La mort frappe de toute part. Les attentats de janvier en France,
ceux de cette semaine en Tunisie, au Yémen et à Copenhague. La guerre en Syrie
et en Irak avec des milliers de chrétiens persécutés. Mais aussi la Lybie et l’emprise
de Boko Haram au Nigeria, au Cameroun. La guerre au Congo, la violence en
Amérique latine. Il y a l’Ukraine. Le feu ne cesse de ravager et détruire.
La mort frappe dans nos familles. Un accident, une maladie,
la vieillesse, le suicide. On n’en peut plus.
La mort ne tue pas toujours. C’est la souffrance sans espoir
de ces parents qui ne peuvent donner la vie, c'est le conjoint trahi, ce sont les inondations à Madagascar, c’est un lendemain sans avenir
pour tant de migrants. J’ai revu Jerry ces derniers jours. Il n’en peut plus.
Nous entrons dans le temps de la passion. C’est la mort inéluctable
de Jésus qui se profile. Si Dieu est Dieu ne devrait-il pas nous protéger, nous
faire échapper, trouver des solutions. Pensez donc. Le Dieu de Jésus meurt
lui-même. S’il y a si peu de chrétiens aujourd’hui, ce n’est pas que le monde
se pervertit. Qui pourra prouver qu’il est pire hier qu’aujourd’hui ? S’il
n’y a moins de chrétiens par chez nous, c’est que personne ne veut d’un Dieu
qui meurt, d’un looser, d’un perdant.
Y’en a assez de la mort partout, ce n’est pas pour être les
disciples d’un Dieu mort, qui pend au gibet, git au tombeau et descend aux
enfers. On n’en peut plus.
Un chant liturgique me revient à l’esprit. « Comment savoir quelle est ta vie, si je
n’accepte pas ma mort ? » Nous n’acceptons pas la mort par
résignation, par refus gentil et soumis de nous révolter. Nous acceptons la
mort par réalisme. Elle est là. Impossible déni que seules la folie ou l’idolâtrie
pourrait autoriser. Nous acceptons la mort au sens où nous la reconnaissons,
comme une reconnaissance de corps. C’est bien elle, elle a encore frappé.
Qui nous délivrera de la mort ? Rien. Pas même Dieu.
Dieu ouvre un passage en la mort. Pour s’y engager et le
suivre, il faut mourir. C’est terrible. Il n’y a le Dieu magicien qui tire
Jésus de son agonie et le décloue de la croix. Il y a le silence absurde ou le
cri assourdissant des pleurs du Père, impuissant, qui voit mourir le fils, et
tous ses enfants.
Nous nous rangeons du côté de Dieu à reconnaître la mort,
pour la dénoncer. Nous nous rangeons du côté de Dieu si nous le reconnaissons
effondré par la mort. Il n’y a pas d’autre solution. On dira que ce n’est pas là
une homélie pour une messe avec des enfants. Mais on ne peut mentir aux
enfants. Non, tout n’ira pas toujours bien. Etre adulte, c’est arrêter de
croire qu’il y aura un papa ou une maman tout puissants pour nous protéger.
Dieu n’est pas là, à moins que notre foi soit infantile.
La résurrection n’est pas un happy end. Elle pue le cadavre
parce que la mort doit être traversée pour être renversée. Qu’est-ce que cela veut
dire ? Nous sommes invités à vivre nos vies comme dans un « à qui
perd gagne ». Toujours gagner plus et l’on croit que la mort n’a pas d’emprise,
mais alors jamais on ne traversera la mort. Espérer toujours plus de miracles,
de sensationnel, de superstition, mais alors jamais on ne laissera Jésus nous
ramener des enfers.
Toujours, plus. Fou
que tu es, ce soir même on te demande ta vie. Qui gagne sa vie… la perdra.
Reste à accepter de la perdre ! Qui
perd sa vie la sauvera. C’est révoltant, et il n’y a que la parabole du
grain de blé pour nous aider à avancer. S’il ne meurt pas, il reste seul, mais
s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. Il n’y a que les désespérés pour nous
donner d’avancer, Jerry, cette semaine, les chrétiens d’Irak, les persécutés de
la barbarie.
Semence éternelle en mon corps
vivante en moi plus que moi-même
depuis le temps de mon baptême,
féconde mes terrains nouveaux :
germe dans l’ombre de mes os
car je ne suis que cendre encor.
Comment savoir quelle est ta vie
si je n’accepte pas ma
mort ?
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