01/03/2019

Sainteté, jugement, crainte de Dieu et miséricorde (8ème dimanche du temps)


Nous poursuivons la lecture de la loi de sainteté (Lc 6, 39-45). Les exigences se multiplient, toutes aussi impossibles les unes que les autres, au point de nous décourager voire de nous culpabiliser. Nous sommes bien incapables de mettre en pratique cette parole. Comment demeurer auditeurs de la parole, puisque nous ne parvenons pas à l’entendre, c’est-à-dire à la pratiquer dans la radicalité qui est la sienne ? Ne sommes-nous pas mis en situation de mensonge, de double-vie ?
La loi de sainteté en son impossibilité est ce que Marc exprime avec le plus de force : « pour les hommes, c’est impossible ». Matthieu et Luc avec lui racontent la rencontre avec l’homme riche qui a observé tous les commandements. La question du salut est explicitement posée : « Qui peut être sauvé ? ». L’exigence éthique de l’évangile n’est alors pas seulement un appel à changer de vie mais la reconnaissance de ce que c’est impossible.
La loi de sainteté est à la fois appel à la conversion et attente du salut comme don. La vie avec Dieu a quelque chose à voir avec notre vie avec les frères en même temps qu’elle est un don gratuit, immérité, sans rapport avec ce que nous avons fait. La vie avec Dieu est à la fois exigence de conversion et gratuité absolue, fin de l’idéologie de la rétribution.
Dire que c’est impossible, expérimenter que l’exigence que nous venons d’entendre est hors de notre portée ne vise évidemment pas à nous décourager de vivre en grâce avec les frères. Cela nous oblige à reconnaître le Dieu qui fait grâce, le Dieu qui prévient, le Dieu provident, qui « le premier nous a aimés ».
Foin de la rétribution, il faut entrer dans la logique du don. Dans cette logique, sont insensés les propos du genre : « puisque cela ne sert à rien de changer de vie, à quoi bon se casser la tête ? » Le rigorisme et le laxisme sont renvoyés dos-à-dos. Pour comprendre la grammaire du don il faut « renouveler notre façon de penser », comme dit Paul (Rm 12, 2)
Que l’on veuille bien s’arrêter quelques instants à la nouveauté de l’évangile. C’est à une « métamorphose » que nous sommes conduits, un renouvellement y compris de notre façon de penser l’idée de Dieu. Dieu n’est pas le juge implacable qui punit ou récompense, selon les cas. Et s’il traite le bon comme le méchant, s’il fait pleuvoir sur les méchants comme les bons, ce n’est pas que tout se vaudrait, c’est que sa bonté est sans limite. Luc (6, 35) est plus radical que Matthieu (5, 45) : il est bon pour les ingrats et les méchants.
Bien sûr, il y a un jugement ! Mais pas autrement que comme salut. Il y a un jugement, parce que Dieu s’oppose de toutes ses forces au mal, le condamne, parce que Dieu dit non, radicalement, au mal, selon la loi de sainteté, selon sa loi. Nous n’avons d’ailleurs pas de quoi être étonnés que jugement et bonté puissent aller de pair ; c’est ce que nous vivons. Pourquoi Dieu ne serait-il pas aussi bon que nous ? Ainsi, quand un enfant fait mal, on ne cesse pas de l’aimer. Notre amour pour lui n’est pas conditionné par le bien ou le mal qu’il fait. La sévérité parfois nécessaire n’est pas contraire à l’amour et souvent le renforce. « Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive ! »
Nous avons peur de dieu, mais ce n’est pas Dieu. Nous avons peur d'un dieu en qui nous avons projeté notre culpabilité, notre peur du mal que nous pouvons ou avons fait. Nous nous faisons peur au point de refaire le portrait de Dieu ! C’est du mal que nous devrions nous méfier. Dieu aime. Dieu est amour. « L'amour bannit la crainte » (1 Jn 4, 18, cf. 2 Tim 1, 7)
La loi de sainteté et son impossibilité, tenues dans le même temps, obligent à une conversion, à changer de conception de Dieu, à renouveler notre manière de penser Dieu. Et si notre Eglise est en crise, c’est aussi parce que le Dieu de la religion, plus personne n’y croit. Le pays de Candy, avec les gentils et les méchants, c’est bon pour les enfants ! Ne me dites pas que nous sommes ici parce que nous sommes dans un rapport infantile au monde. Nous ne pourrons faire entendre l’évangile comme une bonne nouvelle qu’en disant non au mal ‑ la loi de sainteté ‑ et en confessant un Dieu qui donne la vie sans limite à tous, gratuitement, par amour, par grâce, à commencer par ceux qui ont en le plus besoin, les massacrés de l’existence et les pécheurs qui ont massacré l’existence des autres, qui ne peuvent plus se regarder dans une glace. « C’est par grâce que vous êtes sauvés. » (Ep 2, 5)

3 commentaires:

  1. Comme quoi il n'est pas vain de lire des gens avec lesquels il est rare de partager les mêmes idées...

    RépondreSupprimer
  2. Pouvez-vous préciser votre pensée ? C'est trop elliptique pour que je comprenne.

    RépondreSupprimer
  3. Ce qui veut dire que je suis parfaitement d'accord avec votre message et me fait penser à Jacques Fesch et à son extraordinaire conversion à la prison de la SANTE

    RépondreSupprimer