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit"(Mt 28, 19)...
    Un seul peuple de Dieu donc, peuple de baptisés, l'Eglise catholique, c'est-à-dire universelle!

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