01/04/2016

Deviens croyant ! (2ème dimanche de Pâques)



Dire que les disciples, les plus proches de Jésus, ses compagnons, les femmes et plus encore les douze, eurent du mal à croire la résurrection de Jésus, c’est peu. Marc n’en parle quasiment pas. Après la confession de foi du centurion qui, voyant mourir Jésus, le déclare fils de Dieu, la visite des femmes au tombeau se termine sur un silence rempli d’effroi. La reconnaissance de Jésus par un païen marque l’aboutissement de la Bonne Nouvelle ; il n’y a rien à ajouter. La résurrection semble ne pas être l’objet de la prédication de Marc.
Matthieu n’est guère plus bavard. Certes il y a un tremblement de terre qui ouvre les tombes, accomplissement de la prophétie d’Ezéchiel. C’est bien la seule chose spectaculaire. Les anges puis Jésus apparaissent aux femmes avant que les disciples, en Galilée, continuent de douter. L’évangéliste est préoccupé par la disparition du corps, un vol selon les Juifs. S’il prend ses distances par rapport à cette interprétation, il ne donne pas la sienne. C’est une parole de Jésus attestant de sa présence qui met fin à l’évangile. D’autres disciples, à venir, croiront les dernières paroles de Jésus et de l’évangile.
Chez Luc et Jean, la difficulté à croire la résurrection est thématisée par une accumulation d’apparitions qui ratent. Il faut s’y reprendre au moins à trois fois pour qu’enfin la confession de foi, si évidente dans les Actes des apôtres, puissent ici naître timidement.
Nous venons de lire les derniers versets du chapitre 20 de Jean. Thomas résiste et finalement devient croyant. Les premiers chrétiens ont dû trouver cela bien faible pour avoir besoin d’ajouter un chapitre, malgré la conclusion de l’évangile que nous avons entendue (beaucoup d’autres signes, ceux-ci ont été écrits pour que vous croyez… encore croire !) qui s’adresse à ceux qui n’ont pas été témoins de ces événements, nous parmi bien d’autres.
Jésus est mort. Le tombeau est vide. Ses proches peinent à croire. Il est triplement mort. Il ne reste rien de lui, rien à quoi se rattacher, pas la moindre relique.
La foi en Jésus est une lutte contre les idoles. Toutes les idoles. Depuis le gri-gri jusqu’à l’idole conceptuelle, depuis le fétiche jusqu’au catéchisme transformé en id(é)ologie, en idole. Le dogme dirait la vérité alors que la vérité est ce qui fait parler et ne peut jamais être dite, alors que la vérité est ce qui fait qu’on la cherche toujours ? Croire qu’on la tient, y compris dans la foi, et c’est perdu. Si l’on ne cherche plus, ce n’est pas la vérité. Intranquilité de la foi, inquiétude bien loin d’un catholicisme de confort.
Pas la moindre relique de Jésus, donc. Ce qui demeure, c’est ce que les disciples avaient vécu avec lui, même enterré avec lui, derrière la pierre si lourde que personne ne peut la rouler. Malgré sa mort, malgré le deuil et la peur, les paroles de Jésus demeurent vivantes en eux. Malgré le traumatisme de son martyre, comme celui des chrétiens du Pakistan, une parole, dans le silence de l’effroi, quasi inaudible, demeure vivante. Elle peut germer malgré un enfouissement si profond. Elle peut revenir de loin, très loin.
Pour peu que nous la laissions venir au jour, cette parole se fait lumière, éclaire nos vies. C’est ainsi que Jésus entre, alors que tout est verrouillé, que les portes sont closes. Il entre comme s’il n’avait pas de corps celui qui intime à Thomas l’ordre de toucher ses plaies, son corps. Il faut entendre cette contradiction, cet oxymore. Le corps de Jésus n’est pas plus sans matière que saisissable ; mais à dire cela ensemble, s’exprime ce que nous cherchons, une vérité, l’expérience justement d’une parole, parfois enfouie si profondément, et qui pourtant demeure vivante.
C’est cela la foi. C’est cela la résurrection. Tout récit de résurrection est confession de foi. La résurrection ne va jamais sans la foi, parce que c’est seulement dans l’interpellation reconnue : « la paix soit avec vous », « avance ton doigt », « mets ta main », qu’une fissure laisse germer la parole si profondément enfouie, celle qui fait vivre. Les raisons de l’enfouir sont nombreuses. L’impossible de la vie plus forte que la mort, la peur ou le refus de vivre sans savoir ‑ « Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit. » ‑ la peur ou le refus de croire dangereusement, nous invite à la conversion.
L’apparition à Thomas, le jumeau, c’est ce qui arrive au jumeau du jumeau aussi. Et qui est-il le jumeau de Thomas ? Connaissez quelqu’un qui tient à ses certitudes plus qu’à la vie ? Pour lui, pour nous, ce commandement du Seigneur « Deviens croyant ».

1 commentaire:

  1. H M, ashem3/4/16 18:05

    L'idole caté nous a bien fichus dedans. Passe encore celui que je récitais par cœur quand j'avais 10 ans sous Pie XII (dont on vantait les apparitions dans les jardins du Vatican pour éviter de dire qu'il était malade). Ce caté avait déjà 100 ans de retard chosifiant la virginité de Marie en détails gynécologiques et faisant de l'infaillibilité du pape le nec plus ultra pour bien irriter les protestants qui n'étaient pas encore nos "frères" et les juifs, encore déicides plutôt que nos "aînés", voués à se convertir pour éviter l'enfer. De ce caté on s'en est remis grâce à quelques excellents curés ou aumôniers revenus du stalag ou de la guerre d'Algérie. J'ai plaisir à en dire du bien tant ils ont été critiqués ensuite par les néocolromanisés et réensoutanés de la génération JP II partisans des mamours charismatiques, pieux mais légers. Le clergé qui a préparé Vatican II et l'a accueilli avec joie savait lire, réfléchir, écouter, s'engager, tomber la soutane sans tomber dans le folklore de quelque finalement très traditionnel curé des loubards. Mais le pape polonais, copain de Maciel et de l'Opus Dei la mal nommée, a remis le couvert avec son catéchisme universel et ses foules en délire. Que de temps perdu ! Il faut dire et redire que la résurrection n'est pas de la réanimation magique d'un cadavre. Il faut dire et redire, comme l'écrit PR, que c'est le Verbe qui est vivant si j'en vis, foi de mécréant. Désolé de dire JE, je n'ose pas le NOUS tant l'Organisation m'effraie qui n'ose pas l'opération vérité qui s'impose au plan théologique.

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