Dire que les disciples, les plus proches de Jésus, ses
compagnons, les femmes et plus encore les douze, eurent du mal à croire la
résurrection de Jésus, c’est peu. Marc n’en parle quasiment pas. Après la
confession de foi du centurion qui, voyant mourir Jésus, le déclare fils de
Dieu, la visite des femmes au tombeau se termine sur un silence rempli
d’effroi. La reconnaissance de Jésus par un païen marque l’aboutissement de la
Bonne Nouvelle ; il n’y a rien à ajouter. La résurrection semble ne pas
être l’objet de la prédication de Marc.
Matthieu n’est guère plus bavard. Certes il y a un
tremblement de terre qui ouvre les tombes, accomplissement de la prophétie
d’Ezéchiel. C’est bien la seule chose spectaculaire. Les anges puis Jésus
apparaissent aux femmes avant que les disciples, en Galilée, continuent de
douter. L’évangéliste est préoccupé par la disparition du corps, un vol selon
les Juifs. S’il prend ses distances par rapport à cette interprétation, il ne
donne pas la sienne. C’est une parole de Jésus attestant de sa présence qui met
fin à l’évangile. D’autres disciples, à venir, croiront les dernières paroles
de Jésus et de l’évangile.
Chez Luc et Jean, la difficulté à croire la résurrection est
thématisée par une accumulation d’apparitions qui ratent. Il faut s’y reprendre
au moins à trois fois pour qu’enfin la confession de foi, si évidente dans les
Actes des apôtres, puissent ici naître timidement.
Nous venons de lire les derniers versets du chapitre 20 de
Jean. Thomas résiste et finalement devient croyant. Les premiers chrétiens ont
dû trouver cela bien faible pour avoir besoin d’ajouter un chapitre, malgré la
conclusion de l’évangile que nous avons entendue (beaucoup d’autres signes, ceux-ci ont été écrits pour que vous croyez…
encore croire !) qui s’adresse à ceux qui n’ont pas été témoins de ces
événements, nous parmi bien d’autres.
Jésus est mort. Le tombeau est vide. Ses proches peinent à
croire. Il est triplement mort. Il ne reste rien de lui, rien à quoi se
rattacher, pas la moindre relique.
La foi en Jésus est une lutte contre les idoles. Toutes les
idoles. Depuis le gri-gri jusqu’à l’idole conceptuelle, depuis le fétiche
jusqu’au catéchisme transformé en id(é)ologie, en idole. Le dogme dirait la
vérité alors que la vérité est ce qui fait parler et ne peut jamais être dite, alors
que la vérité est ce qui fait qu’on la cherche toujours ? Croire qu’on la
tient, y compris dans la foi, et c’est perdu. Si l’on ne cherche plus, ce n’est
pas la vérité. Intranquilité de la foi, inquiétude bien loin d’un catholicisme
de confort.
Pas la moindre relique de Jésus, donc. Ce qui demeure, c’est
ce que les disciples avaient vécu avec lui, même enterré avec lui, derrière la
pierre si lourde que personne ne peut la rouler. Malgré sa mort, malgré le
deuil et la peur, les paroles de Jésus demeurent vivantes en eux. Malgré le
traumatisme de son martyre, comme celui des chrétiens du Pakistan, une parole,
dans le silence de l’effroi, quasi inaudible, demeure vivante. Elle peut germer
malgré un enfouissement si profond. Elle peut revenir de loin, très loin.
Pour peu que nous la laissions venir au jour, cette parole
se fait lumière, éclaire nos vies. C’est ainsi que Jésus entre, alors que tout
est verrouillé, que les portes sont closes. Il entre comme s’il n’avait pas de
corps celui qui intime à Thomas l’ordre de toucher ses plaies, son corps. Il
faut entendre cette contradiction, cet oxymore. Le corps de Jésus n’est pas
plus sans matière que saisissable ; mais à dire cela ensemble, s’exprime
ce que nous cherchons, une vérité, l’expérience justement d’une parole, parfois
enfouie si profondément, et qui pourtant demeure vivante.
C’est cela la foi. C’est cela la résurrection. Tout récit de
résurrection est confession de foi. La résurrection ne va jamais sans la foi,
parce que c’est seulement dans l’interpellation reconnue : « la paix
soit avec vous », « avance ton doigt », « mets ta main »,
qu’une fissure laisse germer la parole si profondément enfouie, celle qui fait
vivre. Les raisons de l’enfouir sont nombreuses. L’impossible de la vie plus
forte que la mort, la peur ou le refus de vivre sans savoir ‑ « Je
crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont
huit. » ‑ la peur ou le refus de croire dangereusement, nous
invite à la conversion.
L’apparition à Thomas, le jumeau, c’est ce qui arrive au
jumeau du jumeau aussi. Et qui est-il le jumeau de Thomas ? Connaissez
quelqu’un qui tient à ses certitudes plus qu’à la vie ? Pour lui, pour
nous, ce commandement du Seigneur « Deviens croyant ».
L'idole caté nous a bien fichus dedans. Passe encore celui que je récitais par cœur quand j'avais 10 ans sous Pie XII (dont on vantait les apparitions dans les jardins du Vatican pour éviter de dire qu'il était malade). Ce caté avait déjà 100 ans de retard chosifiant la virginité de Marie en détails gynécologiques et faisant de l'infaillibilité du pape le nec plus ultra pour bien irriter les protestants qui n'étaient pas encore nos "frères" et les juifs, encore déicides plutôt que nos "aînés", voués à se convertir pour éviter l'enfer. De ce caté on s'en est remis grâce à quelques excellents curés ou aumôniers revenus du stalag ou de la guerre d'Algérie. J'ai plaisir à en dire du bien tant ils ont été critiqués ensuite par les néocolromanisés et réensoutanés de la génération JP II partisans des mamours charismatiques, pieux mais légers. Le clergé qui a préparé Vatican II et l'a accueilli avec joie savait lire, réfléchir, écouter, s'engager, tomber la soutane sans tomber dans le folklore de quelque finalement très traditionnel curé des loubards. Mais le pape polonais, copain de Maciel et de l'Opus Dei la mal nommée, a remis le couvert avec son catéchisme universel et ses foules en délire. Que de temps perdu ! Il faut dire et redire que la résurrection n'est pas de la réanimation magique d'un cadavre. Il faut dire et redire, comme l'écrit PR, que c'est le Verbe qui est vivant si j'en vis, foi de mécréant. Désolé de dire JE, je n'ose pas le NOUS tant l'Organisation m'effraie qui n'ose pas l'opération vérité qui s'impose au plan théologique.
RépondreSupprimer