Le récit d’une vie empêchée, qui paraît comme le refus assumé à défaut d’être voulu, de vivre heureuse. Comment ne pas comprendre que cela ne peut pas bien aller, qu’il ne faut pas faire de bruit, que le mal de crâne est insupportable, qu’il ne faut surtout pas en rajouter, que la moindre contrariété est ingérable. Les conséquences pour les enfants de cette mère sont effroyables, pour son mari aussi, comme pris en otage par l’obsession.
Le roman dont on mesure la dimension psychologique ‑ il y a un psychanalyste ‑ tient le lecteur en haleine. On peut parler de suspens. Même les gendarmes enquêtent ! Que s’est-il passé ce trois avril ? Et lorsqu’on l’apprend, on n’en a pas fini, jusqu’à la toute dernière ligne, aussi merveilleuse qu’assassine. Un coup de poignard ou une libération. Comment la narratrice n’avait-elle pas pu soupçonnée ? Comment le lecteur n’avait-il pas imaginée ? L’une et les autres sont pris en flagrant-délit, celui de la réduction de la mère dans l’image qu’on s’en est faite, confusion de la mère et de l’imago de la mère. Le récit n’est pas une histoire mais une expérience.
Noli me tangere. « Ne me retiens pas. » La rencontre de Madeleine avec Jésus que commente, peut-être un peu lourdement, le récit, pourrait bien être la clef de lecture dudit récit, comme invitation à n’enfermer quiconque, et par-dessus tout ceux que l’on comprend le moins, dans l’image que l’on s’en fait, à ne pas s’enfermer soi-même dans la relation projetée.
Jamais rien de la vie n’est en noir et blanc. Les nuances, les teintes et les couleurs sont nombreuses, que la romancière distille tout au long du texte. Leur variété, comme en écho, est diffractée et réfléchie par celle des parfums ‑ une année, la mère s’exerce à être nez ‑, et celle de la profusion des insectes ‑ le père se passionne pour l’entomologie.
Flammarion, Paris 2023
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