La fête de l’épiphanie nous donne de demeurer dans
l’ambiance de Noël : « Les mages virent l’enfant et Marie sa mère, et
tombèrent à genoux ». Mais ce qui les avait réjouis est mentionné juste
avant : « Quand ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une très grande
joie. »
C’est la vision de l’étoile qui cause la joie des mages et
non la rencontre de Jésus. N’est-ce pas curieux ? La visite des mages n’a
pas de support historique ; pourquoi Matthieu les faits-il se réjouir
devant l’étoile et non devant l’enfant ?
« Un astre nouveau s’est levé. Ils sont partis dans la
nuit sur les sentiers des âges. » chante une hymne de ce jour. Ces mages
que l’évangile ne dit pas rois, venus d’Orient, là où lèvent les astres, se
sont levés avec l’un d’eux. Un des astres, nouveau, les a levés, relevés,
réveillés, ressuscités. Quelle lumière peut bien relever les hommes ?
Qu’est-ce qui nous mettrait debout, depuis le bout du monde, sur les sentiers
des âges ?
Les mages ne sont pas des Juifs mais des païens, livrés à
l’astrologie, vraisemblablement, plus ou moins pris dans les superstitions et
religions naturelles, celles qui imaginent que l’homme se doit d’aller vers
Dieu, que la vie de l’homme consiste à traquer les signes de la divinité trop
souvent muette et versatile.
Venus pour adorer un roi, « un enfant les attend :
il ouvre les bras au monde entier ». Ils ne peuvent se réjouir à la vue de
l’enfant. Cela ne correspond pas à leur attente. Cela la dépasse, sans limite.
L’enfant les attend. L’enfant attend l’humanité entière en lui ouvrant les bras,
en lui tendant les mains.
Matthieu, dans le prologue de son évangile, dans ces
chapitres de l’enfance, met en scène une thématique centrale de sa prédication
et de la foi chrétienne : en cet enfant, en cet homme, c’est Dieu qui
vient à la recherche de l’homme, versatile et bavard. Non, ce n’est pas
possible à l’homme de trouver Dieu, parce que Dieu n’est pas à la disposition
de l’homme comme un bien de consommation. Il ne s’acquiert ni avec de l’argent
ni avec des prières, que votre paganisme soit contemporain ou primitif.
Rappelez-vous l’homme riche dont parle Matthieu. « Que
dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? » Et le texte se
conclut : « Aux hommes, c’est impossible, mais à Dieu, tout est
possible. » C’est le cœur de notre foi. Dieu se donne à nous pour qu’il
nous soit possible de vivre. Dieu se donne à nous pour que nous puissions vivre
avec lui. « Lui, le premier nous a aimés », écrit St Jean.
Renversement dans l’univers des religions, pour les mages,
et sans doute aussi encore aujourd’hui. Consentirons-nous à nous laisser
approcher par le Dieu qui s’offre, par l’enfant qui ouvre les bras au monde
entier ? Consentirons-nous à ne pas avoir l’initiative, mais à être
seulement des répondants ?
Répondre au Seigneur, c’est répondre à son amour, premier.
C’est pareillement répondre de lui devant les hommes, c’est-à-dire être
responsables de la vie avec lui. C’est être responsables des hommes devant
Dieu. S’il ouvre les bras au monde entier, qu’attendons-nous pour le
faire savoir à ceux qui cherchent Dieu sans savoir que Dieu les cherche ?
Qu’attendons-nous, par notre souci des frères, pour nous faire les témoins de
son amour ?
Alors, nous voilà en mesure de répondre à la question du début :
pourquoi Matthieu fait-il se réjouir les mages à la vue de l’étoile et non à
celle de l’enfant. Je l’ai déjà dit, trop étonnés de trouver un enfant en lieu
et place du Roi, trop étonnés d’être déjà trouvés alors qu’ils cherchaient, ils
ne pouvaient comprendre leur bonheur. Cependant, la lumière qui les avait fait
se lever sur les sentiers des âges, la lumière qui resplendit dans leurs
ténèbres et dans les nôtres, n’est autre que cet enfant, lumière des hommes et
lumière du monde, astre d’en haut qui vient nous visiter comme le dit Luc.
« Un astre nouveau s’est levé. Ils sont partis dans la
nuit sur les sentiers des âges pour adorer le Roi. Un enfant les attend :
il ouvre ses bras au monde entier. Joie de l’univers, voici l’aurore du
royaume. »
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