08/12/2023

« Commencement de l’Evangile de Jésus Christ, [Fils de Dieu]. » Mc 1, 1 (2ème dimanche de l'avent)

Codex de Beze (fin IVe début Ve) Première page de Marc

Alors que commence l’année liturgique, nous lisons les tout premiers mots de l’évangile. Et le premier verset, cinq mots, est à lui seul une énigme.

On pourra assez facilement trancher quant à la formule initiale. Il est fort probable en effet que « Fils de Dieu » ait été ajouté ultérieurement, même si c’est très anciennement. Tous les manuscrits ne le portent pas. Chez Marc, l’expression est présente seulement trois autres fois, dont deux dans la bouche d’un possédé. Dire de Jésus qu’il est fils de Dieu est l’affaire des démons, et Jésus leur ordonne de la fermer. Dire que Jésus est Seigneur sans changer sa vie est sacrilège. Et qui peut prétendre que sa vie est vraiment changée par Jésus ?

La dernière occurrence est placée sur les lèvres du centurion, à la croix, qui constate la mort de Jésus. Il prononce la profession de foi, lui seul dans l’évangile. Les disciples ont fui et les femmes, toutes tremblantes, ne disent rien à personne. Un étranger (non-disciple, non-Juif, d’une armée d’occupation) est le seul chrétien du texte ! C’est au terme de la lecture, au terme du trajet, au terme de la conversion que la confession de foi est possible et sensée. Avant, elle n’a pas sa place. Plus qu’attribuer à Jésus le titre de Fils de Dieu, importe la condition d’une telle attribution, une conversion, une suite.

« Commencement de l’Evangile de Jésus Christ. » Qu’est-ce qu’un évangile ? Le mot ne désigne pas un texte, un des quatre évangiles ou un apocryphe, avant le milieu du deuxième siècle. Le mot (et sa racine) se trouve dans la version grecque du Premier testament et dit l’annonce d’une bonne nouvelle. L’évangile est une annonce. Ce que l’on ouvre avec le livret de Marc n’est pas un document, un écrit, un message, mais un acte, une action.

Et encore, le début seulement d’une annonce. Se pose la question de savoir où se trouvent la suite et fin. Nulle part ailleurs dans le livret, on ne parle de suite de l’évangile, de fin de l’annonce. Ce premier verset ouvre les temps nouveaux. Des mots prononcés il y a deux mille ans se propagent jusqu’à l’aujourd’hui de chaque temps, dans une suite toujours recommencée de l’annonce d’une bonne nouvelle.

Il faudra lire le livret pour savoir ce qu’est cette annonce. Chacun pourrait se demander ce qu’il en dirait, en une phrase. Mais ce ne sont pas tant des mots qui importent que des vies transformées, converties, ou alors nous serions comme les possédés, sacrilèges. L’annonce, commencée il y a si longtemps se poursuit par et dans des vies, celles d’hommes et de femmes relevés, debout, revenus de toute forme de morts, ressuscités. Plus que le commencement, cest le « Principe de l'évangile de Jésus Christ. »

L’évangile de Jésus est-il l’annonce que fait Jésus par toute sa vie, ou l’annonce que l’on fait à propos de Jésus ? Rien ne permet de trancher. Théologiquement, je préfère la première option. L’évangile est le fait de Jésus. Sa personne manifeste un visage de Dieu tellement inouï que cela transforme l’humanité et le monde, que cela rend à la vie toute sa force, y compris sur la mort. L’évangile de Jésus Christ est l’annonce que fait Jésus.

Il est vrai, en racontant cette bonne nouvelle d’un Dieu de vie, on identifie l’annonce, l’évangile avec la personne même de Jésus, de telle sorte que l’évangile est aussi ce que l’on dit de Jésus. En effet, son mode de vie est transformation du monde, est vie de l’humanité comme projet d’un Dieu qui veut l’homme vivant. Le livret de Marc ne peut être qu’un commencement parce que l’évangile n’est pas un texte mais ce que fait Jésus dans nos vies.

Reste à parler de Christ. Là encore une énigme, tant le sens de la messianité varie selon les époques. Aujourd’hui, que Jésus soit Messie ou Christ, ce n’est pas sûr que cela fasse sens. C’est davantage une façon de relire les Ecritures, ce que fait le texte de Marc dès le verset suivant. Il y a une telle nouveauté en Jésus, une telle nouveauté dans le commencement qu’il est, que son rapport à Dieu peine à trouver un mot adéquat. Christ exprime l’originalité de Jésus dans son rapport à Dieu et partant à l’humanité. Il est l’indice d’une nouveauté, d’un inouï plus que cette nouveauté. Là encore, c’est toute sa vie, et le texte en sa totalité, et tout ce qu’il suscite de conversion depuis le commencement, qui éclairent ce qui n’est en ce premier verset qu’une énigme.

Puissent les cinq mots qui ouvrent le texte éveiller notre attention, nous garder attentifs à ce qui advient depuis ce commencement qu’est Jésus, lui qui fait toutes choses nouvelles.

 

 

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