23/04/2021

Marginaux de et dans l'Eglise (4ème dimanche de Pâques « des vocations »)

Ce n’est pas le prêtre qui célèbre la messe, mais l’assemblée, l’Ecclesia ; sans elle, le prêtre n’a aucun pouvoir. C’est l’Eglise qui agit in persona Christi. (Vatican II le reconnait mais recourt, subrepticement, à l’expression non traditionnelle de Christ-tête pour sauver une spécificité du presbytérat, quelque chose que les autres ne seraient pas ou n’auraient pas.)

Ce n’est pas le prêtre qui est chargé de l’évangélisation, mais la communauté. Que serait notre Eglise si chacun d’entre nous, d’abord par son style de vie, n’était pas messager de la Bonne nouvelle, tâchant de répondre à la vocation universelle à la sainteté ?

Faut-il alors penser que la spécificité des prêtres résiderait dans le gouvernement des communautés ? Cela correspond bien à l’émergence des anciens (prêtres) et des veilleurs (épiscopes) aux origines de l’Eglise, mais laisse dans un angle mort le rapport entre cette présidence et celle des sacrements. (Pour échapper à la définition sacrale des prêtres, de bons théologiens avancent ce rôle organisationnel, institutionnel, vis-à-vis de la communauté.)

Il faut bien que la communauté soit un minimum organisée. La hiérarchie pourrait être l’expression de cette organisation, non un pouvoir, ce qui permettrait de penser les ministères selon leur étymologie, des services (diaconies). L’habitude démocratique et la revendication générale que tous ceux qui sont concernés aient leur mot à dire font de la tâche d’organiser l’assemblée une modération (le mot se trouve dans le droit canonique). Modérer c’est permettre à tous de s’exprimer sans oublier personne ; c’est aider à rechercher le consensus ; c’est rappeler qu’aucune communauté ne peut se penser sans la catholica, voire l’oikoumènè, la totalité de l’Eglise. Cela convient bien à ce que l’on appelle la synodalité.

Dans une paroisse par exemple, on a besoin de quelqu’un qui tienne la communauté ouverte, qui présente la porte de la communauté à laquelle on peut sonner et coordonne les différentes activités, notamment caritative. Mais les secrétariats paroissiaux ou les laïcs en mission ecclésiale, voire tel chrétien repéré par les gens, font ils autre chose ? Aïe ! on pensait avoir trouvé une définition des prêtres et un secrétariat la renverse. (Penser les prêtres ou l’évêque comme des secrétaires généraux n’est pas insensé, du moins à titre descriptif.)

Peut-être faut-il constater l’impossibilité de dire la spécificité du ministère ordonné. Après des siècles où on le pense selon le modèle sacerdotal de la potestas sacra, Vatican II l’a réinscrit à l’intérieur des communautés. On passe d’une théologie du sacrement de l’ordre, sacerdotale, à celle presbytérale des ministères de et dans les communautés. Mais le concile n’a pas abouti car il n’a pas su renoncer au modèle sacerdotal. C’est la source de la schizophrénie catholique contemporaine repérable en ecclésiologie, dans la théologie des ministères et celle de l’eucharistie, d’où les tensions extrêmes jusque parmi les cardinaux.

Dès que l’on essaie de dire ce qu’est le ministère presbytéral, on constate que rien ne le distingue de la vocation baptismale, si ce n’est la célébration de l’eucharistie et de la pénitence. C’est à la fois heureux, parce qu’être prêtres n’a de sens que dans le cadre de la vocation baptismale, à la fois terrible parce que l’on ne sait dire ce que sont les prêtres qu’à entrer dans la logique de la séparation, le chaman qui fait le sacré, sacerdotale, cléricale.

Et si c’était la caractéristique des ministères de n’avoir pas de caractéristiques. Un prêtre, c’est comme tous les chrétiens. Il est autre, comme chacun, mais un autre qui ne doit, parce qu’il ne le peut, recevoir aucune détermination ou identité, contre distingué des autres spécificités, l’élément neutre des mathématiques, une sorte de néant, anéantissement, minus. Cela vaudrait y compris pour ceux qui ne sont pas responsables de communauté, aumôniers ou prêtres "au travail" par exemple.

Les ministères, et singulièrement les ministères ordonnés, inscrivent l’autre dans la communauté. Non pas comme représentant de l’Autre, alter Christus : c’est le rôle de la communauté sacerdotale ; ni mis à part, séparé en raison d’un être sacré, comme les baptisés dans le monde. L’autre avec un petit a, l’autre passe-partout, la différence. Différance où l’on entend l’errance de qui ne peut s’accrocher à aucune identité ; qui empêche que les problèmes humains ne se referment sur eux-mêmes, à l’abri de tout questionnement, pour que personne ne soit exclu ou au contraire trop rapidement assimilé. L’Eglise n’est ni secte, ni village gaulois coupé du monde, ni mondialisation uniformisante, mais Pentecôte des nations.

Tout baptisé doit en avoir le souci. Mais ne convient-il pas qu’il y ait en quelque sorte des professionnels, compétents ? Sans eux, sans elles ‑ pourquoi donc faut-il que ce ne soit toujours pas une évidence ? ‑ on ne peut être l’Eglise, mais ils ne sont pas l’Eglise, seulement la fonction d’altérité, l’autre de l’autre, une marginalité.

Si prêtres et évêques étaient les marginaux de et dans l’Eglise, cela donnerait quoi ?

 

 

 
- Jésus, unique pasteur, tu prends soin de ton peuple puisque ses chefs sont les mercenaires que le Père dénonce. Que les Eglises se laissent conduire sur le chemin de la croix pour te désigner en transparence.
- Jésus, unique pasteur, tu dis non à la violence, physique ou idéologique et à la recherche de profit personnel de ceux qui gouvernent. Que les dirigeants des pays travaillent à la paix dont le monde a besoin.
- Jésus, unique pasteur, tu veux pour tous la vie en abondance. Nous te prions pour les jeunes au moment de choisir leur avenir. Qu’ils considèrent chacun comme leur frère ou sœur et vivent ainsi en disciples de l’évangile.
- Jésus, unique pasteur, tu établis chaque baptisé ministre de ta sainteté. Que chacun de nous réponde à sa vocation, la liberté d’être soi avec et pour les autres.

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