L’évangile de Luc raconte la présentation de Jésus au
temple. D’un point de vue historique, il convient de prendre le texte avec
circonspection. La célébration de la présentation quant à elle apparaîtrait à
Jérusalem au 4ème siècle, dans ce courant de piété qui poussait les pèlerins
à revivre ce que Jésus lui-même avait vécu. Ce n’est qu’au milieu du 7ème
siècle que la fête est connue à Rome.
Certains affirment qu’il s’agissait de christianiser une
fête païenne, alors que l’on s’apprêtait à semer. Rite de fécondité qui faisait
traverser les champs avec des flambeaux, victoire sur la nuit alors que les
jours se mettent à s’allonger. La fête semble cependant avoir son sens par
elle-même : quarante jours après Noël, on célèbre le Christ lumière des nations, comme le chante le
vieillard Siméon.
Les Eglises d’Orient appellent cette fête rencontre, car c’est
la première fois que le Seigneur Jésus rencontre Jérusalem et son temple. Le P.
Martimort ajoute, rencontre qui préfigure celle du Seigneur avec son Eglise.
Ainsi, quoi qu’il en soit de l’historicité de l’épisode
biblique et de l’origine liturgique de la fête, c’est une fois encore le
mystère de l’incarnation qui est célébré. Jésus visite son peuple, il est l’Emmanuel,
le Dieu avec nous. Tout comme nous, il prie, et se rend au lieu saint entre
tous, le temple. Mais quand il entre au temple, tout est bouleversé, car celui
qui vient pour être présenté, ou plus tard pour prier, est celui que l’on prie.
On pourra se rappeler le moment incroyable où l’arche d’alliance
est installée dans la tente de la rencontre. Moïse ne peut y pénétrer car le
Seigneur emplit la tente de sa présence (Ex 40). Ou encore la fête qui fait de
David un enfant lorsqu’il accompagne en dansant l’entrée de l’arche à Jérusalem
(2 Sa 6). Mais ce serait sans doute passer à côté du plus important. Inscrivant
la foi chrétienne dans l’ensemble des religions, au cœur des recherches
humaines du divin, on risquerait de ne pas voir le plus surprenant, la fin du
temple, la fin des religions.
C’est que l’entrée de Jésus au temple ne consacre aucun lieu
saint, mieux, elle les désacralise tous. L’opposition des religions entre le
sacré et le profane est renversée, comme les religions elles-mêmes qui sont
bâties sur la distinction du sacré et du profane, du pur et de l’impur. Tout
homme est désormais une histoire sacrée, un lieu saint, un tabernacle de la
présence du Seigneur. Parce que le Seigneur Jésus se fait homme, c’est tout
homme qui est restauré à l’image et ressemblance du créateur, c’est tout homme
qui est icône de sa présence, c’est devant tout homme que l’on s’incline,
reconnaissant et sa dignité, et sa destinée, la vie de Dieu, Dieu lui-même.
L’entrée du Seigneur au temple est une variation sur le
thème de l’entrée du Seigneur en la chair. Ce n’est plus l’homme qui cherche le
divin, mais Dieu qui vient à l’homme au point qu’est révélée la vérité de la vie
de l’homme, Dieu. Les débats de société sur le sens de la vie humaine touchent
au divin : il me semble hasardeux de penser que Dieu serait pour ou contre
l’avortement, l’euthanasie, etc. ; c’est toujours délicat de prétendre
connaître les pensée du Seigneur. Mais assurément, par la venue de Dieu en la
chair, la vie de l’homme, c’est la vie de Dieu, c’est Dieu.
C’est entendu, cela ne se voit guère. Et comment cela
pourrait-il se voir si le sacré coïncide avec le profane, si l’humain est divin
et le divin humain ? Le Seigneur habite son temple. « Le temple de
Dieu est sacré et ce temple, c’est vous. » (1 Co 2, 17) En Jésus, Dieu met
fin aux cultes et aux religions ; le seul culte est service et charité. Tout
a été récapitulé en Jésus et rien de ce qui est humain n’échappe au divin, rien
de ce qui est divin n’est interdit à l’humain.
Comment nos vies sont-elles arches d’alliances, tabernacles
de sa présence ? Heureusement que cela ne vient pas de nous, de nos bonnes
œuvres, aussi indispensables soient-elles, de nos luttes pour la justice, pour
la défense des plus petits. Combien de fois méprisons-nous le tabernacle qu’est
le frère, surtout quand le frère est un salaud. Mais qui d’entre nous ne l’est
pas ?
Les vêpres de ce jour le disaient : « Le
vieillard portait l’enfant, mais l’enfant guidait le vieillard ». Qu’un
enfant soit lumière des nations et gloire
de son peuple Israël ne pouvait être reconnu sinon parce que l’Esprit du
Seigneur s’était emparé du prophète. « Nul ne peut dire :
"Jésus est Seigneur", s’il n'est avec l’Esprit Saint. » (1 Co
12,3).
Nous
portons la lumière comme les flammes de nos chandelles, mais c’est la lumière
qui nous conduit. Nous portons la lumière, que ce ne soit pas pour en mettre
plein la vue aux autres, ou pour éclairer ce qu’il nous plaît seulement de
mettre en lumière. Nous portons la lumière comme une flamme fragile dans un
hiver qui n’en finit pas. Que nous ayons soin de cette lumière pour qu’elle ne
s’éteigne ; nous serions perdus. Que nous demeurions au service du
tabernacle du Seigneur, les frères, afin de ne pas nous perdre dans l’hiver trop
long des injustices.
Lumière des Nations, Jésus, viens conduire l’Eglise
comme tu conduisais Siméon aux chemins de la paix. Soutiens les religieux et religieuses dans leur engagement
au service du Royaume.
Gloire de ton peuple Israël, Jésus, donne aux pays du
Proche et du Moyen Orient de vivre dans la concorde, Syrie, Iraq, Liban, Palestine,
Israël. Que les chrétiens de ces pays puissent demeurer chez eux les témoins de
ton amour pour tous.
Lumière des Nations, Jésus, viens éclairer le regard
et l’intelligence de ceux qui manifestent pour défendre leurs opinions, en
Espagne pour le droit à l’avortement, en France, pour la défense de la famille.
Gloire de ton peuple Israël, Jésus, donne à notre communauté d’être une bénédiction pour chacun d’entre nous et ceux que nous rencontrons.
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