01/07/2021

Le baptême, un discours sur le divin

Pour deux baptêmes

Quand on se met à réfléchir à ce qu’est Dieu, la réflexion est vite périlleuse. On comprend que le philosophe soit insatisfait des racontars mythologiques, ait besoin de faire le tri. Historiquement, il semble avoir apporté un peu de clarté : Il vaut mieux dire que Dieu est bon plutôt que tout puissant ; la cause finale meut par amour.

Mais lorsqu’il s’agit d’élaborer à partir d’une table rase, on en vient à des élucubrations plus froides encore que la cause finale et ineptes. Il semble alors préférable d’en revenir aux histoires, de raconter des histoires, au risque de renouer avec le mythe : « même l’amour des mythes est, en quelque manière, amour de la sagesse ».

« Le semeur sortit pour semer. » Laissons nous surprendre par le merveilleux ou l’étonnant. Existe-t-il un métier de semeur, de semeur professionnel ? Il n’existe que des gens qui consentent à semer pour récolter. On les appelle moissonneurs. Mais dans notre histoire (Mc 4, 1-9) il n’est pas question de moisson, seulement d'un semeur.

Pour un professionnel, le type n’est pas terrible. Il en met partout, même là où évidemment, rien ne pourra produire. La moisson ne semble vraiment pas son problème. Qui donc est-il celui qui n’est préoccupé que de semer ? La prodigalité, la gratuité, le don le caractérisent. Il ressemble à des parents, enfin pas n’importe lesquels. Il ressemble à l’amant ou l’ami, enfin pas n’importe lequel.

N’en a-t-on pas dit beaucoup sur Dieu avec cette histoire de rien du tout, qui n’a ni le sérieux du concept, ni le piquant des mœurs olympiennes ? Matthieu prend le temps de dire qu’il s’agit de la parabole du semeur. Pourtant notre lecture habituelle en fait la parabole des terrains, se débrouiller à être un bon terrain, parler de nous, et nous sommes forcément de ceux qui produisent, plutôt que de la prodigalité divine, passer à côté de Dieu.

Qu’il faille produire du fruit peut-être, encore que le collapse planétaire montre les limites, pour beaucoup incroyables, auquel mène la productivité. Et si nous nous étonnions, émerveillions de ce qu’il ‑ son nom n’est pas prononcé, histoire d’échapper au mythe ‑ n’existe qu’à s’offrir. Alors, nous serions au cœur de ce que nous célébrons, le baptême, le plongeon dans le don qui fait vivre, dans l’amour qui fait vivre.

Ces élévations mystiques manqueraient de pertinence et de justesse à ne pas transformer nos manières de penser, à ne pas nous convoquer à la conversion. C’est que l’amour comme don n’est réservé à personne mais s’offre à tous, ou plutôt est réservé à tous, chacun et ensemble, de sorte qu’il nous unit en un corps (1 Co 12, 12-13).

Si nous restons hermétiques aux discours sur le divin, nous pourrions au moins changer nos modes de vie, faire du don, semer, le règle de nos journées. Où l’on perçoit que finalement, il est plus facile de réciter un catéchisme que de laisser sa vie être changée par la logique du don, la logique évangélique. C’est pourtant bien dans la gratuité, dans la grâce que nous plongeons ces enfants. Ils ne pourront l’être que si nous nous mouillons avec eux.

 

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