Le Dieu chrétien est un seul Dieu en trois personnes. Si
vous allez voir le catéchisme de l’Eglise catholique, vous pouvez lire le
numéro 253. Mais sans doute serez vous étonnés de constater que cette
définition n’arrive tardivement. On commence à parler de Dieu, Père, Fils et
Esprit vingt numéros plus haut. Autant dire que la formulation lapidaire ne
s’impose pas et qu’il y a autre chose, plus urgent, à dire de la Trinité.
C’est heureux, car, outre l’impression de l’insolite, on pourrait
croire à répéter que le Dieu chrétien est un seul Dieu en trois personnes, qu’il
s’agit d’une théorie sur la divinité, une parmi d’autres. Or le Dieu chrétien
n’est pas une théorie. On a d’ailleurs ignoré pendant au moins cent cinquante
ans le mot même de trinité. Pour parler de Dieu, il faut commencer par écouter
comment parle Jésus. Et si l’on en vient à échafauder ce qui apparaît comme une
drôle de théorie, c’est que l’on avait besoin de comprendre ce que l’on
croyait : Jésus nous parle de son Père et assure que l’Esprit nous fera
souvenir de tout ce qu’il nous a dit.
Si l’on oublie la pratique de Jésus, sa manière de parler au
Père, sa manière de vivre de l’Esprit, alors on raconte des affaires qui n’ont
rien à voir avec notre foi quand bien même c’est ce que nous disons nous-mêmes
de la foi. Il y aurait ainsi des religions monothéistes, et le christianisme
serait l’une d’elles, greffon sauvage sur l’arbre du judaïsme. L’Islam
réagirait radicalement contre le christianisme, arrangement irrespectueux de la
transcendance divine.
Mais que nous fait de dire que notre foi est monothéiste ou
non ? Est-ce ainsi que nous prions, est-ce ainsi que nous mettons
l’évangile en pratique ? Ces manières de parler n’ont rien à voir avec ce
que nous vivons, au point que pour nombre d’entre nous l’affirmation trinitaire
n’est pas le cœur de la foi, ce qu’affirme pourtant le catéchisme, qu’elle ne
fait pas sens et ne se réduit qu’à un truc qu’on a appris. Il va de soi que
l’on n’est pas disciple de Jésus à connaître le catéchisme !
Nous devons partir de la pratique de Jésus, de la pratique
des communautés, des origines à nos jours, à commencer par la salutation
liturgique : La grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le
Père et la communion de l’Esprit saint soient toujours avec vous !
Cependant, ce que tentèrent nos pères dans la foi à chercher
à comprendre ce qu’ils faisaient en croyant, en priant, nous devons le tenter nous
aussi sous peine d’être réduits au fidéisme, penser que l’on croit d’autant
mieux que l’on recourt le moins possible à l’intelligence. C’est fumisterie de
penser que le bon chrétien est celui qui connaît le catéchisme. Il est des
mémoires qui interdisent que l’on pense, c’est-à-dire que l’on s’approprie la
foi, parce qu’elles sont aussi superficielle qu’un support numérique.
Alors disons que ce nous vivons : le signe de la croix,
au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, c’est le signe de la vie. Père,
Fils et Esprit, s’ils nous unissent à eux, sont union, unité, unification,
communion. Et la vie, l’unité, ne sont pas substance, mais relation. La vie
n’est pas un en soi, elle se diffuse, se transmet, se partage.
Lorsque nous prions, nous ne nous adressons pas à quelqu’un
parce que cette formulation et son anthropomorphisme doivent être corrigés.
Lorsque nous prions, nous sommes fait participants d’une relation. Lorsque nous
prions, nous entrons dans la relation même du Père, du Fils et de l’Esprit,
dans ce qu’ils sont. Prier, c’est davantage entrer dans une danse que
s’adresser à quelqu’un. C’est entrer dans un mouvement qui nous précède et nous
constitue, au point que notre place est cette relation, notre vie est cette
relation.
Parler de la Trinité, c’est dire qu’il est impossible de
parler de Dieu sans l’homme et réciproquement. Parler de la Trinité, c’est dire
que l’homme existe dans la relation qui le précède et à laquelle il est invité
à prendre part. Et ce n’est pas assez, car l’homme n’existe pas, il n’existe
que des hommes. Parler de la Trinité, c’est se comprendre et s’expérimenter
comme participants d’une communauté humaine qui vit de ce qui la suscite.
Prier, et aimer le frère, c’est vivre de la relation qu’est la vie. Parler de
la Trinité ce n’est pas développer une théorie sur Dieu mais dilater notre vie,
ou la laisser être dilatée par la vie, ce qui ne cesse de se donner et de se
recevoir.
Nous sommes disciples de Jésus parce que comme lui, ne nous
importe rien à propos de Dieu que la reconnaissance, l’action de grâce,
d’exister avec et pour les autres, par le don même qu’il est, par la relation
même qu’il est et dans laquelle il nous entraîne.
Parler de source qui jaillit et fait vivre en étant
elle-même la vie qui irrigue tout à s’offrir vaut-il mieux que le vénérable
vocabulaire reçu ? Ces quelques balbutiements voudraient nous avoir un peu
tirés loin d’une théorie pour nous rendre à la vie. Lorsqu’il s’agit de Dieu,
on sait bien que l’on ne peut que balbutier. Importe par tous les moyens de
dire que la prononciation du nom divin nous fait entrer dans le dynamisme de la
relation qui fait vivre.
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