12/05/2023

Deux assistants de vie / Jn 14, 15-21 (6ème dimanche de Pâques)

 

Jésus est la Samaritain qui conduit celui qu'il assiste.
Cathédrale de Chartres (vers 1210)

« Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. » (Jn 14, 15-21) Avons-nous besoin d’un défenseur ; contre qui nous défendrait-il ?

Le terme utilisé par l’évangile est intraduisible au point que, souvent, on se contente de le transcrire, paraclet. Il désigne une personne appelée à se tenir à côté, et dans un contexte juridique, un avocat, d’où la traduction liturgique, peu heureuse, de défenseur. On préfère parfois dire aide, ou consolateur. Peut-être pourrait-on avancer conseiller. Je trouve que assistant ne va pas mal. Son rôle semble être de rappeler ce que Jésus a dit (Jn 14, 26) ; on dit d’un avocat qu’il assiste son client ; il y a des assistants, ceux que l’on appelait secrétaires, mais aussi des assistants de vie, qui ont été appelés aux côtés de qui n’arrive pas à se débrouiller seul.

Le terme n’est utilisé que par Jean, quatre fois seulement. On comprend avec notre extrait qu’il y a deux assistants, Jésus et l’« autre défenseur », l’Esprit. La Première lettre de Jean reprend une fois le terme : « Si quelqu’un vient à pécher, nous avons un défenseur auprès du Père, Jésus Christ, le juste. » (1 Jn 2, 1) C’est surtout cette occurrence qui invite à traduire par avocat. Pécheurs, nous serions sur le banc des accusés, et Jésus nous assisterait devant Dieu.

Evidemment, cette manière de voir est insupportable. Le Père n’est pas un accusateur. S’il est juge, c’est pour nous relever, et d’avocat, il n’est pas besoin. Nous n’avons pas de défense à présenter car le jugement n’est pas à craindre, il est notre espérance. Etre enfin libéré du mal, en premier lieu en nous. Jésus le juste nous introduit auprès du Père, nous oriente vers le Père (pros ton patèra), comme il est lui-même tournée vers Dieu (pros ton Theon).

L’évangile (Jn 10) dit bien le rôle de Jésus : il est la porte, celui par qui l’on passe. Il est l’accès au Père, non que le Père se protège de nous dans un royal isolement, mais que « pour les hommes, c’est impossible ». Pour les hommes, s’approcher de Dieu est impossible. C’est seulement parce que Dieu s’approche de nous qu’il nous est possible de vivre de lui. Le péché n’est qu’un signe de l’impossibilité. Mais qui sommes-nous pour nous approcher de Dieu. Heureusement, il se fait proche de nous. Jésus n’est donc pas avocat, mais passeur, assistant de vie. Par lui, avec lui et en lui, l’humanité accède à la vie de Dieu, de sorte que, même pécheurs, nous avons par Jésus, le juste, accès à la bonté de Dieu qui veut notre vie.

Ce premier assistant qu’est Jésus pour nous est l’un d’entre nous, travaillé par la sainteté, ouvragé comme le saint, au point que les disciples reconnaissent en lui la vie, la parole, l’existence, l’être de Dieu. C’est ce que nous venons de lire : « Vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. »

Il est des rencontres, il est des personnes dont la bonté, la grandeur humaine, font toucher Dieu. Jésus en est. Assurément l’est-il d’une manière exceptionnelle. Faut-il aller plus loin pour exprimer la foi des disciples ? Peut-être. Mais il se pourrait que ce ne soit pas de notre ressort car « pour les hommes, c’est impossible ». Pour voir Jésus vivant aujourd’hui, dans les rencontres et les personnes, un autre assistant nous est indispensable.

Ouvrir nos yeux à la vie, même dans l’enfer de la mort, de la guerre, de la faim ; nous faire toucher la grandeur de ceux que Dieu aime, même dans une prison ; ouvrir nos oreilles à la parole de Jésus, même dans le bruit assourdissant des préoccupations et de la coursive ; donner le goût de bâtir un monde fraternel, même lorsque l’on est dégoûté de tout ; faire sentir la bonne odeur du Christ, même quand nos péchés puent. Voilà ce que fait celui qui « demeure auprès de [nous] » pour que nous vivions comme Dieu le désire, pour vivre comme Dieu.

Vivre ici la vie de Dieu. Rien que cela ! N’est-ce pas impossible pour les hommes ? Et pourtant, nous avons un assistant de vie. Après que Jésus a montré le chemin, la vérité et la vie par tout son être, l’Esprit en nous est la sainteté de Jésus parce qu’il est son Esprit, l’Esprit en nous est vie de Dieu, altissimi donum dei, don du Dieu plus grand, du Dieu plus autre. Autre que lui-même, et il est en nous ; autre que nous-mêmes, et nous sommes en lui. Les versets suivants le disent : « Demeurez en moi comme moi en vous. […] Comme le Père m’a aimé, moi-aussi je vous aime : demeurez en mon amour. » (Jn 15,.4. 9)

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