Il y a quelque chose de violent à célébrer la sainte famille dans le contexte du rapport Sauvé. Cette violence n’est pas nouvelle et nombre de ceux qui ont vécu ou vivent la famille comme un calvaire le savent depuis longtemps. Mais la violence prend un tour particulier quand l’entreprise qui s’obstine à canoniser la famille nucléaire a foulé au pied non seulement ce modèle, mais a détruit la vie de millions d’enfants de par le monde.
Certes, il n’y a pas que dans l’Eglise que l’on abuse des enfants, que l’on couvre les prédateurs, mais la moindre décence imposerait que l’on ne la ramène pas, que l’on ne prétende pas faire la morale à la terre entière.
Si mes sources sont bonnes, la fête de ce jour a guère plus d’un siècle, instituée pour toute l’Eglise en 1893. Il n’aurait pas été scandaleux que cette année, ladite fête soit omise. Y’en a marre de ces discours sur la famille !
A moins que l’on se mette à voir dans le trio Jésus, Marie et Joseph, non le modèle de la famille stable et nucléaire, mais celui des familles aux histoires moins linéaires, une mère célibataire, infidèle à son fiancé avant même qu’ils habitent ensemble, un homme juste, naïf ou faible, qui avale la couleuvre, sans doute mordu par un béguin irrationnel, peu raisonnable.
Je résiste avec quelque exégète à voir en Jésus le fils de Marie et
Joseph. Ce serait déjà contraire à l’imaginaire catholique. Mais il y a
théologiquement plus à penser dans l’adoption par Joseph d’un enfant qui n’est
pas le sien, qu’il sauve ainsi avec sa mère de l’opprobre. La généalogie composée
par Matthieu souligne plusieurs prostituées ou adultères dans l’ascendance de
Jésus, quelques criminels, quelques étrangers. Ce Jésus n’a rien d’un pur selon
les normes sociales. L’histoire d’un salut par adoption, cela ne vous dit rien ?
Je résiste à faire de Jésus le fils de Marie et Joseph parce que l’adoption
est une dimension cardinale de la foi ; on ne saurait l’effacer des
premières pages de l’évangile. Si Joseph est juste avant même d’avoir reçu la
justification, est juste avant même d’être sauvé ‑ le salut, c’est
Jésus ‑, c’est qu’il annonce (kèrusô) le père de toute justice, le seul
juste. Et ce père juste est celui qui fait de nous tous ses enfants d’adoption,
qui veut le salut pour tous.
Jésus naît d’une femme sans mari, ce que l’on considère comme une prostituée, ou du moins une fille facile. Jésus fait de ce type de naissance, longtemps appelée illégitime, une naissance elle aussi digne, désirée, un amour qui dure. « Tu es mon enfant bien aimé. » Un baptême !
Si la sainte famille est celle de l’adoption, si la sainte famille est celle d’une généalogie impure ‑ j’emploie à dessein cet adjectif, comme réminiscence de la limpieza de sangre ‑ alors, on peut la célébrer non comme violence, mais comme consolation. La sainte famille est la protestation la plus radicale contre le modèle normatif que serait la famille nucléaire et le machisme, la violence masculine, qui lui est inextricablement liée.
Joseph porte le nom d’un ancêtre, modèle de la fraternité. La famille n’est pas tant une affaire de filiation que de fratrie, de frères et de sœurs. Dans nos existences, on vit ordinairement plus longtemps avec ses frères et sœurs qu’avec ses parents ou ses enfants. Et Jésus a des frères et sœurs. Comment serait-il le frère universel à être enfant unique. Qu’il soit l’unique de Dieu ne signifie pas qu’il soit pas l’aîné, l’aîné d’une multitude de frères.
Ce rapprochement du père de Jésus avec le patriarche n’est pas une invention de ma part. Le fils de Jacob est un doux rêveur, « l’homme aux songes » comme l’appellent ses criminels de frères. Dans l’évangile de Matthieu, le père de Jésus ne cesse de rêver, en songe. Une fratrie fratricide est réconciliée par le patriarche. Jésus accomplit la prophétie pour l’humanité entière. Il lui donne un seul père, le sien. Ce n’est pas tant Dieu qui adopte l’humanité que Jésus qui donne par la fraternité renouée un unique père à tous.
La sainte famille, ce n’est Jésus Marie Joseph mais la vocation de l’humanité. La famille humaine n’est pas une histoire de descendance ni de sang. Elle est un avenir promis, celui de la fraternité. La fête de ce jour interroge la société que nous construisons, terrible : « Qu’as-tu fait de ton frère ? »
Dieu est en l'homme et l'homme est en DIEU . Ceci pour moi est l 'essentiel pour accepter CHRIST dans sa vie.
RépondreSupprimerMerci pour ces paroles. Je me sens consolée. Cela fait très longtemps que je suis blessée par le discours exclusif de l'Eglise sur la famille. Comme quoi soit on est marié non divorcé(style manif pour tous) soit on est consacré. Tous les nombreux autres chrétiens n'existent pas. C'est une vision distordue du réel. Moi-même étant d'une famille "classique " je constate journellement la souffrance de ses personnes.
RépondreSupprimerBien que née dans une famille selon les normes catholiques dont on nous saoulent, je n’ai jamais pu supporter les discours (homélies) faits lors de cette fête car ce ne sont le plus souvent, pas du tout des homélies se basant sur les textes évangéliques mais des baratins qui ont égarés certains et exaspérés tous les autres. Merci de secouer tout cela
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