Il faut faire reculer la mort, il est urgent de faire
reculer la mort. Elle est l’ennemie de Dieu, contraire à son dessein, sa plus
grande ou dernière ennemie si l’on en croit Paul ; « le dernier
ennemi détruit, c'est la Mort » (1 Co 15,24).
Il faut faire reculer la mort qui non seulement afflige
l’homme mais encore rend impossible la confession d’un Créateur amoureux de sa
création. L’affliction, Jésus la connut, pleurant la mort de son ami Lazare,
suant sang et eau à l’approche de sa propre mort. Quant à l’échec de la
création, quant à l’impossibilité d’un Dieu bon tant que la mort persiste,
c’est ce que reconnaît par exemple saint Thomas d’Aquin, mais aussi le bon sens
le mieux partagé. Si le mal existe, et il existe, Dieu n’existe pas.
« De deux contraires, si l’un est infini, l’autre est
totalement aboli. Or, quand on prononce le mot Dieu, on l’entend d’un bien
infini. Donc, si Dieu existait, il n’y aurait plus de mal. Or l’on trouve du
mal dans le monde. Donc Dieu n’existe pas. »
Peut-on glisser, quasi subrepticement de la mort au mal ?
La mort est l’expression hyperbolique du mal. Elle rassemble toutes les formes
de maux et les porte à leur paroxysme, qu’il s’agisse du mal subi ou commis, du
déchaînement de la nature ou de la haine, du mal moral ou du mal sans
responsable.
Faire reculer la mort, c’est faire reculer le mal. Et il n’y
a pas une minute à perdre ainsi que le raconte l’évangile de ce jour (Mc
5,21-43), ainsi que le rapporte tout l’évangile, particulièrement celui de
Marc. On dirait que dans la Palestine que Jésus traverse, il n’y a que des
malades, des envoûtés, des morts. A lire les journaux, il se pourrait que l’on
ait pour aujourd’hui la même impression. La liste de s’arrête jamais des amis
dont on apprend la maladie ou un pépin, des pays en guerre, de l’injustice et
de la faim dans le monde.
Le passage de Jésus dans ce monde peut-il comme hier faire
reculer la mort et le mal ? Telle serait notre foi si du moins elle n’en
restait à une histoire ancienne. La femme qui saigne depuis douze ans, la
fillette morte à 12 ans, deux totalités enchâssées l’une dans l’autre pour dire
l’éternité de la mort, hier, aujourd’hui.
Si la réplique chrétienne, si la réplique de Jésus au mal et
à la mort n’est que pour demain, quand nous serons morts, lorsqu’il n’y aura
plus rien, elle ne vaut rien. La vie éternelle, c’est maintenant ou bien ce
n’est que le rien d’un fantasme, l’illusion d’un autre monde pour ne pas exiger
de ce monde-ci les promesses dont il recèle. Dieu n’a pas fait l’homme pour la
mort. « Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les
êtres vivants. Il a créé toutes choses pour qu'elles subsistent. […] Dieu a
créé l'homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce
qu'il est en lui-même. » C’était notre première lecture (Si 1,13. 2, 23).
Je dis réplique au mal et non réponse. Parce que répondre,
ce serait dialoguer, ou au moins raisonner. Or le mal est sans raison et en
chercher l’explication serait lui donner raison, ce qui ne doit surtout pas se
faire. Le mal a toujours tort. Tout ce qui tue a toujours tort. « Dieu n’a
pas fait la mort. »
Que faire alors ? Quelle a été la réplique de
Jésus ? Il est passé, n’a pas détourné sa face divine de l’horreur, son
cœur d’homme de l’inhumain. Il a traversé, et dans l’urgence, il a soulagé,
guéri, rendu la vie. Il y a urgence de répliquer, de faire reculer le mal en
s’engageant décidément contre lui comme nous l’avons promis au jour de notre
baptême. Rejetez-vous le mal et le péché
et ce qui y conduit ? Le rejeter c’est le dénoncer, sans cesse, crier
avec les victimes pour dire non, relever les manches pour tenter d’endiguer le
mal si l’on ne peut pas le faire reculer.
Les techniques et la médecine diront certains sont plus
efficaces que Jésus pour faire reculer la mort. A supposer que la technique ne
soit pas aussi force de destruction de l’homme, elle est effectivement à notre
service et c’est par elle aussi que nous retroussons nos manches pour faire
reculer la mort. Mais la vaincre est une autre affaire. Nous le savons par
exemple lorsqu’il n’y a plus rien à faire pour tel malade si ce n’est à être là
pour lui tenir la main alors que s’avance l’inconnu du grand passage.
Si la mort est le dernier ennemi c’est que, bien que, nous
le croyons, vaincue par Jésus, son empire demeure. La victoire de Jésus n’est
crédible que par notre engagement contre la mort, contre le mal. Rejeter le
mal, le dénoncer, l’endiguer et compatir n’est pas qu’une histoire de morale,
de recherche du bien. C’est une profession de foi. C’est ce qui peut laisser
Dieu exister.
Seigneur, nous te
prions pour que l’Eglise se tienne toujours aux côtés de ceux qui luttent
contre la mort et l’injustice, contre le mal et la violence, afin qu’ils
trouvent en elle la maison familiale où ils viennent refaire leur force,
auberge du Bon Samaritain ou d’Emmaüs.
Seigneur, nous te
prions pour ceux qui souffrent et crèvent, en Syrie, au Nigéria, au Mali, en
tant d’autres endroits encore. Qu’ils sachent trouver en toi et dans leurs
frères le réconfort et la paix.
Seigneur, nous te
prions pour ceux qui partent en vacances. Qu’ils emploient ces jours de repos à
travailler à leur humanisation et à celle de ceux qu’ils rencontreront. Nous te
prions aussi pour ceux qui n’auront pas de vacances, parce qu’ils n’ont pas de
travail, parce qu’ils n’en ont pas les moyens.
Merci pour cette invitation forte à lutter contre la mort. Il me parait un peu fou de croire que Dieu puisse "exister" grâce à nous. S'il peut déjà se manifester ça me parait bien.
RépondreSupprimerCet engagement contre le mal est aussi un travail personnel, un chemin intérieur pour renoncer à tout ce qui nous enferme... l'orgueil, la peur, la colère, l'envie... pour vivre en ressuscité. Se relever, vivre en homme debout. Car le mal, c'est d'abord en moi que je le vois à l'oeuvre. Ce qui n'empèche nullement d'être présent aux côtés de nos frères qui souffrent. Et si c'est une profession de foi, c'est, pour moi, le chemin de vie, non pour bien faire mais plutôt pour vivre, en vérité, libres.
"Faire reculer la mort c'est faire reculer le Mal" dites-vous entre autres choses.
RépondreSupprimerCela me semble en partie vrai , et je dis en partie car de toute façon c'est tout de même la mort qui aura le dernier mot me semble-t-il.
Par contre la mort c'est aussi le mal qui est en nous et dans ce combat-là nous pouvons être efficaces avec l'aide de la grâce bien entendu ,et il me semble que le combat du chrétien se situe à ce niveau-là essentiellement
En partie dites-vous ? C'est toute l'anthropologie biblique qui fait de la mort l'expression du péché !
SupprimerMais à part cela, que vouliez-vous dire ? Je n'ai pas compris.
Alors peut être que c'est moi qui ne comprends rien à vos messages ,car vous me donnez l'impression de parler essentiellement de la mort physique.Lutter contre celle-ci est une chose excellente assurément, mais lutter contre le mal n'est-ce que cela, et lutter contre le mal qui est en nous et qui nous empêche de faire le bien que nous voudrions faire n'est-ce pas largement aussi important?
RépondreSupprimerOr dans votre prière cet aspect des choses me parait totalement absent.
Dénoncer le mal , n'est-ce pas parfois dénoncer l'autre ,toujours l'autre et ne pas trop s'interroger sur le mal qui est en nous?