Gaudete ! Réjouissez-vous, dit l’antienne de ce dimanche et les textes des lectures et du psaume. Mais comment se réjouir en ces temps si sombre pour l’Eglise ? Il n’y a pas que le monde qui semble sur le point de s’effondrer, avec des conflits prêts à s’allumer partout. On espérait que les Etats-Unis d’Amérique calmeraient le jeu avec leur nouveau président. Deux bras de fer, contre la Chine et contre la Russie, mettent la paix en danger.
Comment serions-nous dans la joie autrement qu’à nous réfugier dans une insouciance coupable, irresponsable ?
Gaudete ! Réjouissez-vous. Faudra-t-il chercher dans un arrière monde le bonheur que les vies banalement ordinaires ne parviennent à atteindre ? Mais ce serait le contraire de l’Evangile. Le royaume de Dieu n’est pas ailleurs, mais tout près. Il s’est définitivement approché de nous en Jésus. Et si nous célébrons la nativité dans douze jours, ce n’est pas pour lui tourner le dos maintenant, distinguant de façon étanche le monde et le lieu de Dieu. Le lieu de Dieu, c’est le monde. Voilà le cœur de ce que nous confessons, sa spécificité assurément. Voilà ce qui est la raison de notre joie.
La joie n’est pas celle du répit après des années de terreurs. La joie n’est pas celle de la fin du mal. Les années de terreur et le mal, nous y sommes, y compris dans l’Eglise, séisme, d’un certain point de vue, nouveau. La Sainte Eglise ne peut plus être l’Eglise sans le mal, l’Eglise sans le péché. Affirmer la sainteté de l’Eglise signifie ce que cela aurait toujours dû signifier, à savoir que si l’Eglise est immaculée, ce n’est pas par absence de fautes ; c’est son Seigneur qui la lave de toutes ses fautes, la purifie, se la présente sainte et resplendissante.
« Le Christ a aimé l’Eglise : il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée. » (Ep 5, 25b-27)
Le motif de notre joie c’est la solidarité de Dieu avec le monde, indéfectible, au point de nous transformer en lui. C’est le sens du baptême, « un bain d’eau accompagnée d’une parole. » Voilà le motif de notre joie : le mal, le péché n’empêche pas la vie avec Dieu, non que cela soit un encouragement à persévérer dans le mal, mais que, même dans le mal, Dieu s’approche de nous.
Dieu s’approche de notre humanité. La vie est possible, et quelle vie, celle de Dieu, parce que Dieu s’approche, ne cesse de s’approcher. C’est bien le sens de l’avent. C’est le sens de tout l’évangile, de la parabole de la brebis perdue, de la parabole du fils perdu, et déjà des premiers versets de la Genèse, un Dieu qui cherche l’homme et la femme : « Où es-tu ? »
Au début du XVIe siècle, la peur de Dieu, la peur de notre rejet par lui taraude les chrétiens jusqu’à l’impossible. Que l’on pense à Dürer, à Bosch, à Luther. La conversion de Luther, c’est le rejet de ce Dieu qui damne plus qu’il ne sauve. Il fit entendre au XVIe siècle le régime de la grâce, de la gratuité du salut. Le prix à payer est élevé. C’est la croix. C’est aujourd’hui, l’effacement de la place de Dieu, d’une place réservée qui serait celle de Dieu, puisqu’il n’a d’autre place que la nôtre, le monde, et qu’il ne peut s’y imposer, sans quoi, nous ne serions plus chez nous, sans quoi, il ne nous visiterait pas mais nous remplacerait.
Or il nous change en lui. Le fils de l’homme s’est fait cela-même que nous sommes pour faire de nous cela-même qu’il est.
Notre christianisme a mis tellement de temps à entendre la joie causée par le Dieu qui s’approche et la joie pour Dieu du mal qui recule, du pécheur qui s’ouvre à la vie. Plus de joie pour un seul pécheur qui se laisse approcher que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pardon. D’ailleurs, cela n’existe pas les justes qui n’ont pas besoin de pardon. La joie qui est la nôtre n’est pas le soulagement parce que tout va très bien. Elle est celle, à peine visible, de ce que malgré le mal, Dieu s’approche, ne cesse de s’approcher. Le lieu de Dieu, c'est le monde. Le ciel est vide. Dieu s'approche.
Aux disciples qui regardaient le ciel, tu enjoins de te retrouver au carrefour des Nations. Donne à l’Eglise de se rendre disponible à ta rencontre ; c’est dans le service des frères qu’elle te découvrira et te rendra témoignage.
Au monde qui fait du ciel son bien après avoir assujetti et épuisé la planète, tu nous fais porter l’invitation à une vie plus sobre et fraternelle. Qu’il y ait de la place pour toi et tous les maudits de la terre dans la Maison commune.
A notre communauté, témoin dans la cité d’un espace pour ton Dieu et Père, tu offres l’horizon de son amour comme dimension de nos vies. Que le ciel sur la terre soit la paix pour les hommes que tu aimes et ta gloire à jamais.
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