22/07/2022

« Notre Père » (17ème dimanche du temps)

Nous connaissons trois recensions du Notre Père. Il y a celle de Matthieu, placée au début de l’évangile, au sein du discours programme de Jésus, le Sermon sur la montagne. Il y a celle que nous venons de lire (Lc 11, 1-13) ; nous sommes quasiment au milieu du texte du Luc. Jésus a pris la route de Jérusalem, il a quitté la Galilée et monte vers sa passion. Matthieu et Luc sont écrits vers 80-85, une cinquantaine d’années après la mort de Jésus

Enfin, un texte dont l’existence était connue a été retrouvé en 1873, la Didachè, ou Enseignement des douze apôtres. Il pourrait rapporter un état antérieur du Pater, proche de Matthieu. Le Notre Père est placé sans doute possible dans un contexte liturgique et est suivi de la doxologie « Car c’est à toi qu’appartiennent… » C’est une attestation solide de ce que notre prière était déjà celle des premières communautés chrétiennes du Syrie, au troisième tiers du premier siècle. On priait alors comme aujourd’hui. Cela permet de penser que le Pater remonte effectivement à Jésus, comme le rapportent les évangiles.

Tous repèrent les deux parties, de louange puis de demande. Après la demande du pain quotidien, la teneur des autres demandes est éthique, engageant le priant dans le mouvement d’un pardon reçu et donné et à sa conversion en se détournant de la tentation du mal. Il n’y a pas de magie dans cette prière, obtenir ceci ou cela, mais une manière de se positionner comme recevant la vie, le pain qui fait vivre. Et l’on sait que l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche du Seigneur ; et l’on sait que le pain est la parole du Seigneur partagée pour que l’on ait la vie, en abondance.

La prière de Jésus est tout entière réponse au don gratuit du Père. La sanctification du nom est la reconnaissance de ce que Dieu se donne, est l’accueil du don qu’est Dieu. La louange du Père est accueil de son don parce que la gloire de Dieu c’est l’homme vivant et que l’homme vivant, c’est précisément cela le don que Dieu fait de lui dans la création, avec la création. La sanctification du nom est saisie de toute chose comme expression du don que Dieu fait de lui-même, comme expression de ce que vivre pour les hommes et les femmes, c’est recevoir, et pourquoi pas reconnaître l’auteur du don, déceler le don, Dieu. En reconnaissant qui donne et ce qui est donné, celui qui donne, le nom est sanctifié.

Ce don, même sans référence à la volonté de Dieu dans la version lucanienne, est volonté d’un monde autre. Non pas autre que donné, mais autre que confisqué, pris, saisi. Le règne de Dieu c’est le monde, la vie reçue comme sortie des mains du Père, la vie reçue parce que donnée, et non trouvée par hasard, dérobée, rapt, razzia, prise de possession.

Que l’homme soit maître, c’est certain, parce que c’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés. Que l’homme soit maître, cela signifie qu’il est libre de ce qui l’asservit, des esclavages. Cela ne signifie qu’il pourrait user à sa guise du don, si sa guise est l’arbitraire d’un « comme je veux quand je veux ». Le règne de Dieu désiré, c’est le monde sorti des mains du Père pour que tous vivent, pour que le dessein d’amour originel ne soit pas un rêve inaccessible ou une revanche d’autant plus impossible que pleine de ressentiment. Le règne de Dieu qui doit venir, c’est ce monde à vivre selon le dessein originel. La louange est conversion, changement de vie, efficacité de la prière. Comment ferons-nous de notre monde le monde selon Dieu, le paradis ? Croire au paradis, ce n’est pas espérer pour après, c’est s’engager pour qu’ici et maintenant, le dessein de Dieu soit réalité dans notre monde.

Thérèse de Jésus savait qu’il n’importait pas d’enchaîner les prières, comme les païens. Elle revendiquait pour tout chrétien la dignité d’entrer dans une prière de louange et de demande, de conversion et de con-vivance. On ne peut pas enchaîner les Pater comme si c’était une formule d’autant plus efficace qu’on la ressasse. La prière de Jésus ouvre nos vies à celle du Père, source de l’amour. Un seul mot suffit à nous faire tenir devant Dieu : Il nous donne de l’appeler Père ! Un jour, ce n’est pas assez de temps pour dire cette prière, une vie, ce n’est pas assez pour mesurer et vivre ce que c’est que de l’appeler Père.

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