Faut-il prêcher sur la Pentecôte ou sur la profession de foi,
sur l’Esprit saint ou sur ce que signifie affirmer : « Je crois ? »
Faut-il privilégier la fête liturgique qui clôt le temps pascal ou accompagner
les jeunes qui font aujourd’hui profession de foi. ?
Peut-être y a-t-il une voie qui permette de ne pas avoir à
choisir ou plutôt qui permette de choisir les deux. Essayons. Lorsque Jésus se
retire de ce monde et disparaît à tout jamais à nos regards, lorsqu’il laisse
ses disciples, nous, comme orphelins, il envoie son Esprit. Lorsqu’il meurt, il
remet l’Esprit dit saint Jean.
Aujourd’hui, si nous sommes rassemblés, deux millénaires
après la mort de Jésus, c’est que l’Esprit habite en nous. Qu’est-ce que cela
veut dire ? Je ne vois pas comment avec toute l’hommerie qui habite l’Eglise,
comme le monde, il pourrait y avoir encore des disciples du Seigneur, car les
premiers destructeurs de l’Eglise ne sont pas ses adversaires, de façon
générale, mais bien ses membres et leur péché.
Indépendamment même de ce péché, comment l’Eglise
pourrait-elle encore conserver vive la mémoire de Jésus par ses propres forces ?
Si l’Eglise était une institution dont le but consisterait à éduquer le genre
humain ou à défendre une conception de la civilisation, ce que l’on appelle une
idéologie, aurait-elle pu tenir si longtemps ? L’Eglise est autre chose,
et nous le savons bien, ce matin. Nous ne sommes pas venus ce matin pour nous
serrer les coudes, mais pour ouvrir les bras, ainsi que le disait le
responsable de la nouvelle Eglise Protestante Unie. Nous ne sommes pas venus à
un meeting, au rendez-vous d’un parti ou d’un club de pensée. Nous ne sommes
pas venus ce matin pour une leçon de morale, encore que notre quête du Christ
nous engage à une conversion de vie. Aussi indispensables et bonnes que soient
les ONG, l’Eglise n’en est pas une ou elle se perd, comme dirait François.
Si nous sommes là, ce matin, si, deux millénaires après
Jésus, l’Eglise est là, c’est parce que l’Esprit de Dieu habite nos cœurs. Nous
ne sommes pas capables de nous tourner vers Dieu pour accueillir son offre d’amour,
pour l’accueillir. Lui seul peut nous donner la force de l’accueillir. Et l’Esprit
saint, c’est la force de Dieu qui habite en l’homme pour que l’homme accueille
son Dieu. L’Esprit saint, c’est Dieu qui déjà nous divinise de sorte que nous
vivions de Dieu, dès ici, dès maintenant.
La proximité de Dieu annoncée par Jésus nous est devenue
tellement évidente, au moins en théorie, car dans la pratique nous devons bien
reconnaître que la prière n’est pas forcément ce qui nous occupe le plus, ou le
service du frère, ou que, dans la prière, nous éprouvons la nuit de la foi dont
parlent les grands saints du Carmel, la proximité de Dieu nous fait oublier que
rien n’est naturel dans cette affaire, que l’homme est bien incapable de s’adresser
à Dieu si Dieu ne vient pas à sa rencontre.
Dieu qui vient à notre rencontre aujourd’hui, Dieu qui
maintient vive la mémoire de son Christ en ce monde, c’est cela l’Esprit qui s’empare
de nous comme un grand vent qui nous porte jusque dans la vie de Dieu. Dieu
vient à notre rencontre aujourd’hui, et c’est pourquoi nous pouvons professer
la foi. De nous-mêmes, ce serait impossible.
Plusieurs des jeunes diront dans un instant que leurs
parents ont choisi la foi pour eux au jour de leur baptême et qu’aujourd’hui,
ils font eux, la démarche de dire leur foi. Puis-je dire que je ne suis pas
totalement convaincu par ces propos, par ailleurs fort compréhensibles. Ce ne
sont pas les jeunes qui vont professer la foi dans un instant, pas plus que ce
n’est pas nous, dimanche après dimanche, qui professons notre foi. C’est l’Esprit
saint qui s’empare de nos gorges pour que résonne dans l’Eglise le « Je
crois » qui fait vivre, le « Je crois » qui est la respiration,
ou plutôt son aspiration si l’inspiration est le service du frère, ou
inversement.
Oui, vous allez dire votre « Je crois », mais ce n’est
pas le vôtre, c’est le nôtre, le nôtre et le vôtre puisque vous êtes des nôtres,
celui de l’Eglise, c’est celui de l’Esprit saint en vous qui vous rend capables
de Dieu. Ainsi, il nous a créés capables de lui. Ainsi, nous avons été
baptisés, recevant l’Esprit de vie. Au début de cette célébration, c’est l’eau du
baptême qui nous a purifiés de notre péché. Dans un instant, allumé à la
lumière pascale, vous tiendrez le cierge de votre baptême.
En disant « Je crois », vous ne faites rien
de neuf par rapport à votre baptême. Vous continuez seulement, si je puis dire,
mais c’est énorme, la construction de cette Eglise qui depuis deux millénaires
par l’Esprit est chargée de maintenir vivante dans notre monde la mémoire du
Seigneur Jésus.
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