Les textes du jour invitent à considérer la place des
Ecritures dans notre foi. La proclamation liturgique du livre de la loi
rapportée par Néhémie met en scène le caractère abscons des Ecritures. Il faut
traduire, expliquer « et l’on pouvait comprendre ». On en pleure.
Le découpage de l’évangile, souligne d’une part le projet de
Luc et d’autre part l’actualité des Ecritures prophétiques. « Aujourd’hui
s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » Le
commentaire, liturgique encore, de Jésus affirme l’actualité des Ecritures.
Jésus lui aussi explique le texte. Et l’on peut comprendre.
Dans nos liturgies, nous faisons la même chose que Néhémie
et Esdras, que Jésus. Nous ouvrons le livre, l’assemblée debout, écoute,
acclame la parole, et l’un d’entre nous commente. Il s’agit de comprendre l’aujourd’hui
de Dieu dans ces vieux textes.
Le texte ne peut manifestement pas se suffire puisqu’il faut
un commentaire. La parole de Dieu n’est pas audible sans que nous ne la
traduisions et l’expliquions. Le texte est parole de Dieu quand il donne la
parole pour que l’on comprenne. La parole de Dieu ne peut être lue
littéralement, quand bien même on sera attentif à n’omettre aucun point d’aucun
i. « La lettre tue. » On le voit aujourd’hui avec le fondamentalisme.
Ceci dit, pour parvenir à l’esprit, on ne peut mépriser la lettre ni dire
n’importe quoi. Plus encore, comment une parole de Dieu pourrait-elle ne pas
nécessiter une interprétation ? Que Dieu parle de façon limpide, voire
mathématique, parfaitement, certains l’imaginent. Pourtant la simplicité de
Dieu s’exprime dans l’obscurité, la surabondance de sens qui appelle les
commentaires.
Nous nous interrogeons : Cela s’est-il passé
ainsi ? Est-ce historique ? Comment les miracles sont-ils
possibles ? Si le récit est inventé, n’est-ce pas la preuve qu’il est
faux ? Déjà Origène, mort vers 250, écrivait :
« Quel homme sensé pensera qu’il y a eu un premier et
un second jour, un soir et un matin, alors qu’il n’y avait ni soleil, ni lune,
ni étoiles ? Et pareillement un premier jour sans ciel ? Qui sera
assez sot pour penser que, comme un homme qui est agriculteur, Dieu a planté un
jardin en Eden du côté de l’orient et a fait dans ce jardin un arbre de vie
visible et sensible, de sorte que celui qui a goûté de son fruit avec des dents
corporelles reçoive la vie ? Et de même que quelqu’un participe au bien et
au mal pour avoir mâché le fruit pris à cet arbre. Si Dieu est représenté se
promenant le soir dans le jardin et Adam se cachant sous l’arbre, on ne peut
douter, je pense, que tout cela, exprimé dans une histoire qui semble s’être
passée, mais ne s’est pas passée corporellement, indique de façon figurée
certains mystères. »
Aujourd’hui, la question de la vérité des textes est plus
radicale dans la mesure où, premièrement, nous avons une autre conception de
l’histoire, celle de la matérialité vérifiable des faits et où, deuxièmement, nous
vivons dans un monde qui n’est plus religieux, où Dieu ne débarque pas pour ouvrir
la mer, multiplier les pains ou guérir les infirmes.
Mais la vérité ne se limite pas à l’historicité. Nous savons
tous que les paraboles, par exemple, sont des histoires inventées. Elles sont
historiquement fausses, mais combien il est vrai que le Père nous attend quand
bien même nous avons dilapidé tout l’héritage, qu’il part à notre recherche comme
un berger qui a perdu une brebis et laisse les autres sans surveillance ?
Ainsi, que le récit soit historiquement exact ou non, il
nous faut chercher en quoi il nous aide à grandir dans l’amour de Dieu qui est
aussi amour des frères. Nous n’aurions rien compris au texte à parler de l’historicité
des mages, du déluge ou de la traversée de la mer si nous ne sommes pas
capables d’y lire l’amour de Dieu, mieux, d’y trouver de quoi exciter notre
amour de Dieu. On ne voit pas comment le peuple peut en pleurer d’écouter le
livre de la loi si cela n’enflammait son amour pour le Seigneur.
Certes, si rien des Ecritures n’est historique, la foi en un
Dieu fait chair, partageant notre humanité, c’est-à-dire aussi notre histoire, ne
peut tenir. L’histoire des textes et l’histoire de Jésus en particulier sont
d’importance. Dire que les mages n’ont jamais existé, c’est surtout dire la
vérité historique de Jésus et de son témoignage rendu à l’amour de Dieu.
Cependant, disciples de Jésus, nous ne connaissons pas la
vie de Jésus, comme on peut connaître celle de Socrate ou de Gandhi. Nous cherchons
dans ses paroles et sa vie à entendre comme il est grand l’amour dont le Père
nous a aimés ; nous rendons grâce, nous faisons eucharistie, d’être entraînés
dans l’amour de ce Père et des ses enfants.
« L’essentiel est de comprendre que la plénitude et la
fin de la loi et de toutes les divines Ecritures, c’est l’amour pour l’objet
dont nous devons jouir et pour celui qui peut en jouir avec nous. […] Quiconque
donc, s’imagine qu’il a compris les divines Ecritures ou telle partie d’entre
elles, sans édifier, par l’intelligence qu’il en a, l’amour de Dieu et du
prochain, ne les a pas comprises. Quiconque, en revanche, tire de son étude une
idée capable d’édifier l’amour dont je parle, sans rendre pourtant la pensée
exacte de l’auteur dans le texte qu’il lit, ne fait pas d’erreur dangereuse, ni
ne commet le moindre mensonge. » (St Augustin)
Connaitre la vie de Gandhi,pas de problème incontestablement, mais celle de Socrate???.Il me semble que nous connaissons la vie de Jésus de façon plus certaine que celle de Socrate,non?
RépondreSupprimerJe ne sais pas. Nous savons la vie de Socrate de façon aussi certaine que celle de Jésus. Nous en connaissons peut-être plus sur Jésus, c'est vrai.
SupprimerMais c'est assez comparable. Ni l'un ni l'autre n'ont écrit. Il n'y a pas de trace archéologique directe. Ce que nous savons vient d'une source quasi unique dans les deux cas...