23/09/2022

Table du riche et table riche Lc 16, 19-31 (26ème dimanche du temps / Journée des migrants et réfugiés)

« Tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. » Faut-il prendre au premier degré ce morceau de dialogue parabolique ? La théologie de la rétribution serait-elle accréditée de la façon la plus claire, et autorisée comme prédication de Jésus ?

Comme dans le livre de Job ‑ autre histoire d’un affamé couvert d’ulcères et abandonné de tous ‑ la scène hors-champs relève du conte et ce n’est pas le conte qui doit être retenu, mais ce qu’il désigne. Fonctionnement parabolique ordinaire. Le texte ne parle pas de la vie post-mortem, mais d’un ressuscité qui ne convaincrait pas ceux qui n’écoutent pas Moïse et les prophètes.

Le merveilleux n’est en rien un ressort pour s’engager, se déterminer. La visite, la visitation, d’un « ressuscité d’entre les morts » n’oppose pas de preuve contraignante. Nous qui célébrons chaque dimanche la résurrection du Seigneur, nous en savons quelque chose. La résurrection de Jésus nous fait-elle écouter Moïse et les prophètes ? Nous ne valons pas mieux que ceux qui nient la résurrection ; eux la congédient par a priori ; nous, nous risquons de la nier dans les faits, puisque ce qu’elle annonce et réalise ne change en rien nos vies, puisque sa force de vie, nous n’en tenons pas compte, nous l’abandonnons à la mort.

Pouvons-nous écouter Moïse et les prophètes ? Les deux extraits d’Amos, aujourd’hui et dimanche dernier, malgré la force rhétorique du texte, ne nous empêchent pas de dormir, ne nous convertissent pas. Nous n’en avons rien à faire. En cette journée mondiale des migrants et réfugiés, qu’avons-nous fait du troisième livre de Moïse. « Si un étranger réside avec vous dans votre pays, vous ne le molesterez pas. L'étranger qui réside avec vous sera pour vous comme un compatriote et tu l'aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers au pays d'Égypte. Je suis le Seigneur votre Dieu. » (Lv 19)

Nous croyons si peu la résurrection de Jésus que non seulement le racisme ordinaire ne nous révolte guère ‑ quand il n’est pas notre fait ‑ mais que nos lois sont discriminatoires, déchoient l’étranger sans papier de son humanité, le traitent comme un paria, à peine un homme, contredisant les conventions internationales que le Pays des droits de l’homme ‑ sic ! ‑ est fier d’avoir signées, s’engagent la main sur le cœur à défendre, parce qu’il en va de nos valeurs ‑ sic ! ‑, notre identité ‑ le mot est lâché ‑, ce qui nous distingue des Etats barbares.

La question de l’hospitalité constitue l’ossature de notre parabole appuyée sur le vocabulaire du repas. (Nous lisons le texte à la double table à laquelle nous prenons part en ce moment, celle de la Parole et de l’eucharistie). La table est le lieu de l’hospitalité, au moins dans notre culture. Inviter quelqu’un à sa table, c’est l’accueillir chez soi, dans sa maison.

Dans la parabole, il y a la maison du riche et le lieu qui n’en est pas un, la porte, le dehors sans chez-soi, où se trouve Lazare. Il y a les festins somptueux et la faim de celui dont les ulcères sont le festin des chiens. Il y a le sein d’Abraham, foyer accueillant comme la poitrine nourricière d’une mère, et la terre de l’oubli où l’on dépose ceux dont même le nom n’a laissé aucun souvenir. Dans la parabole, il est question de boisson, même si c’est une seule goutte d’eau sur le bout du doigt. Il y a le lieu de la consolation, ici, et celui de la souffrance, l’un et l’autre habités. Il y a « la maison de mon père », reflet mensonger d’une maison paternelle, de la maison du Père, aussi fermée à une admonestation qu’à la charité et au partage, du temps du riche comme du temps de ses frères. Même dans la scène hors-champ, Lazare demeure le larbin à qui l’on ordonne de désaltérer et avertir les panses repues ; les velléités de conversion ne sont que paroles.

L’hospitalité est une résurrection, pour les migrants, on l’espère, pour nous aussi. La vie du Jésus irrigue nos veines et nous sommes vivants. Ce n’est pas une récompense post-mortem, mais la vie éternelle. Ici, maintenant. Cela ne s’apprend qu’à être pratiqué. L’hospitalité permit à Abraham de recevoir Dieu sans même qu’il le sût. C’est une chance qu’il y ait des migrants, nombreux, sans cesse. Pour eux, si une vie meilleure est possible. Pour nous car par eux frappe à notre porte l’admonestation de celui qui est ressuscité d’entre les morts.

Lazare nous est offert pour frère, hôte et non étranger ou ennemi. La fratrie n’est plus incomplète ‑ six ‑ et menacée par la mort ‑ cinq ‑ ; c’est la fraternité de l’unique sainteté hospitalière, celle de Jésus. Au banquet où Dieu lui-même se donne, nous rendons grâce, nous faisons eucharistie de ce que Dieu nous fait vivre en vie éternelle. 

2 commentaires:

  1. Je suis à 100% en accord avec cette méditation homélie. J’en indique le lien suite à mon homélie.

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    1. Vous pourriez laisser l'adresse électronique de votre homélie.

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