22/12/2023

Esclavage du Seigneur (4ème dimanche de l'avent)

Robert Guinan, Ravenswood IV (1985)
 

Servante du Seigneur. Esclave du Seigneur. Ainsi la réponse de Marie. Qui veut être disciple ? Qui veut accueillir en son sein le Fils du Très-haut ? Qui donnera à la terre de donner son fruit ? Seuls des esclaves.

Pour les maîtres, c’est impossible.

Et qui sont les maîtres ? Ceux qui maîtrisent, leur vie, les routes et le flux migratoires, la vie des autres. Voter une loi contraire à la constitution ainsi que le dit elle-même la cheffe du gouvernement. Même la constitution, on s’assied dessus et l’on décide de textes qui lui sont incompatibles. Pour qui se prennent-ils ces maîtres ?

Esclave du Seigneur. Et ce Seigneur lie son sort aux humiliés, aux exclus, lépreux, femmes adultères, étrangère syro-phénicienne, Zachée que sa cupidité réduit à une si petite taille et à l’animalité pour grimper aux arbres, centurion romain qui supplie pour son favori à l’article de la mort, mère célibataire vouée comme son enfant à l’opprobre que Joseph vient justifier de sa justice.

L’esclavage du Seigneur, c’est l’esclavage des frères. On peut tourner l’évangile dans tous les sens, l’attachement au Seigneur qui piétine le frère est un sacrilège, un mensonge. Il n’y aura pas de mages venus de loin à la crèche cette année, arrêtés aux frontières, noyés dans la mer, enfermés dans les centres de rétention sur simple décision administrative. Enième épisode d'un Occident qui encore et toujours confisque. Le voilà désormais sommé de partager, mais préfère, parce qu'il ne peut pas les tuer tous dans la mer ou les violences policières, humilier ceux qui vivent et parfois sont nés en cet Occident mais qui hier ou avant-hier, ne s'y trouvaient pas.

L’esclavage du Seigneur, c’est quand on ne décide pas à qui l’on vient en aide, mais que s’impose de tendre la main à celui qui meurt, là, sous mes yeux.

Visite en prison d’un jeune français converti à l’Islam. Je lui demande ce qui fait qu’il a choisi la religion de la soumission, je devrais dire de l’esclavage. Sa famille souffre d’un père violent et fugueur, la mère est hospitalisée. Qui s’occupe de donner à manger aux enfants demeurés seuls ? Des familles musulmanes. Déménagement, habitat dans une périphérie, que des étrangers. Qui encore soutient matériellement ce jeune homme ? Des musulmans.

Et après l’on parle d’évangélisation de rue ! Sur ce coup-là, les chrétiens ont tout raté. Le zèle missionnaire est rendu à ce qu’il est, de l’air brassé, insignifiant. Témoins de la miséricorde, des disciples du Prophète l’ont été et font honte à ceux qui ont peur que la France cesse d’être un pays chrétien, comme ils disent. (Comme si un pays pouvait être chrétien, ou musulman ; seuls des êtres de chair et d’os le sont, pour autant qu’ils aient un cœur !)

Esclave du Seigneur pour que le Seigneur ait en notre terre un sein, une demeure, des bras ouverts. Esclave du Seigneur pour que soit quelque peu manifeste qu’il vient sauver, puisque tel est son nom, Jésus. Et comment pourrait-on le voir sauver, si ceux qui s’en réclament, même lointainement au nom de la défense d’un Occident chrétien, ferment les bras, barricadent leur demeure, rendent leur sein stérile ?

Que l’Evangile soit politique, allez vous en plaindre à Jésus ! C’est lui qui prêche et œuvre et donne sa vie pour que le monde ressemble au jardin des délices originelles, que les puissants soient renversés de leur trône, que les riches soient renvoyés les mains vides ; que les humbles soient relevés, les affamés comblés de bien. Magnificat qui n’a rien à faire de l’or des églises, de la dévotion, louange ou adoration, pourriture telle la ceinture de Jérémie.

De plus sages, de prétendus plus sages, diront qu’il faut être réalistes, et tenir à la fois la dignité humaine des migrants et la possibilité effective de les accueillir. Je traduits ; un peu d’accueil tant qu’il n’attaque pas substantiellement notre train de vie, tant qu’il ne change rien à nos idéologies, nos traditions culturelles et cultuelles. Les tièdes sont vomis. Les dissimulateurs sont dénoncés car rien ne demeurera ignoré de ce qui est caché depuis les origines du monde.

La rencontre d’autrui, l’hospitalité appauvrissent, on perd beaucoup de certitudes, de sécurité, y compris la sécurité d’être des gens bien. Demandez à Marie ! Mais Noël et l’esclavage du Seigneur racontent qu’elles enrichissent, car rien n’est impossible à Dieu.

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