C’est l’histoire d’une assoiffée. Le décor est planté, un
puits, profond, le soleil et la chaleur du plein midi qui avive la soif. Un
inconnu qui demande à boire et retarde l’eau vive, l’eau fraîche.
Ce retard permet de s’interroger. De quoi ai-je soif
vraiment ? Qu’est-ce qui a encore soif en moi, même quand je me suis
désaltéré ?
Appelle ton mari ! Cette femme est une mangeuse d’hommes.
C’est une assoiffée d’amour, mais pour aimer, le mieux n’est sans doute pas de
multiplier les conquêtes ! Pour aimer mieux il ne faut pas aimer plus.
Pour aimer mieux, il faut entendre notre désir, notre soif de ce qui nous
manque, et que seul un autre peut nous offrir.
Pour entendre cet évangile, le Cantique des cantique nous est d’une aide certaine. Histoire du
désir, de la recherche, de la rencontre et de la perte, de l’impossibilité de
se rassasier, de l’infini de la soif d’aimer. Toujours, le Seigneur nous
manque. Plus nous vivons en sa proximité, comme son épouse, plus il nous manque
parce que nous ne voudrions ne jamais le quitter, n’être qu’à lui.
Heureusement, être à lui c’est être aux frères et cela devient possible de ne
jamais le quitter. Mais nous n’avons pas le même désir du frère !
Pour entendre cet évangile, pour entendre l’évangile, nous
devons nous découvrir hommes et femmes de désir. Si nous ne sommes pas
assoiffés, comment pourrons-nous venir puiser aux sources du salut ?
Chacun pourrait se demander ce qu’il désire le plus
profondément ? Peu importe si c’est moralement acceptable ou non. Regardez
la femme. C’est à mettre en évidence ma vérité de son désir qu’elle découvre
enfin ce dont elle a soif.
L’argent, la reconnaissance, la vérité, la sainteté, la
bonté, la gentillesse, la réussite. De quoi ai-je vraiment soif ? Le
Seigneur ne peut faire boire un âne qui n’a pas soif. Il peut sans doute offrir
l’eau vive à celui qui était venu puiser une autre boisson. Tu voulais t’enivrer
de toi-même. Au moins, tu avais soif de plus, toujours plus. Tu voulais la
liqueur qui tourne la tête, la paix facile qui fait oublier le frère dans le
besoin, l’internet qui te vide la tête ? Au moins tu es vivant, assoiffé.
« Si tu
savais qui est celui qui te demande à boire, c’est toi qui le lui aurais
demandé, et il t’aurait donné l’eau vive. »
« Seigneur, donne-là moi toujours cette eau. »
Ce soir, nous ne savons pas plus que la femme assoiffée ce
qu’est cette eau vive. Nous sommes simplement venus nous présenter devant le
Seigneur, confessant qu’il peut donner ce que nous cherchons sans même savoir
ce que c’est. Nous sommes venu confesser qu’il nous offre la joie d’être relevés,
ressuscités, de toutes nos chutes, nos ratages, nos méchancetés. Et c’est ce
que nous lui demandons.
Sans doute, nous savons notre péché, encore que… Ce n’est
pas forcément ce qui nous préoccupe dans nos imperfections qui est ce qui nous
coupe le plus la soif et le désir. Plutôt que d’encore trop bien savoir, nous
pourrions aussi reconnaître notre manque, et que Dieu sait mieux que nous qui
nous sommes. Plutôt que finalement être encore préoccupés de nous à nous
examiner, nous pourrions lever les yeux vers la source d’eau vive. A être
attirés vers lui, nous nous oublierons un peu et le quêterons d’avantage.
Nous sommes ici parce que nous quêtons le bien aimé et
voulons être tout à lui. « Celui que mon âme désire, l’auriez-vous vu ? »
Lecture du Cantique des cantiques
« La voix de mon bien-aimé !
C’est lui, il vient…
Il bondit sur les montagnes, il court sur les
collines,
mon bien-aimé,
pareil à la gazelle, au faon de la biche.
Le voici, c’est lui qui se tient derrière notre
mur :
il regarde aux fenêtres, guette par le treillage.
Il parle, mon bien-aimé, il me dit : »
« Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens…
Vois, l’hiver s’en est allé, les pluies ont cessé,
elles se sont enfuies.
Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des
chansons est venu
et la voix de la tourterelle s’entend sur notre terre.
Le figuier a formé ses premiers fruits,
la vigne fleurie exhale sa bonne odeur.
Lève-toi, mon amie, ma gracieuse, et viens…
Ma colombe, dans les fentes du rocher,
dans les retraites escarpées,
que je voie ton visage, que j’entende ta voix !
Ta voix est douce, et ton visage, charmant. » […]
« Mon bien-aimé est à moi,
et moi, je suis à lui
qui mène paître ses brebis parmi les lis.
Avant le souffle du jour et la fuite des ombres,
toi, retourne…
Sois pareil à la gazelle, mon bien-aimé,
au faon de la biche, sur les montagnes escarpées.
Sur mon lit, la nuit, j’ai cherché celui que mon âme
désire ;
je l’ai cherché ; je ne l’ai pas trouvé.
Oui, je me lèverai, je tournerai dans la ville,
par les rues et les places :
je chercherai celui que mon âme désire ;
je l’ai cherché ; je ne l’ai pas trouvé.
Ils m’ont trouvée, les gardes, eux qui tournent dans
la ville :
« Celui que mon âme désire, l’auriez-vous
vu ? »
À peine les avais-je dépassés,
j’ai trouvé celui que mon âme désire :
je l’ai saisi et ne le lâcherai pas
que je l’aie fait entrer dans la maison de ma mère,
dans la chambre de celle qui m’a conçue. »
« Je vous en conjure, filles de Jérusalem,
par les gazelles, par les biches des champs,
n’éveillez pas,
ne réveillez pas l’Amour,
avant qu’il le veuille. »
Ps 62
Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l'aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.
Je t'ai contemplé au sanctuaire,
j'ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !
Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.
Dans la nuit, je me souviens de toi
et je reste des heures à te parler.
Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l'ombre de tes ailes.
Mon âme s'attache à toi,
ta main droite me soutient.
Mais ceux qui pourchassent mon âme, [mon
péché, le mal, tout ce qui m’empêche de vivre]
qu'ils descendent aux profondeurs de la terre,
qu'on les passe au fil de l'épée,
qu'ils deviennent la pâture des loups !
Et le roi se réjouira de son Dieu.
Qui jure par lui en sera glorifié,
tandis que l'homme de mensonge
aura la bouche close !
Evangile de Jésus Christ selon st Jean
Jésus arrive à une ville de Samarie, appelée Sykar,
près du terrain que Jacob avait
donné à son fils Joseph.
Là se trouvait le puits de Jacob.
Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près
de la source.
C’était la sixième heure, environ midi.
Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de
l’eau.
Jésus lui dit :
« Donne-moi à boire. »
– En effet, ses disciples étaient partis à la ville
pour acheter des provisions.
La Samaritaine lui dit :
« Comment ! Toi, un
Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? »
– En effet, les Juifs ne fréquentent pas les
Samaritains.
Jésus lui répondit :
« Si tu savais le don de
Dieu et qui est celui qui te dit :
“Donne-moi à boire”,
c’est toi qui lui aurais demandé,
et il t’aurait donné de l’eau vive. »
Elle lui dit :
« Seigneur, tu n’as rien
pour puiser, et le puits est profond.
D’où as-tu donc cette eau
vive ?
Serais-tu plus grand que notre
père Jacob qui nous a donné ce puits,
et qui en a bu lui-même, avec ses
fils et ses bêtes ? »
Jésus lui répondit :
« Quiconque boit de cette
eau aura de nouveau soif ;
mais celui qui boira de l’eau que
moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ;
et l’eau que je lui donnerai
deviendra en lui une source d’eau jaillissant
pour la vie éternelle. »
La femme lui dit :
« Seigneur, donne-moi de
cette eau, que je n’aie plus soif,
et que je n’aie plus à venir ici
pour puiser. »
Jésus lui dit :
« Va, appelle ton mari, et
reviens. »
La femme répliqua :
« Je n’ai pas de
mari. »
Jésus reprit :
« Tu as raison de dire que
tu n’as pas de mari :
des maris, tu en as eu cinq,
et celui que tu as maintenant
n’est pas ton mari ;
là, tu dis vrai. »
La femme lui dit :
« Seigneur, je vois que
tu es un prophète !...
Magnifique! Merci !
RépondreSupprimerJe vous trouve particulièrement inspiré en ce printemps qui fait tout renaitre…
RépondreSupprimerSi on m'avait dit dans le temps que la confession c'était d'abord une histoire d'amour, et non pas une lessive en eaux troubles, j'aurais peut-être moins déserté ces lieux-là…
Juste un détail, j'ai un peu tiqué sur « mangeuse d'homme »… Je préfère lorsque vous dites « assoiffée d'amour », même si elle cherche à étancher cette intense soif dans le multiple. Et en ce sens elle est particulièrement « contemporaine ».
Encore faut-il alors qu'un jour quelqu'un amène cette femme d'hier et d'aujourd'hui ( mais c'est aussi totalement valable pour les hommes) à trouver ce qui lui manque : le chemin vers un plus profond de soi, c'est-à-dire vers l'eau vive intérieure.