17/12/2021

Evangiles de l'enfance ? (4ème dimanche de l'avent)

Nous entendons pendant une vingtaine de jours des passages de l’évangile hors de leur contexte. On regroupe quelques versets, on ajoute ou supprime, avant ou après, un ou deux versets, on mélange les épisodes tirés de Luc et de Matthieu. Bref, on n’y comprend plus rien, on ferme le texte pour construire la mythologie de Noël. Une telle présentation flatte le merveilleux. L’Eglise se plaint de ce que Noël est devenu un folklore, mais elle organise elle-même la folklorisation.

Il n’y a que Matthieu et Luc qui racontent l’enfance de Jésus. A les lire correctement, nous nous apercevons que sous ces récits d’enfance, deux perspectives différentes sont développées qui, l’une comme l’autre, n’ont pas d’intérêt pour l’enfance de Jésus, dont elles ne savent rien. Matthieu comme Luc, par l’enfance mise en scène, parlent de ce que deviendra cet enfant, de ce qu’il dévoilera de son Dieu et Père. Aussi curieux que cela paraît, les évangiles de l’enfance ne parlent pas de l’enfance mais du ministère, de la mort et de la résurrection de Jésus.

Nous ouvrons l’évangile de Luc. Quatre versets d’introduction où le rédacteur se met en scène pour succinctement exposer son projet. Et voilà, nous sommes au temple, pendant le service de Zacharie. On nous raconte qu’il est visité par un ange. Cela devrait nous alerter. Parler d’anges, parler d’anges qui parlent, c’est une manière de parler. Ce n’est pas un reportage de ce qui se serait passé, mais une façon de désigner une « rencontre » avec Dieu. Mais comment parler d’une « rencontre » avec Dieu ? Les anges y sont préposés.

Au début de l’évangile, lorsque Jésus n’est pas encore né, des anges parlent. A la fin de l’évangile, lorsque Jésus est au tombeau, lorsque le tombeau est vide, des anges parlent. Après l’épisode de Zacharie, vient une autre rencontre d’ange, cette fois avec Marie.

Si nous comparons les deux récits ‑ Zacharie et l’ange, Marie et l’ange ‑, seulement juxtaposés, sans qu’un lien permette de comprendre pourquoi on passe du premier au second ‑ sauf peut-être la mention du sixième mois, qu’il faudrait encore interprétée ‑ deux points principaux me semblent ressortir : Dieu fait grâce et c’est un retournement, un renversement.

Dieu fait grâce, a fait grâce, est favorable, c’est le sens du prénom Jean. « Tu seras dans la joie et l’allégresse, et beaucoup se réjouiront de sa naissance. » La salutation à Marie est aussi celle de la joie pour celle qui est comblée de grâce, qui a trouvé grâce auprès de Dieu.

Que Dieu soit grâce, don, voilà le retournement. Il ne s’agit pas d’observer strictement les commandements, comme Zacharie et Elisabeth. Il n’y a pas d’encens à offrir, encore moins de sacrifice. Cela ne mène qu’à la stérilité et à la vieillesse. Non qu’il faille vivre n’importe comment, mais pour l’homme, c’est impossible. Pour l’homme, le salut est impossible, c’est Dieu qui offre, c’est Dieu qui sauve. Jésus, Dieu sauve. C’est Dieu qui se donne pour la sainteté de l’humanité. Le Cantique de Marie est le sommet de l’expression de ce retournement, de cette conversion.

Ce retournement de l’attitude vis-à-vis de Dieu est renversement social. « Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles. » Le Seigneur se préoccupe des petits, des humbles. Il relève son serviteur, se souvient de son amour.

La rencontre entre Elisabeth et Marie (Lc 1, 39-45) que nous venons de lire provoque ce cantique. Sans leur mari, les femmes libérées ‑ mère humanité, enceinte, pleine de promesses ­‑ se retrouvent et lient les deux premières visitations, celles de l’ange à Zacharie puis à Marie. Plus besoin de messager divin. La « rencontre » avec Dieu se fait désormais par l’entremise des humains.

Lorsque les hommes et les femmes, ici les femmes, se saluent, se reconnaissent, il y a non seulement la joie, la fécondité, la vie en leur sein, mais Dieu est là, « Le Seigneur est avec toi » avait dit l’ange. « Le Seigneur soit avec vous » est notre souhait de toutes les célébrations. C’est aussi Noël.

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