23/01/2016

Bible et histoire (3ème dimanche)



Les textes du jour invitent à considérer la place des Ecritures dans notre foi. La proclamation liturgique du livre de la loi rapportée par Néhémie met en scène le caractère abscons des Ecritures. Il faut traduire, expliquer « et l’on pouvait comprendre ». On en pleure.
Le découpage de l’évangile, souligne d’une part le projet de Luc et d’autre part l’actualité des Ecritures prophétiques. « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » Le commentaire, liturgique encore, de Jésus affirme l’actualité des Ecritures. Jésus lui aussi explique le texte. Et l’on peut comprendre.
Dans nos liturgies, nous faisons la même chose que Néhémie et Esdras, que Jésus. Nous ouvrons le livre, l’assemblée debout, écoute, acclame la parole, et l’un d’entre nous commente. Il s’agit de comprendre l’aujourd’hui de Dieu dans ces vieux textes.
Le texte ne peut manifestement pas se suffire puisqu’il faut un commentaire. La parole de Dieu n’est pas audible sans que nous ne la traduisions et l’expliquions. Le texte est parole de Dieu quand il donne la parole pour que l’on comprenne. La parole de Dieu ne peut être lue littéralement, quand bien même on sera attentif à n’omettre aucun point d’aucun i. « La lettre tue. » On le voit aujourd’hui avec le fondamentalisme. Ceci dit, pour parvenir à l’esprit, on ne peut mépriser la lettre ni dire n’importe quoi. Plus encore, comment une parole de Dieu pourrait-elle ne pas nécessiter une interprétation ? Que Dieu parle de façon limpide, voire mathématique, parfaitement, certains l’imaginent. Pourtant la simplicité de Dieu s’exprime dans l’obscurité, la surabondance de sens qui appelle les commentaires.
Nous nous interrogeons : Cela s’est-il passé ainsi ? Est-ce historique ? Comment les miracles sont-ils possibles ? Si le récit est inventé, n’est-ce pas la preuve qu’il est faux ? Déjà Origène, mort vers 250, écrivait :
« Quel homme sensé pensera qu’il y a eu un premier et un second jour, un soir et un matin, alors qu’il n’y avait ni soleil, ni lune, ni étoiles ? Et pareillement un premier jour sans ciel ? Qui sera assez sot pour penser que, comme un homme qui est agriculteur, Dieu a planté un jardin en Eden du côté de l’orient et a fait dans ce jardin un arbre de vie visible et sensible, de sorte que celui qui a goûté de son fruit avec des dents corporelles reçoive la vie ? Et de même que quelqu’un participe au bien et au mal pour avoir mâché le fruit pris à cet arbre. Si Dieu est représenté se promenant le soir dans le jardin et Adam se cachant sous l’arbre, on ne peut douter, je pense, que tout cela, exprimé dans une histoire qui semble s’être passée, mais ne s’est pas passée corporellement, indique de façon figurée certains mystères. »
Aujourd’hui, la question de la vérité des textes est plus radicale dans la mesure où, premièrement, nous avons une autre conception de l’histoire, celle de la matérialité vérifiable des faits et où, deuxièmement, nous vivons dans un monde qui n’est plus religieux, où Dieu ne débarque pas pour ouvrir la mer, multiplier les pains ou guérir les infirmes.
Mais la vérité ne se limite pas à l’historicité. Nous savons tous que les paraboles, par exemple, sont des histoires inventées. Elles sont historiquement fausses, mais combien il est vrai que le Père nous attend quand bien même nous avons dilapidé tout l’héritage, qu’il part à notre recherche comme un berger qui a perdu une brebis et laisse les autres sans surveillance ?
Ainsi, que le récit soit historiquement exact ou non, il nous faut chercher en quoi il nous aide à grandir dans l’amour de Dieu qui est aussi amour des frères. Nous n’aurions rien compris au texte à parler de l’historicité des mages, du déluge ou de la traversée de la mer si nous ne sommes pas capables d’y lire l’amour de Dieu, mieux, d’y trouver de quoi exciter notre amour de Dieu. On ne voit pas comment le peuple peut en pleurer d’écouter le livre de la loi si cela n’enflammait son amour pour le Seigneur.
Certes, si rien des Ecritures n’est historique, la foi en un Dieu fait chair, partageant notre humanité, c’est-à-dire aussi notre histoire, ne peut tenir. L’histoire des textes et l’histoire de Jésus en particulier sont d’importance. Dire que les mages n’ont jamais existé, c’est surtout dire la vérité historique de Jésus et de son témoignage rendu à l’amour de Dieu.
Cependant, disciples de Jésus, nous ne connaissons pas la vie de Jésus, comme on peut connaître celle de Socrate ou de Gandhi. Nous cherchons dans ses paroles et sa vie à entendre comme il est grand l’amour dont le Père nous a aimés ; nous rendons grâce, nous faisons eucharistie, d’être entraînés dans l’amour de ce Père et des ses enfants.
« L’essentiel est de comprendre que la plénitude et la fin de la loi et de toutes les divines Ecritures, c’est l’amour pour l’objet dont nous devons jouir et pour celui qui peut en jouir avec nous. […] Quiconque donc, s’imagine qu’il a compris les divines Ecritures ou telle partie d’entre elles, sans édifier, par l’intelligence qu’il en a, l’amour de Dieu et du prochain, ne les a pas comprises. Quiconque, en revanche, tire de son étude une idée capable d’édifier l’amour dont je parle, sans rendre pourtant la pensée exacte de l’auteur dans le texte qu’il lit, ne fait pas d’erreur dangereuse, ni ne commet le moindre mensonge. » (St Augustin)

2 commentaires:

  1. Connaitre la vie de Gandhi,pas de problème incontestablement, mais celle de Socrate???.Il me semble que nous connaissons la vie de Jésus de façon plus certaine que celle de Socrate,non?

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    1. Je ne sais pas. Nous savons la vie de Socrate de façon aussi certaine que celle de Jésus. Nous en connaissons peut-être plus sur Jésus, c'est vrai.
      Mais c'est assez comparable. Ni l'un ni l'autre n'ont écrit. Il n'y a pas de trace archéologique directe. Ce que nous savons vient d'une source quasi unique dans les deux cas...

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